Face à votre décision, nous devons faire appel aux moyens les plus concrets.
Crois-tu que nous devrions étudier la possibilité d'éliminer la femme que je haïe ?
Dans votre situation et dans votre cas, vous ne devriez pas penser à détruire son corps mais plutôt à flageller son âme, sachant que l'unique mort qui puisse être appliquée à un ennemi est celle qui s'impose à une créature hors de la tombe et en pleine vie.
Tu as raison - a murmuré Sabine intéressée. - Tes arguments sont plus intelligents et plus pratiques. Quels sont tes conseils en ma faveur ?
Plotine marqua une longue pause comme si elle faisait une nouvelle consultation à l'oracle et devant la lumière de la minuscule torche étincelante, elle ajouta :
Madame, avez-vous déjà eu l'occasion d'organiser le départ provisoire de l'homme bien-aimé pour Tibur... Je dois vous informer que l'Empereur Aelius Hadrien, avant de se retirer pour ses palais en construction dans la ville en question où il attendra la fin de ses jours, devrait faire un dernier voyage en provinces, conformément à sa vocation bien connue... Vous serez obligée d'accompagner sa suite, ceci serait donc l'occasion de voir l'homme qui vous est cher partager ce voyage.
Ah oui ? - demanda Claudia visiblement enchantée. - Et que me conseilles-tu?
Plotine s'est alors penchée, collant ses lèvres à son oreille, lui suggérant un plan terrible et criminel que la consultante accueillit avec un sourire significatif.
Elles ont encore parlé pendant un long moment comme si leurs esprits étaient en parfaite communion d'idées et de principes, ayant pour autant les mêmes objectifs. On notera qu'en se quittant, après lui avoir donné tout l'argent qu'elle avait apporté, Claudia prit bien note des besoins de sa nouvelle complice lui promettant d'agir en fonction.
Quelques heures plus tard, la modeste litière retournait au palais de Lolius Urbicus, par la porte du fond.
Deux jours après, nous allons retrouver chez Helvidius Lucius, Alba Lucinie et son amie fidèle à discuter très discrètement dans l'une des pièces les plus isolées de la maison.
Tullia Cevina paraissait être en très grande forme physique malgré l'inquiétude qu'exprimait son regard, ce qui n'était pas le cas de la femme d'Helvidius qui, presque allongée dans son lit, semblait prise d'un abattement profond.
Lucinie, ma chère - s'exclama Tullia affectueusement -, je sais déjà que la réunion aura lieu cette nuit. Je suis à ta disposition pour que nous y allions sans crainte. Nous pourrons sortir en début de soirée.
Impossible - a répliqué la pauvre femme visiblement malade qui ajouta sur un ton d'une douloureuse mélancolie -, je me sens profondément fatiguée et accablée !... Et pourtant, j'ai vraiment décidé de faire appel à ces prières !... Quelque chose de surnaturel doit me rende ma paix intérieure. Je ne peux continuer dans cette angoisse morale qui annihile toutes mes forces.
Des larmes arrières coupèrent ses propos attristés.
J'irai de toute manière - a dit Tullia en l'étreignant -, je suis sûre que le nouveau dieu te secourra dans la pénible incertitude où tu te trouves !...
Tout en observant son dévouement tendre et fidèle, Alba Lucinie l'avertit :
Ma chère, je ne peux me faire à l'idée que tu y ailles seule. Je demanderai à Célia de t'accompagner.
Tullia esquissa un sourire de satisfaction pendant que son amie demanda à une jeune esclave d'appeler sa fille.
Quelques instants plus tard, la jeune fille pleine de grâce apparaissait.
Célia - lui dit sa mère, émue et triste -, pourrais-tu aller ce soir en compagnie de Tullia assister à une réunion chrétienne afin de faire une prière pour la tranquillité de ta mère?...
La jeune fille eut un geste de surprise et un large sourire de satisfaction s'est dessiné sur ses lèvres.
Que ne ferais-je pas pour vous, mère ? Et elle l'a embrassée.
Alba Lucinie ressentit un réconfort immense à cette manifestation de tendresse et
ajouta :
Ma fille, je me sens épuisée et malade, j'ai donc décidé de faire appel à Jésus de Nazaré par tes prières. Tu sais bien que nous ne devons en parler à personne, tu comprends, n'est-ce-pas ?
Célia fit un geste expressif comme si elle se souvenait de ses propres peines et dit :
Oui, mère. Soyez tranquille. Peu importe où ce sera, j'irai avec Tullia faire les prières nécessaires ! Je supplierai Jésus de te rendre heureuse et j'espère que son infinie bonté versera dans ton cœur le doux baume de son amour qui nous remplit de vie et de joie. Alors, tu sentiras que de nouvelles énergies te rendront heureuse...
Surprise de ses connaissances, Tullia Cevina écoutait attentivement ces propos. Tout en étreignant sa fille tendrement, Lucinie lui révéla bientôt :
Célia a intimement connu en Judée la question du christianisme. Mon enfant, bien que très jeune, a déjà beaucoup souffert...
Mais Célia, qui perçut à ces mots que sa mère allait entrer dans des détails concernant sa pénible histoire d'amour, s'exclama avec tendresse :
-Voyons, mère, de quoi pourrais-je souffrir si je garde toujours votre affection ?