Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome III полностью

– Moi? dit Balsamo. Mais que fais-je donc en ce moment, au contraire? Je vous montre, d’un côté, le libre arbitre; de l’autre, l’abstraction. Je vous expose un mourant laissé à toutes les souffrances; cet homme a une âme toute stoïque, il va au-devant de l’opération, il la provoque, il la supporte, mais il souffre. Voilà pour le libre arbitre. Mais je passe près de ce mourant, moi, l’envoyé de Dieu, moi, le prophète, moi, l’apôtre, et si, prenant en pitié cet homme, mon semblable, j’enlève, par le pouvoir que le Seigneur m’a donné, l’âme de son corps qui souffre, ce corps aveugle, inerte, insensible, devient pour l’âme un spectacle qu’elle contemple pieusement et miséricordieusement du haut de sa sphère limpide. Havard – ne l’avez-vous point entendu? – Havard, quand il parlait de lui-même, disait: «Ce pauvre Havard!» Il ne disait plus moi. C’est qu’en effet cette âme n’avait plus affaire à ce corps, elle qui était à moitié chemin du ciel.

– Mais, à ce compte, l’homme n’est plus rien, dit Marat, et je ne puis plus dire aux tyrans: «Vous avez puissance sur mon corps, mais vous ne pouvez rien sur mon âme?»

– Ah! voilà que vous passez de la vérité au sophisme; monsieur, je vous l’ai dit, c’est votre défaut. Dieu prête l’âme au corps, il est vrai; mais il n’en est pas moins vrai que, tout le temps que l’âme possède ce corps, il y a union entre eux, influence de l’un sur l’autre, suprématie de la matière sur l’idée, selon que, dans des vues qui nous sont inconnues, Dieu a permis que le corps fût roi ou que l’âme fût reine; mais il n’en est pas moins vrai que le souffle qui anime le mendiant est aussi pur que celui qui fait mourir le roi. Voilà le dogme que vous devez prêcher, vous, apôtre de l’égalité. Prouvez l’égalité des deux essences spirituelles, puisque, cette égalité, vous pouvez l’établir à l’aide de tout ce qu’il y a de sacré au monde: les livres saints et les traditions, la science et la foi. Que vous importe l’égalité de deux matières! avec l’égalité des corps, vous ne volez pas devant Dieu. Tout à l’heure, ce pauvre blessé, cet ignorant enfant du peuple, vous a dit, touchant son mal, des choses que nul parmi les médecins n’eût osé dire. Pourquoi cela? C’est que son âme, dégagée momentanément des liens du corps, a plané au-dessus de la terre, et qu’elle a vu d’en haut un mystère que nous dérobe notre opacité.

Marat tournait et retournait sur la table sa tête de mort, cherchant une réponse qu’il ne trouvait pas.

– Oui, murmura-t-il enfin, oui, il y a quelque chose de surnaturel là-dessous.

– De naturel, au contraire, monsieur; cessez d’appeler surnaturel tout ce qui ressort des fonctions de la destinée de l’âme. Naturelles sont ces fonctions; connues, c’est autre chose.

– Inconnues à nous, maître, ces fonctions ne doivent pas être des mystères pour vous. Le cheval, inconnu aux Péruviens, était familier aux Espagnols, qui l’avaient dompté.

– Ce serait orgueilleux à moi de dire: «Je sais.» Je suis plus humble, monsieur, je dis: «Je crois.»

– Eh bien, que croyez-vous?

– Je crois que la loi du monde, la première, la plus puissante de toutes, est celle du progrès. Je crois que Dieu n’a rien créé que dans un but de bien-être ou de moralité. Seulement, comme la vie de ce monde est incalculée et incalculable, le progrès est lent. Notre planète, au dire des Écritures, comptait soixante siècles quand l’imprimerie est venue comme un vaste phare réfléchir le passé et éclairer l’avenir; avec l’imprimerie, plus d’obscurité, plus d’oubli; l’imprimerie, c’est la mémoire du monde. Eh bien, Gutenberg a inventé l’imprimerie et moi, j’ai retrouvé la confiance.

– Ah! dit ironiquement Marat, vous en arriverez peut-être à lire dans les cœurs?

– Pourquoi pas?

– Alors, vous ferez pratiquer à la poitrine de l’homme cette petite fenêtre que désiraient tant y voir les anciens?

– Il n’est pas besoin de cela, monsieur: j’isolerai l’âme du corps; et l’âme, fille pure, fille immaculée de Dieu, me dira toutes les turpitudes de cette enveloppe mortelle qu’elle est condamnée à animer.

– Vous révélerez des secrets matériels?

– Pourquoi pas?

– Vous me direz, par exemple, qui m’a volé ma montre?

– Vous abaissez la science à un triste niveau, monsieur. Mais, n’importe! la grandeur de Dieu est aussi bien prouvée par le grain de sable que par la montagne, par le ciron que par l’éléphant. Oui, je vous dirai qui vous a volé votre montre.

En ce moment, on frappa timidement à la porte. C’était la femme de ménage de Marat qui était rentrée et qui, selon l’ordre donné par le jeune chirurgien, apportait la lettre.

<p id="_Toc103005782">Chapitre CVII La portière de Marat</p>

La porte s’ouvrit et donna passage à dame Grivette.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Аламут (ЛП)
Аламут (ЛП)

"При самом близоруком прочтении "Аламута", - пишет переводчик Майкл Биггинс в своем послесловии к этому изданию, - могут укрепиться некоторые стереотипные представления о Ближнем Востоке как об исключительном доме фанатиков и беспрекословных фундаменталистов... Но внимательные читатели должны уходить от "Аламута" совсем с другим ощущением".   Публикуя эту книгу, мы стремимся разрушить ненавистные стереотипы, а не укрепить их. Что мы отмечаем в "Аламуте", так это то, как автор показывает, что любой идеологией может манипулировать харизматичный лидер и превращать индивидуальные убеждения в фанатизм. Аламут можно рассматривать как аргумент против систем верований, которые лишают человека способности действовать и мыслить нравственно. Основные выводы из истории Хасана ибн Саббаха заключаются не в том, что ислам или религия по своей сути предрасполагают к терроризму, а в том, что любая идеология, будь то религиозная, националистическая или иная, может быть использована в драматических и опасных целях. Действительно, "Аламут" был написан в ответ на европейский политический климат 1938 года, когда на континенте набирали силу тоталитарные силы.   Мы надеемся, что мысли, убеждения и мотивы этих персонажей не воспринимаются как представление ислама или как доказательство того, что ислам потворствует насилию или террористам-самоубийцам. Доктрины, представленные в этой книге, включая высший девиз исмаилитов "Ничто не истинно, все дозволено", не соответствуют убеждениям большинства мусульман на протяжении веков, а скорее относительно небольшой секты.   Именно в таком духе мы предлагаем вам наше издание этой книги. Мы надеемся, что вы прочтете и оцените ее по достоинству.    

Владимир Бартол

Проза / Историческая проза