Harry entendait à nouveau murmurer abondamment sur son passage et les doigts recommençaient à se pointer sur lui. Il décela cependant un léger changement de ton. À présent, les chuchoteries exprimaient davantage la curiosité que l’hostilité et quelques bribes de conversation laissaient deviner que certains n’étaient pas du tout satisfaits de la façon dont
Les élèves n’étaient pas seuls à avoir changé d’état d’esprit. Il n’était pas rare désormais de croiser dans les couloirs deux ou trois professeurs qui conversaient à voix basse et précipitée et s’interrompaient dès qu’ils voyaient un élève approcher.
– Il est évident qu’ils ne peuvent plus parler librement dans la salle des professeurs, dit un jour Hermione au moment où elle passait en compagnie de Harry et de Ron devant les professeurs McGonagall, Flitwick et Chourave en plein conciliabule devant la classe de sortilèges. À cause d’Ombrage qui ne cesse de les surveiller.
– Tu crois qu’ils ont du nouveau ? demanda Ron en jetant par-dessus son épaule un regard aux trois enseignants.
– Si c’est le cas, tu peux être sûr qu’on n’en saura rien, répondit Harry avec colère. Pas avec le décret… on en est à quel numéro, maintenant ?
Une nouvelle note d’information était en effet apparue sur les tableaux d’affichage des différentes maisons, le lendemain du jour où l’évasion d’Azkaban avait été connue :
Ce dernier décret avait donné lieu à un grand nombre de plaisanteries de la part des élèves. Lee Jordan avait fait remarquer à Ombrage qu’en vertu de cette nouvelle règle, elle n’était pas autorisée à réprimander Fred et George pour avoir joué à la Bataille explosive au fond de la classe.
– La Bataille explosive n’a rien à voir avec la défense contre les forces du Mal, professeur ! Ce n’est pas une information en rapport direct avec la matière que vous enseignez !
Lorsque Harry revit Lee un peu plus tard, il avait sur le dos de la main une vilaine blessure qui saignait encore. Harry lui recommanda l’essence de Murlap.
Harry aurait pensé que l’évasion d’Azkaban inciterait Ombrage à faire preuve d’un peu plus d’humilité, qu’elle ressentirait une certaine honte devant cette catastrophe qui s’était produite sous le nez de son bien-aimé Fudge. Mais il semblait au contraire que son furieux désir d’exercer son contrôle sur tous les aspects de la vie à Poudlard s’en trouvait intensifié. Elle paraissait en tout cas décidée à procéder bientôt à des licenciements et la seule question était de savoir si la première victime en serait le professeur Trelawney ou Hagrid.
Chaque cours de divination ou de soins aux créatures magiques se déroulait désormais en présence d’Ombrage et de son bloc-notes. Tapie près du feu, dans la classe saturée de parfums douceâtres, elle interrompait les propos de plus en plus hystériques du professeur Trelawney avec de difficiles questions sur l’ornithomancie et l’heptomologie, insistait pour qu’elle prédise les réponses des élèves avant qu’ils ne les donnent et exigeait qu’elle démontre ses aptitudes à lire l’avenir dans la boule de cristal, les feuilles de thé ou les pierres de runes. Harry pensait que le professeur Trelawney n’allait pas tarder à s’effondrer sous la pression. À plusieurs reprises, il l’avait croisée dans les couloirs – ce qui était déjà en soi un fait inhabituel car elle restait généralement cloîtrée dans sa tour –, marmonnant toute seule d’un air fébrile, se tordant les mains et jetant par-dessus son épaule des regards terrifiés. Une puissante odeur de xérès bon marché se répandait dans son sillage. S’il ne s’était pas tant inquiété pour Hagrid, il aurait éprouvé de la sympathie à son égard, mais, si l’un des deux devait perdre sa place, Harry n’avait aucun doute quant au choix de la personne qu’il souhaitait voir rester.