Читаем Cinquante ans plus tard полностью

Quelques minutes plus tard, tandis que les serviteurs de l'amphithéâtre retiraient des poteaux de martyre les restes ensanglantés aux cris des applaudissements de la foule en folie, Helvidius Lucius, à la tribune d'honneur, serrait nerveusement les mains de sa femme, lui laissant comprendre les commotions inexplicables qui l'accablaient en son for intérieur. Pendant cela, obligée de garder une attitude protocolaire, elle fixait son compagnon de ses yeux larmoyants.

Mais, dans le palais de l'Aventin, en cet après-midi limpide et serein, le spectacle fut peut-être plus impressionnant par sa majesté douloureuse et silencieuse.

Recueillis dans une salle de repos, Cneius Lucius el sa petite-fille observaient tous les mouvements extérieurs aux cérémonies d'Hadrien, remarquant que la vague du peuple s'était engouffrée dans le cirque pour les derniers spectacles programmés.

Alors que le ciel romain s'obscurcissait, la jeune fille alla chercher le bout de parchemin où Cirus avait écrit les huit rimes du dernier hymne, s'exclamant au vieillard doucement :

Grand-père, à cette heure Nestor et Cirus doivent être en marche pour le sacrifice !

Tu crois, grand-père, que nos êtres chers peuvent revenir du ciel pour soulager notre destinée?

Pourquoi pas, ma fille ? Puisque Jésus a promis de venir à la rencontre de ceux qui se réunissent en son nom, en ce monde, pourquoi ne permettrait-il pas à ses messagers de revenir auprès de ceux qui les aiment déjà dans cette vie ?

Célia a tourné vers le vieillard ses grands yeux tristes illuminés par une candeur merveilleuse.

Ensuite, très sereine, elle s'est levée, s'est dirigée vers la grande fenêtre qui donnait sur le Tibre dont les eaux reflétaient les nuances de l'heure crépusculaire.

Fixant le parchemin, elle en a lu tout le contenu en silence, puis chanta d'une voix presque imperceptible les vers de l'hymne chrétien et s'arrêta d'une manière particulière à la dernière strophe, la relisant en larme, elle cherchait à deviner dans ces lignes la pensée de l'élu de son cœur.

Le vénérable patricien écoutait sa voix tendre, comme s'il écoutait un oiseau déplumé, abandonné et seul parmi les hivers du monde, sans pouvoir extérioriser les émotions qui assaillaient son âme douloureuse.

Les réflexions les plus tristes peuplaient son être, elle sentait son cœur battre à un rythme terriblement accéléré.

L'âme torturée, il observait sa petite-fille qui se tournait maintenant vers le ciel à chercher parmi les nuages du bleu vespéral le cœur de celui qu'elle idolâtrait.

Quelques minutes se sont écoulées ainsi, longues et pénibles pour sa pensée épuisée et meurtrie.

À un moment donné, alors que le firmament s'était déjà évanoui, de ses yeux tendres et profonds, la jeune fille a fixé le ciel avec une plus grande attention comme si elle percevait une vision qui l'émerveillait.

Elle semblait absente de toutes les sensations du monde extérieur, de tout ce qui l'entourait, se figurant même ne pas percevoir la présence de son grand-père qui accompagnait son extase, prise d'émotion.

Après quelques instants, cependant, ses bras ont à nouveau bougé, les expressions qui lui étaient propres reprenaient le cours de la réalité et de la vie.

C'est vrai ! - a soupiré Cneius Lucius presque dans un murmure.

Grand-père - a-t-elle dit alors avec une placidité divine qui brillait dans ses yeux -, j'ai vu un groupe de colombes blanches dans le ciel, on aurait dit qu'elles sortaient du cirque du martyre !...

Oui, mon enfant - a répondu Cneius Lucius angoissé, après s'être levé pour contempler le bleu serein -, ce doit être les âmes des martyrs qui remontaient à la Jérusalem céleste !...

Un profond silence se fit entre eux deux.

L'anxiété de leur cœur dans la grandeur mélancolique du moment, parlait plus fort que tous les mots.

Toutefois Célia a interrompu ce calme divin en demandant :

Grand-père, avez-vous déjà lu le Sermon de la Montagne où Jésus bénit tous ceux qui souffrent ?!...

-Oui.. - a répondu le vieil homme attristé.

Certainement - poursuivit la jeune fille avec son innocence affectueuse et délicate - que Jésus a préféré que je reste au monde sans l'amour de Cirus, à souffrir le sacrifice de la séparation et de la nostalgie, afin de me sauver un jour au ciel où se retrouvent tous les bienheureux !...

Cneius Lucius a profondément senti toute la douce résignation de ces paroles. Il aurait voulu répondre, l'exhorter à poursuivre dans la sublime persévérance de ce sacrifice, mais son vieux cœur s'étouffait. Il a alors attiré sa petite-fille à lui et embrassa son front tendrement. Ses cheveux blêmes se mêlaient à la chevelure épaisse de la jeune fille, comme si sa vénérable vieillesse était une nuit étoilée baisant l'aube.

Au loin, on entendait encore les derniers cris de la foule, mais le firmament de Rome s'est couvert d'une beauté sublime et mystérieuse. L'immense tranquillité du crépuscule semblait se peupler des appels sacrés de l'infini.

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