Ils se précipitèrent tous en même temps vers la sortie et formèrent devant la porte une véritable mêlée d’où certains parvinrent à émerger pour se ruer dans le couloir. Harry les entendait courir à toutes jambes en espérant qu’ils auraient suffisamment de bon sens pour ne pas essayer de rejoindre directement leurs dortoirs respectifs. Il n’était que neuf heures moins dix, il leur suffisait d’aller se réfugier à la bibliothèque ou dans la volière qui étaient toutes les deux beaucoup plus proches.
– Harry, viens vite ! cria Hermione au centre de la cohue où tout le monde se battait à présent pour sortir.
Il saisit Dobby qui essayait toujours de s’infliger de cruelles blessures et courut se joindre aux autres en portant l’elfe dans ses bras.
– Dobby, c’est un ordre : va tout de suite retrouver les autres elfes dans la cuisine. Si elle te demande si tu m’as prévenu, n’hésite pas à mentir et réponds-lui que non ! recommanda Harry. Et je t’interdis de te faire du mal !
Il lâcha l’elfe après avoir été le dernier à franchir la porte qu’il claqua derrière lui.
– Merci, Harry Potter, couina Dobby qui fila aussitôt.
Harry jeta un regard de chaque côté. Les autres couraient si vite qu’il vit simplement des pieds s’agiter à chaque bout du couloir puis disparaître rapidement. Il se mit à courir à son tour vers la droite. Un peu plus loin, il y avait des toilettes réservées aux garçons. Il pourrait toujours prétendre qu’il y était depuis un certain temps déjà, si toutefois il parvenait jusque-là…
– AAARGH !
Quelque chose se prit dans ses jambes et il fit une chute spectaculaire, glissant à plat ventre sur une distance de deux mètres avant de s’arrêter enfin. Quelqu’un riait derrière lui. Il roula sur le dos et vit Malefoy, caché dans une niche, derrière un horrible vase en forme de dragon.
– Maléfice du Croche-Pied, Potter ! lança-t-il. Hé, professeur… PROFESSEUR ! J’en ai un !
Ombrage surgit au bout du couloir, essoufflée mais le sourire ravi.
– C’est lui ! dit-elle avec jubilation en voyant Harry par terre. Excellent, Drago, excellent ! Oh, c’est vraiment très bien, cinquante points pour Serpentard ! Je m’en occupe, maintenant… Debout, Potter !
Harry se releva en leur jetant à tous les deux un regard noir. Il n’avait jamais vu Ombrage aussi heureuse. Elle lui saisit le bras en le serrant comme un étau et se tourna vers Malefoy avec un large sourire.
– Voyez si vous pouvez encore en attraper, Drago, dit-elle. Demandez aux autres d’aller faire un tour à la bibliothèque, qu’ils repèrent ceux qui sont essoufflés, vérifiez aussi les toilettes, Miss Parkinson s’occupera de celles des filles. Allez-y. Quant à vous, Potter, ajouta-t-elle de sa voix la plus douce et la plus menaçante tandis que Malefoy s’éloignait, vous allez venir avec moi dans le bureau du directeur.
Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent devant la gargouille de pierre. Harry se demandait combien d’autres membres de l’A.D. s’étaient fait prendre. Il pensa à Ron – Mrs Weasley allait le tuer – et à la réaction d’Hermione si elle était renvoyée avant d’avoir pu passer ses B.U.S.E. Et Seamus… C’était sa toute première séance… Et Neville qui faisait tant de progrès…
–
La gargouille de pierre s’écarta aussitôt, le mur s’ouvrit et ils montèrent l’escalier mobile. Lorsqu’ils eurent atteint la porte de bois verni au heurtoir en forme de griffon, Ombrage ne se donna pas la peine de frapper et entra directement en tenant Harry toujours aussi fermement.
La pièce était remplie de visiteurs. Assis derrière son bureau, Dumbledore paraissait serein, ses doigts joints devant lui. Le professeur McGonagall se tenait debout à côté de lui, raide et le visage extrêmement tendu. Près de la cheminée, Cornelius Fudge, le ministre de la Magie, se balançait d’avant en arrière sur ses orteils, apparemment ravi de la situation. Kingsley Shacklebolt et un autre sorcier que Harry ne connaissait pas, l’air patibulaire, le cheveu court et dru, avaient pris position de chaque côté de la porte comme des sentinelles en faction. La silhouette affairée de Percy Weasley, le visage constellé de taches de rousseur, les lunettes sur le nez, l’air surexcité, se détachait du mur. Il tenait entre les mains une plume et un gros rouleau de parchemin, visiblement prêt à prendre des notes.
Les portraits des anciens directeurs et directrices de Poudlard ne faisaient pas semblant de dormir, cette fois. Tous avaient l’air grave et attentif, regardant ce qui se passait sous leurs yeux. Lorsque Harry entra, quelques-uns d’entre eux se précipitèrent dans les cadres de leurs voisins pour leur chuchoter précipitamment quelque chose à l’oreille.
Dès que la porte se fut refermée derrière eux, Harry se dégagea de l’étreinte d’Ombrage. Cornelius l’observa d’un œil flamboyant avec une expression de satisfaction perverse.
– Eh bien, dit-il. Eh bien, eh bien…