Читаем Le passager полностью

La femme riait maintenant. Elle était prise d’un fou rire flûté mais irrésistible, qui sifflait entre ses joues flasques.

— Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ?

Elle rit encore, puis s’arrêta brusquement pour tirer sur sa cigarette par brèves bouffées, comme s’il s’agissait d’un masque à oxygène.

— Bon sang mais explique-toi !

— Frère jumeau est né, dit-elle enfin. En même temps que toi. Mais il était mort ! On l’avait tué trois mois avant. Avec longue, longue, longue aiguille… Psia krew ! (Elle empoigna de nouveau son abdomen dans une attitude outrancière.) J’ai gardé diable mort dans mon ventre… Il pourrissait, il empoisonnait mes eaux… Il t’empoisonnait, toi…

Kubiela s’effondra sur le banc.

— Qu’est-ce… qu’est-ce que tu racontes ?

Il tremblait sur place. Il avait l’impression que des vaisseaux sanguins lui pétaient à la surface des tempes.

— Vérité, murmura Francyzska entre deux taffes.

Elle essuya posément ses yeux. Ses larmes de rire.

— On l’a tué, kotek. Mais on n’a pas pu le sortir avant accouchement. Trop risqué pour toi. Alors, son esprit est resté là. (Elle serra son ventre.) Il t’a contaminé, moj syn…

Elle alluma encore une cigarette avec la précédente, puis fit un signe de croix.

— Il t’a contaminé, répéta-t-elle. M’a contaminée aussi…

Elle observait l’extrémité incandescente de sa cigarette. Souffla dessus comme un artificier attise sa mèche de dynamite.

— Aujourd’hui toujours dans mon ventre… Je dois le purifier…

Elle ouvrit sa doudoune. Elle portait dessous une chemise de nuit douteuse. D’un geste, elle releva le tissu. Sa peau était constellée de brûlures et de scarifications en forme de croix chrétienne.

Le temps que Kubiela comprenne, l’infirmière se précipitait. Trop tard. La femme avait écrasé sa cigarette sur sa chair grise, en murmurant une prière en polonais.

<p>136</p>

— CHAQUE DAGUERRÉOTYPE est une œuvre d’art unique. Il est non reproductible, vous comprenez ? Quand vous glissez la plaque dans la chambre, il n’y a pas de deuxième chance !

11 heures du matin.

La veille, Anaïs n’avait réussi qu’à rencontrer quatre daguerréotypistes. Des artisans sympathiques, 100 % innocents. Grâce à un GPS qui marchait une fois sur cinq, elle s’était perdue des heures dans la banlieue parisienne et avait finalement échoué, épuisée, dans un hôtel Ibis de la porte de Champerret sur le coup des 2 heures du matin.

Maintenant, elle se trouvait chez Jean-Michel Broca, au Plessis-Robinson. Le troisième de la matinée. Un artiste branché qui prétendait réinventer le langage photographique : « Le vrai ! Celui des contrastes vibrants, du noir et blanc scintillant, des détails à vous couper le souffle ! » Elle n’avait rien appris auprès de lui. Seulement acquis la conviction qu’il n’était pas le tueur — il revenait d’un voyage de quatre mois en Nouvelle-Calédonie.

En guise de conclusion, Anaïs glissa sa question qui tuait :

— À votre avis, pourrait-on intégrer du sang humain dans le processus chimique du daguerréotype ?

— Du… du sang humain ?

Elle expliqua de nouveau son idée. L’hémoglobine. L’oxyde de fer. La chaîne de révélation de l’image. Broca était choqué mais elle sentit aussi qu’il appréciait l’idée. Les déjections organiques étaient très tendance dans l’art contemporain. Cadavres d’animaux découpés en lamelles pour Damien Hirst. Crucifix plongés dans l’urine pour Andres Serrano. Pourquoi pas des images incrustées de sang ?

— Il faudrait que j’étudie la question…, bafouilla-t-il. Faire des essais…

Anaïs roula encore et finit par trouver, aux alentours de midi, Yves Peyrot au fond d’un pavillon discret de Neuilly-Plaisance, au-delà de la Marne. C’était le 8e de sa liste. Si on excluait deux autres photographes absents de France depuis plusieurs mois, il lui resterait après celui-là huit gus à visiter.

Après l’artiste visionnaire, elle découvrit l’artisan consciencieux. Peyrot lui montra chaque objet nécessaire au procédé, précisant qu’il les avait fabriqués lui-même. Anaïs regardait sa montre. Peyrot n’était pas le tueur. 70 ans et 60 kilos tout mouillé…

— Je cherche à renouer avec la perfection des maîtres de 1850, fit-il en sortant sa collection de plaques. Eux seuls réussissaient à exprimer une échelle tonale aussi large, partant des lumières les plus aiguës jusqu’aux détails les plus denses dans les ombres…

Anaïs le félicita et s’orienta vers la sortie.

13 heures.

Elle reprit la direction de Paris. Sa prochaine cible : un photographe qu’elle avait manqué la veille. Remy Barille, dans le onzième arrondissement. Un historien. Il l’assomma de dates, de noms, d’anecdotes. Il était plus de 15 heures. Elle posa pour la forme sa question sur le sang humain et n’obtint en réponse qu’un coup de sourcils offusqué. Il était vraiment temps de se tirer.

Elle partit à reculons. L’historien agitait les bras :

— Mais on n’a pas fini ! Je dois vous expliquer les techniques de l’anté-daguerréotype, de l’héliochrome et du diorama !

Anaïs dévalait déjà la cage d’escalier.

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