Читаем Le monde inverti полностью

Je savais que la ville allait subir une métamorphose fondamentale. Je sentais crouler les anciennes structures des guildes. Bien des gens avaient déjà changé de rôle. En travaillant avec les équipes des voies, j’avais rencontré plusieurs hommes qui se trouvaient pour la première fois hors de la cité, des hommes qui – avant les attaques – travaillaient à la synthèse des aliments, à l’éducation ou à l’administration intérieure. Il était évidemment impossible de recourir à présent à la main-d’œuvre des tooks et il fallait faire appel à tous les bras pour mouvoir la ville. Pourquoi Clausewitz avait précisément choisi ce moment pour me convoquer, je ne le concevais pas.

Il n’était pas dans la salle des Futurs, aussi attendis-je un bout de temps. Une demi-heure, et il n’avait pas encore fait son apparition. Sachant que mes services étaient nécessaires à l’extérieur, je repartis par où j’étais venu.

Je rencontrai Futur Denton dans le passage.

— Vous êtes Mann, du Futur ?

— Oui.

— Nous quittons la ville. Êtes-vous prêt immédiatement ?

— Je devais rencontrer Futur Clausewitz.

— Exact. Il m’envoie à sa place. Savez-vous monter à cheval ?

J’avais oublié les chevaux pendant mon absence.

— Oui.

— Bien. Retrouvez-moi aux écuries dans une heure.

Il entra dans la salle des Futurs.

Avec une heure de liberté devant moi, je me rendis compte que je n’avais rien à faire, personne à voir. Tous mes anciens liens avec la cité étaient rompus… même mes souvenirs de sa forme n’étaient plus conformes à la réalité.

Je me rendis à l’arrière de la ville pour constater en personne l’étendue des dommages causés à la crèche, mais il n’y avait pas grand-chose à voir. Presque toute la superstructure était brûlée ou démolie et les logements des enfants n’existaient plus : on n’y voyait plus que le cadre d’acier de la base de la ville. De là je voyais l’autre côté de la rivière, où avait eu lieu l’attaque. Je me demandai si les tooks recommenceraient. Leur défaite me semblait sévère mais, s’ils nous haïssaient à ce point, un jour ou l’autre ils se reformeraient pour donner un nouvel assaut.

Ce fut alors que le côté très vulnérable de la cité me frappa. Elle n’avait pas été conçue pour repousser une attaque quelconque ; elle se déplaçait lentement ; elle était difficile à manier, construite de matériaux hautement inflammables. Tous les points faibles, les voies, les câbles, la superstructure en bois étaient d’accès facile.

Je me demandais si les tooks soupçonnaient comme il serait aisé de l’anéantir… Il leur suffirait de détruire complètement le matériel de traction, puis d’attendre que le mouvement du sol l’eût emportée lentement vers le sud.

J’y réfléchis quelque temps. Si les gens de l’extérieur ne comprenaient pas la fragilité de la ville, c’était par manque d’information. Les étranges métamorphoses de mes trois compagnes n’avaient sans doute pas été ressenties par elles, subjectivement.

Ici, près de l’optimum, les tooks n’étaient sujets à aucune distorsion perceptible, et les différences entre eux et nous passaient inaperçues. Mais s’ils parvenaient à retenir la ville suffisamment au sud pour qu’on ne puisse la remorquer, ils pourraient juger de l’effet sur ses habitants.

Cependant, pour le moment, la ville était relativement en sûreté. Bordée d’un côté par la rivière et de l’autre par un terrain montant qui ne fournirait aucun moyen de protection aux agresseurs elle occupait une bonne position stratégique.

Avais-je seulement le temps de me procurer des vêtements de rechange ? Je portais les mêmes, nuit et jour, depuis des semaines. Cette pensée me ramena inévitablement à Victoria, à son dégoût de mon uniforme puant après mes sorties au-dehors.

Je retournai me renseigner dans la salle des Futurs. On me dit qu’en temps normal les uniformes étaient faciles à obtenir, mais pas pour le moment. On m’en trouverait un pendant mon absence.

Futur Denton m’attendait quand j’arrivai aux écuries. On me donna un cheval et, sans plus tarder, nous sortîmes de sous la ville pour nous diriger vers le nord.

<p>3</p>

Denton ne parlait guère, si on ne l’interrogeait pas. Il répondait à toutes mes questions, mais nous avions de longues périodes de silence. Je ne trouvais pas cela désagréable… j’avais le temps de réfléchir, et j’en avais grand besoin.

Ce que m’avaient enseigné les guildes à mes débuts restait vrai : j’admettais de déduire moi-même ce que je pouvais de ce que je voyais, plutôt que de me fier à l’interprétation des autres.

Nous suivions le cours prévu pour les voies, qui nous fit longer le flanc de la butte, puis franchir le col. Après, le terrain descendait régulièrement sur une grande distance, suivant le cours d’un ruisseau. La vallée menait à une petite région boisée, derrière laquelle se dessinait une nouvelle chaîne de collines.

— Denton, pourquoi avons-nous quitté la ville à ce moment précis ? demandai-je. On y a sûrement besoin de tous les hommes ?

— Notre travail est toujours important.

— Plus que la défense de la ville ?

— Oui.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Аччелерандо
Аччелерандо

Сингулярность. Эпоха постгуманизма. Искусственный интеллект превысил возможности человеческого разума. Люди фактически обрели бессмертие, но одновременно биотехнологический прогресс поставил их на грань вымирания. Наноботы копируют себя и развиваются по собственной воле, а контакт с внеземной жизнью неизбежен. Само понятие личности теперь получает совершенно новое значение. В таком мире пытаются выжить разные поколения одного семейного клана. Его основатель когда-то натолкнулся на странный сигнал из далекого космоса и тем самым перевернул всю историю Земли. Его потомки пытаются остановить уничтожение человеческой цивилизации. Ведь что-то разрушает планеты Солнечной системы. Сущность, которая находится за пределами нашего разума и не видит смысла в существовании биологической жизни, какую бы форму та ни приняла.

Чарлз Стросс

Научная Фантастика