Elles n'avaient pas le même âge, mais possédaient toutes deux les mêmes attraits physiques des femmes belles qui ne sont pas encore arrivées à l'automne de leur vie et gardent les meilleures grâces de leur printemps passé. Alors qu'Alba Lucinie avait atteint les trente huit ans, Claudia était arrivée à quarante deux, présentant toutes deux les mêmes dispositions d'une jeunesse avisée.
Notant qu'Alba Lucinie remarquait tous ses gestes, analysant ses moindres expressions avec toute l'intelligence de son sens de l'observation et gardait toute sa supériorité face à ses idées prononcées avec précipitation, la femme d'Urbicus s'est sentie profondément irritée.
Après tout - s'exclama-t-elle presque sèchement
Tout en disant cela, elle fixa sur son interlocutrice ses yeux brillants de colère, alors qu'Alba Lucinie sentait son cœur battre précipitamment.
Et vous savez Madame, quelle est la femme qui a les préférences de mon mari ? - a demandé l'ancienne plébéienne avec une expression haineuse indéfinissable.
La noble patricienne a reçu cette intrépide allusion les yeux larmoyants où transparaissait sa dignité d'âme.
Votre silence - a murmuré Sabine arrogante -dispense tous commentaires.
Le visage en feu, Alba Lucinie s'est levée, s'exclamant avec dignité :
Je me suis lamentablement trompée en supposant que la sincérité d'une femme honnête et d'une mère dévouée pourrait émouvoir votre cœur. En échange de mes loyaux sentiments, je reçois des insultes d'une ironie mordante et injustifiable. Je ne vous condamne pas. L'éducation n'est pas la même pour tout le monde au sein d'une même communauté et nous devons la soumettre au bon sens de la relativité. En outre, chacun donne, ce qu'il a.
Et sans même la saluer, elle s'est dirigée courageusement vers l'atrium où une litière l'attendait entourée d'esclaves empressés, alors que Claudia Sabine pétrifiée dans sa haine face à la leçon de supériorité et le dédain reçu, affichait un rire nerveux qui éclaterait bientôt en critiques indécentes contre les esclaves.
Dans l'intimité de son foyer, Alba Lucinie a prié, suppliant aux dieux de lui donner la force de supporter ses épreuves et toute leur protection. Le voyage de son mari ne tarderait pas et elle ne jugeait pas opportun que de telles révélations concernant ses contrariétés intimes fussent faites à Helvidius. Résignée, elle resterait à Rome, croyant plus tard pouvoir voir fleurir ses espoirs de paix et de bonheur au sein de son foyer. Il était nécessaire de conserver l'harmonie et le courage moral de son compagnon, de manière à ce que son cœur puisse supporter toutes les difficultés et vaincre bravement les situations les plus laborieuses. Cachant ses larmes, la pauvre femme a organisé tous les préparatifs de voyage avec la plus grande affection. Helvidius partirait avec son amour et avec sa confiance et cela devait suffire à son cœur sensible et généreux.
Néanmoins, le dernier jour des festivités était arrivé et les protocoles de la cour obligeaient Alba Lucinie à accompagner son mari aux dernières exhibitions du cirque où Nestor et son fils devaient être sacrifiés.
La perspective d'un tel spectacle lui gelait le sang, prévoyant l'horreur des scènes brutales de l'amphithéâtre, organisées par des esprits insensibles.
Elle s'est souvenue que la veille, elle avait accompagné Helvidia et Caius Fabrice à l'Aventin pour qu'ils fassent leurs adieux au grand-père et à Célia, et elle avait remarqué que sa pauvre fille était profondément défigurée par les douleurs de son grand et malheureux amour. Son cœur de mère ressentait, encore, la chaleur de l'étreinte affectueuse de sa fille qui lui dit à l'oreille d'une voix presque imperceptible : Au dernier spectacle, Cirus mourra. Elle revoyait ses yeux larmoyants en lui donnant résignée une telle nouvelle, se souvenant en même temps de la générosité avec laquelle Célia avait accueilli le bonheur de sa sœur qui, souriante et heureuse, partait pour les délices de Capoue avec ses vœux fraternels de félicité et de paix.
Alba Lucinie réfléchit longuement aux pénibles soucis qui la tourmentaient, mesurant tout le temps le besoin de les garder secrets sous le voile des joies déguisées et factices, s'attardant tristement sur les raisons de la souffrance et sur les contrastes de la chance.
Mais elle devait à tout prix changer ses dispositions mentales.