– Je me rappelle, maintenant, j’ai entendu papa en parler à la maison ! C’était une Langue-de-plomb et il travaillait au Département des mystères !
Ils se regardèrent un moment, puis Hermione referma le journal et jeta un coup d’œil furieux aux photos des dix évadés d’Azkaban. Enfin, elle se leva d’un bond.
– Où tu vas ? s’étonna Ron.
– Envoyer une lettre, répondit Hermione en accrochant son sac à l’épaule. C’est… Je ne sais pas si… mais ça vaut le coup d’essayer… et je suis la seule à pouvoir m’en charger.
– Je
Harry et lui se levèrent à leur tour et sortirent de la Grande Salle avec beaucoup moins de précipitation.
– Ça la tuerait de nous dire ce qu’elle mijote, pour une fois ? Il lui suffirait de dix secondes… Hé, Hagrid !
Debout près de la porte d’entrée du hall, Hagrid laissait passer devant lui un groupe de Serdaigle. Son visage était aussi tuméfié qu’à son retour du pays des géants et il avait même une nouvelle coupure sur l’arête du nez.
– Ça va, vous deux ? demanda-t-il.
Il essaya de sourire mais ne parvint qu’à faire une grimace de douleur.
– Et vous Hagrid ? répondit Harry.
Ils l’accompagnèrent tandis qu’il suivait les Serdaigle d’un pas lourd.
– Très bien, très bien, affirma-t-il en essayant sans grand succès d’adopter un ton dégagé.
Il agita une main d’un geste rassurant et faillit frapper au visage le professeur Vector qui passait par là, l’air effrayé.
– Je suis simplement un peu occupé, la routine habituelle, les cours à préparer, deux ou trois salamandres qui ont attrapé la gale des écailles… et puis je suis mis à l’épreuve, marmonna-t-il.
–
– Oui, dit Hagrid. Oh mais, en fait, je m’y attendais. Vous n’aviez peut-être pas remarqué mais cette inspection ne s’est pas très bien passée… Enfin bon, soupira-t-il, je vais aller mettre encore un peu de poudre de piment sur ces salamandres, sinon leur queue va finir par tomber. À bientôt, vous deux…
Il sortit en traînant les pieds et descendit les marches de pierre qui menaient dans le parc au sol détrempé. Harry le regarda s’éloigner en se demandant combien de mauvaises nouvelles il pourrait encore supporter.
Tous les élèves apprirent la mise à l’épreuve de Hagrid dans les jours suivants mais, à la grande indignation de Harry, il n’y eut pas grand monde pour s’en émouvoir. Certains même, à commencer par Drago Malefoy, s’en montraient enchantés. Quant à la mort monstrueuse d’un obscur employé du ministère de la Magie à l’hôpital Ste Mangouste, personne ne semblait s’en soucier ni même être au courant en dehors de Harry, Ron et Hermione. Il n’y avait plus désormais qu’un seul sujet de conversation dans les couloirs : l’évasion des dix Mangemorts. La nouvelle avait fini par se répandre dans toute l’école par l’intermédiaire des rares élèves qui lisaient les journaux. D’après les rumeurs qui se propageaient, certains des évadés avaient été vus à Pré-au-Lard. On racontait qu’ils s’étaient cachés dans la Cabane hurlante et qu’ils s’apprêtaient à s’introduire à Poudlard comme l’avait fait un jour Sirius Black.
Ceux qui venaient de familles de sorciers avaient grandi en entendant les noms de ces Mangemorts prononcés avec presque autant d’épouvante que celui de Voldemort. Les crimes qu’ils avaient commis, au temps où le Seigneur des Ténèbres imposait sa terreur, étaient devenus légendaires. Certains élèves de Poudlard, qui étaient apparentés aux familles de leurs victimes, devinrent bien malgré eux l’objet d’une célébrité indirecte dont les terribles effets se manifestaient chaque fois qu’ils marchaient dans un couloir : Susan Bones, dont l’oncle, la tante et les cousins avaient été assassinés par l’un des dix évadés, dit un jour à Harry, pendant le cours de botanique, qu’elle avait à présent une idée de ce qu’il devait ressentir.
– Je ne sais pas comment tu arrives à supporter ça. C’est horrible ! lui confia-t-elle sans détour, la mine accablée.
Sous le coup de l’émotion, elle répandit beaucoup trop de fumier de dragon sur ses pousses de Cricasse qui se tortillèrent en émettant des couinements de protestation.