Il n’y avait plus qu’une seule possibilité : quitter le square Grimmaurd à l’instant même. Il irait passer Noël à Poudlard, sans les autres, ce qui garantirait leur sécurité au moins pendant les vacances… Mais non, ce n’était pas la bonne solution, il y avait encore plein de gens à Poudlard qu’il pourrait blesser ou mutiler. Et si la prochaine victime était Seamus, Dean ou Neville ? Il cessa de faire les cent pas et s’arrêta devant la toile vide de Phineas Nigellus. Harry eut soudain l’impression d’avoir du plomb au creux de l’estomac. Il n’y avait plus d’autre choix : il devait retourner à Privet Drive, se couper entièrement du monde des sorciers.
Si c’était vraiment ce qu’il fallait faire, il était inutile de rester ici plus longtemps. Essayant de toutes ses forces de ne pas imaginer ce que serait la réaction des Dursley lorsqu’ils le trouveraient devant leur porte six mois avant la date prévue, il s’avança à grands pas vers sa grosse valise, en ferma le couvercle d’un coup sec et verrouilla la serrure. Puis il jeta un regard autour de lui, cherchant machinalement Hedwige, et se rappela qu’elle était restée à Poudlard – au moins, il n’aurait pas à porter sa cage. Il prit sa valise par l’une des poignées et la traîna derrière lui en direction de la porte lorsqu’une voix sarcastique s’éleva soudain :
– Alors, on prend la fuite ?
Il se retourna. Phineas Nigellus était apparu sur sa toile. Adossé contre le cadre, il regardait Harry d’un air amusé.
– Non, je ne prends pas la fuite, répliqua Harry d’un ton brusque en continuant de tirer sa valise.
– Je croyais, reprit Phineas Nigellus en caressant sa barbe, qu’appartenir à la maison Gryffondor signifiait qu’on était courageux ? J’ai l’impression que vous auriez été beaucoup plus à votre place dans ma propre maison. Car nous, les Serpentard, nous ne manquons certes pas de courage, mais nous ne sommes pas stupides. Par exemple, quand on nous donne le choix, nous préférons toujours sauver notre peau.
– Ce n’est pas ma peau que je sauve, répondit laconiquement Harry.
Il avait traîné sa valise jusqu’à la porte, là où le tapis était gondolé et mangé aux mites plus encore que dans le reste de la pièce.
– Ah, je vois, dit Phineas Nigellus qui continuait de se caresser la barbe. Il ne s’agit pas d’une fuite inspirée par la couardise, mais d’une attitude pleine de
Harry ne lui accorda aucune attention. Il avait la main sur la poignée de la porte lorsque Phineas Nigellus ajouta d’un ton nonchalant :
– J’ai un message pour vous de la part de Dumbledore.
Harry fit volte-face.
– Qu’est-ce que c’est ?
– Restez où vous êtes.
– Je n’ai pas bougé ! répliqua Harry, la main toujours sur la poignée de la porte. Alors, c’est quoi, ce message ?
– Je viens de vous le donner, jeune sot, répondit Phineas Nigellus d’une voix doucereuse. Dumbledore vous dit : « Restez où vous êtes. »
– Et pourquoi ? demanda Harry avec impatience en laissant tomber sa valise. Pourquoi veut-il que je reste ? Qu’est-ce qu’il a dit d’autre ?
– Rien du tout, répondit Phineas Nigellus en haussant un sourcil noir et fin, comme s’il trouvait Harry impertinent.
La colère de Harry remonta à la surface comme un serpent qui se dresse soudain parmi les hautes herbes. Il était épuisé, son esprit s’égarait au-delà de toute mesure. Au cours des douze dernières heures, la terreur, le soulagement, puis à nouveau la terreur s’étaient succédé en lui, et pourtant, Dumbledore ne voulait toujours pas lui parler !
– Alors, c’est tout ? lança-t-il d’une voix forte. « Restez où vous êtes » ? C’est aussi tout ce qu’on a trouvé à me dire après l’attaque des Détraqueurs ! Tiens-toi tranquille pendant que les adultes s’occupent des choses sérieuses ! On ne prendra pas la peine de te dire quoi que ce soit parce que ton minuscule petit cerveau ne saurait pas comment réagir !
– Voilà précisément pourquoi j’ai toujours
– Il prépare quelque chose qui me concerne, alors ? demanda précipitamment Harry.