Читаем Le monde inverti полностью

Je longeai à regret le périmètre de la cité, trouvai les voies en direction du nord et les suivis jusqu’à la crête. Marcher seul de nuit dans la plaine était une expérience plutôt déconcertante. Il faisait déjà froid et une forte brise soufflait de l’est, me glaçant sous mon mince uniforme. Je voyais devant moi la masse de la crête, contre la faible luminosité du ciel nuageux. Dans la dépression, les lignes anguleuses des supports de roues se détachaient sur le ciel, ainsi que les silhouettes des miliciens montant la garde. Quand je m’avançai, ceux-ci me firent les sommations d’usage.

— Halte-là ! (Les deux hommes avaient interrompu leurs allées et venues et j’avais le sentiment que leurs arbalètes pointaient sur moi.) Votre identité ?

— Apprenti Helward Mann.

— Que faites-vous hors de la ville ?

— Je travaille pour l’homme de guilde Malchuskin. Sur les voies. Je suis déjà passé devant vous à bord d’un camion.

— Exact. Avancez.

J’allai vers eux.

— Je ne vous connais pas, dit l’un d’eux. Vous venez juste de commencer ?

— Oui… il y a environ un kilomètre.

— À quelle guilde appartenez-vous ?

— Les Futurs.

Celui qui avait parlé éclata de rire :

— Plutôt vous que moi !

— Pourquoi ?

— J’ai envie de vivre longtemps.

— Il est bien jeune, quand même, dit l’autre.

— De quoi parlez-vous ? fis-je.

— Êtes-vous déjà monté vers le futur ?

— Non.

— Êtes-vous déjà descendu vers le passé ?

— Non. J’ai débuté il y a seulement quelques jours.

Une pensée me vint à l’esprit. Même incapable de distinguer leurs visages dans le noir, je devinais à leurs voix qu’ils n’étaient guère plus âgés que moi. Peut-être douze cents kilomètres, mais guère plus. Mais si c’était exact, je devais sûrement les connaître, car ils avaient sans doute séjourné à la crèche en même temps que moi.

— Comment vous appelez-vous ? demandai-je à l’un d’eux.

— Conwell Sturner. Pour vous, Arbalétrier Sturner.

— Étiez-vous à la crèche ?

— Oui. Mais je ne me souviens pas de vous. Il est vrai que vous n’êtes qu’un gamin.

— Je viens de quitter la crèche. Vous n’y étiez pas.

Ils rirent de nouveau, tous les deux et je sentis que la colère me prenait.

— Nous étions descendus dans le passé, fiston.

— Qu’est-ce que cela signifie ?

— Cela signifie que nous sommes des hommes.

— Vous devriez être au lit, fiston. Il y a du danger par ici, la nuit.

— Mais il n’y a personne, protestai-je.

— Pas pour le moment. Mais pendant que les mollassons de la ville roupillent, c’est nous qui les protégeons des tooks.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Les tooks ? Les durs du coin qui sautent sur les jeunes apprentis dans la nuit.

Je m’avançai un peu. Je regrettais d’être revenu au lieu de rester dans la ville. Néanmoins ma curiosité était éveillée.

— Sincèrement… que voulez-vous dire ? fis-je.

— Il y a là-bas des tooks qui n’aiment pas la ville. Si nous ne faisions pas bonne garde, ils endommageraient les voies. Vous voyez ces poulies ? Ils les abattraient si nous n’étions pas ici.

— Mais ce sont quand même les… tooks qui ont aidé à les dresser ?

— Ceux qui travaillent pour nous, oui. Mais il y en a une flopée qui refusent.

— Allez au lit, petit. Laissez-nous le soin des tooks.

— Vous deux, seuls ?

— Oui, nous deux… plus une douzaine d’autres répartis sur la crête. Va vite te coucher, fiston, et fais bien attention à ne pas recevoir un carreau entre les yeux.

Je pivotai et poursuivis ma route. Je bouillais de colère et si je m’étais attardé un instant de plus, je me serais jeté sur l’un d’entre eux. Je détestais cette manière de me traiter en gamin. Pourtant je me rendais compte que je les avais piqués au vif. Deux jeunes hommes armés d’arbalètes ne constituaient pas une défense sérieuse contre des assaillants déterminés, et ils le savaient bien. Mais il importait à leur amour-propre de me diminuer pour se conférer ainsi un faux prestige.

Quand j’estimai qu’ils ne pouvaient plus m’entendre, je pris le pas de course et, presque aussitôt, butai sur une traverse. Je m’écartai de la voie et me remis à courir. Malchuskin m’attendait dans la cabane et nous mangeâmes ensemble, encore une fois, un repas d’aliments synthétiques.

<p>6</p>

Deux jours de travail et ce fut mon temps de repos. Durant ces deux jours. Malchuskin aiguillonna si bien les hommes qu’ils produisirent plus de travail que jamais auparavant. La progression fut satisfaisante. Bien qu’il fût encore plus pénible de poser les rails que de les enlever, on pouvait jouir du plaisir plus subtil de contempler les résultats : une section de voie qui s’étendait toujours plus loin. Le travail supplémentaire consistait à creuser les emplacements des fondations pour y déposer les blocs de béton avant de placer les traverses et les rails. Comme trois groupes s’affairaient maintenant au nord de la cité et que chacune des voies avait à peu près la même longueur que les autres, il s’établissait entre les équipes une saine émulation. Je fus surpris de voir combien les hommes appréciaient cette concurrence : ils échangeaient des plaisanteries tout en peinant.

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