Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome III полностью

Thérèse, qui méprisait profondément la virilité, la complexion, l’esprit et les habitudes de Rousseau, Thérèse, qui le trouvait vieux, souffrant et laid, n’avait pas peur qu’on lui enlevât son mari; elle ne supposait pas que les femmes dussent le voir avec d’autres yeux qu’elle-même. Cependant comme c’est un des supplices les plus friands pour une femme que la torture par la jalousie, Thérèse se donnait parfois ce régal.

Voyant donc Rousseau s’approcher si souvent de la fenêtre, rêver et ne pas tenir en place:

– Bon! dit-elle, je comprends toute votre agitation… Vous avez quitté tout à l’heure quelqu’un.

Rousseau la regarda d’un air effaré, ce qui fut un indice de plus pour elle.

– Quelqu’un que vous cherchez à revoir, continua-t-elle.

– Plaît-il? dit Rousseau.

– Nous avons des rendez-vous, à ce qu’il paraît?

– Oh! fit Rousseau, qui comprit qu’on lui parlait de jalousie, des rendez vous! Vous êtes folle, Thérèse!

– Je sais bien que ce serait une folie, dit-elle; mais vous êtes capable de toutes; allez, allez, avec votre teint de papier mâché, avec vos palpitations de cœur, avec votre petite toux sèche, allez faire des conquêtes: c’est un bon moyen de vous avancer.

– Mais, Thérèse, vous savez bien qu’il n’en est rien, dit Rousseau avec humeur; laissez-moi donc rêver tranquillement.

– Vous êtes un libertin, dit Thérèse avec le plus grand sérieux du monde.

Rousseau rougit comme si on venait de lui dire une vérité ou de lui faire un compliment.

Alors Thérèse se crut en droit de montrer un visage terrible, de bouleverser le ménage, de faire claquer les portes et de jouer avec la tranquillité de Rousseau, comme les enfants avec ces anneaux de métal qu’ils enferment dans des boîtes et qu’ils secouent à grand bruit.

Rousseau se réfugia dans son cabinet. Ce tumulte avait un peu affaibli ses idées.

Il songea qu’il y aurait sans doute un danger à ne pas assister à la cérémonie mystérieuse dont l’étranger lui avait parlé au coin du quai.

– S’il y a des peines contre les révélateurs, il doit y en avoir contre les tièdes ou contre les négligents, pensa-t-il. Or, j’ai toujours remarqué que les gros dangers ne sont rien, pas plus que les grosses menaces; les cas d’application de peines ou d’exécution, en pareille circonstance, sont extrêmement rares; mais, pour les petites vengeances, les coups sournois, les mystifications et autre menue monnaie, il y faut prendre garde. Quelque jour, les frères maçons se payeraient de mon mépris par la tension d’une corde dans mon escalier; je m’y briserais une jambe et les huit ou dix dents qui me restent… ou bien ils auront un moellon tout prêt à me laisser choir sur la tête lorsque je côtoierai un échafaudage… Mieux que cela, dans leur maçonnerie, il y aura quelque pamphlétaire vivant tout près de moi, sur mon palier peut-être, plongeant par ses fenêtres dans ma chambre. Cela n’est pas impossible, puisque les réunions ont lieu rue Plâtrière même… Eh bien, ce coquin écrira sur moi des platitudes qui me ridiculiseront dans tout Paris… N’ai-je pas des ennemis partout?

Un moment après, Rousseau changeait de pensée.

– Eh bien, se disait-il, où est le courage, où est l’honneur? J’aurai peur vis-à-vis de moi-même? Je ne regarderai dans mon miroir que la face d’un poltron et d’un coquin? Non, il n’en sera pas ainsi… Dût l’univers se coaliser pour mon malheur, dût la cave de cette rue s’écrouler sur moi, j’irai… Beaux raisonnements, d’ailleurs, qu’enfante la peur. Depuis mon retour, à cause de la rencontre de cet homme, je me surprends à toujours tourner dans un cercle d’inepties. Voilà que je doute de tous, et de moi-même! cela n’est pas logique… Je me connais, je ne suis pas un enthousiaste: si j’ai cru voir des merveilles dans l’association projetée, c’est qu’il y a des merveilles. Qui me dit que je ne serai pas, moi, le régénérateur du genre humain, moi qu’on a recherché, moi que les agents mystérieux d’un pouvoir sans limites sont venus consulter sur la foi de mes écrits: je reculerais lorsqu’il s’agit de suivre mon œuvre, de substituer l’application à la théorie!

Rousseau s’animait.

– Quoi de plus beau! Les âges marchent… les peuples sortent de l’abrutissement, le pas suit le pas dans l’obscurité, la main dans l’ombre; l’immense pyramide s’élève au-dessus de laquelle, pour couronnement, les siècles futurs placeront le buste de Rousseau, citoyen de Genève, qui, pour faire comme il a dit, a risqué sa liberté, sa vie, c’est-à-dire a été fidèle à sa devise: Vitam impendere vero.

Là-dessus, Rousseau, transporté, se mit à son clavecin et acheva de se monter l’imagination avec les mélopées les plus ronflantes, les plus larges et les plus guerrières qu’il put arracher aux flancs de l’instrument sonore.

La nuit vint. Thérèse, fatiguée d’avoir tourmenté vainement son captif, dormait sur sa chaise; Rousseau, dont le cœur battait fort, prit son habit neuf comme pour aller en bonne fortune; il étudia un moment dans la glace le jeu de ses yeux noirs, qu’il trouva vifs et parlants; ce qui le charma.

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