Читаем Comme un roman полностью

– Oh! Fante, monsieur, Fante! Mon chien Stupide! C'est vrai que c'est vachement marrant!

– La Vie devant soi, Ajar… enfin, Gary… Super!

– Il est vraiment trop, le Roald Dahl! L'histoire de la femme qui tue son mec d'un coup de gigot congelé et qui fait bouffer aux flics la pièce à conviction, ça m'a complètement éclaté!

Soit, soit… les catégories critiques ne sont pas encore affinées… mais ça viendra… laissons lire… ça viendra…

– Au fond, monsieur, Le Vicomte pourfendu, Docteur Jekyll et Mister Hyde, Le Portrait de Dorian Gray, ça traite un peu du même sujet, tous ces bouquins: le bien, le mal, le double, la conscience, la tentation, la morale sociale, toutes ces choses-là, non?

– Si.

– Raskolnikov, on peut dire que c'est un personnage «romantique»?

Vous voyez… ça vient.

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Il ne s'est rien passé de miraculeux, pourtant. Le mérite du professeur est à peu près nul dans cette affaire. C'est que le plaisir de lire était tout proche, séquestré dans ces greniers adolescents par une peur secrète; la peur (très, très ancienne) de ne pas comprendre.

On avait tout simplement oublié ce qu'était un livre, ce qu'il avait à offrir. On avait oublié, par exemple, qu'un roman raconte d'abord une histoire. On ne savait pas qu'un roman doit être lu comme un roman: étancher d'abord notre soif de récit.

Pour assouvir cette fringale, on s'en était remis depuis longtemps au petit écran, qui faisait son boulot à la chaîne, enfilant dessins animés, séries, feuilletons et thrillers en un collier sans fin de stéréotypes interchangeables: notre ration de fiction. Ça remplit la tête comme on se bourre le ventre, ça rassasie, mais ça ne tient pas au corps.

Digestion immédiate. On se sent aussi seul après qu'avant.

Avec la lecture publique du Parfum, on s'est trouvé devant Süskind: une histoire, certes, un beau récit, drôle et baroque, mais une voix aussi, celle de Süskind (plus tard, dans une dissertation on appellera ça un «style»). Une histoire, oui mais racontée par quelqu'un.

– Incroyable, ce début, monsieur: «les chambres puaient… les gens puaient… les rivières puaient, les places puaient, les églises puaient… le roi puait…» nous à qui on interdit les répétitions! C'est beau, pourtant, hein? C'est marrant, mais c'est beau, aussi, non?

Oui, le charme du style ajoute au bonheur du récit. La dernière page tournée, c'est l'écho de cette voix qui nous tient compagnie. Et puis, la voix de Süskind, même à travers le double filtre de la traduction et de la voix du prof, n'est pas celle de Marquez, «ça se remarque tout de suite!», ou de Calvino. D'où cette impression étrange que, là où le stéréotype parle la même langue à tout le monde, Süskind, Marquez et Calvino, parlant leur langage propre, s'adressent à moi seul, ne racontent leur histoire que pour moi, jeune Veuve sicilienne, Perfecto sans moto, Banane et Santiags, pour moi, Burlington, qui, déjà, ne confonds plus leurs voix et m'autorise des préférences.

«Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi de son enfance où son père l'emmena faire connaissance avec la glace. Macondo était alors un village d'une vingtaine de maisons en glaise et en roseaux, construites au bord d'une rivière dont les eaux diaphanes roulaient des pierres rondes comme des œufs préhistoriques*. »

*Gabriel Garcia Marquez, Cent ans de solitude (Editions du Seuil). Traduit par Claude et Carmen Durand.

– Je la connais par cœur, la première phrase de Cent ans de solitude! Avec ces pierres, rondes comme des œufs préhistoriques…

(Merci, Monsieur Marquez, vous êtes à l'origine d'un jeu qui durera toute l'année: capter et retenir les premières phrases ou les passages préférés d'un roman qui nous a plu.)

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