Et coupant court au sujet concernant son cas personnel, elle demanda :
À quelle heure devrons-nous sortir ?
En début de soirée - l'informa Tullia -, car nous avons du chemin à faire, la réunion a lieu dans un endroit après la porte Nomentane.
Je serai prête à temps.
Toutes trois se sont mises d'accord sur les préparatifs nécessaires et, à la tombée de la nuit, vêtues de modestes toges, Tullia et Célia ont pris une litière qui leur évita la fatigue d'une grande partie du chemin pour traverser les quartiers les plus fréquentés de la ville.
Elles descendirent ensemble à la porte Viminal et une fois qu'elles eurent dispensé les porteurs, elles ont entrepris leur marche courageusement.
La nuit déployait son éventail d'ombres tout le long de la plaine. Il faisait froid, mais les deux amies emmitouflées dans leur cape en laine cachaient leur tête dans la partie la plus épaisse et la plus sombre.
Il faisait nuit noire quand elles ont atteint les ruines de l'ancienne muraille qui fortifiait le site en d'autres temps, mais elles avançaient d'un pas résolu tout le long des larges routes...
Une fois la porte Momentané franchie, elles se sont trouvées face aux collines toutes proches sur lesquelles des cimetières déserts et tristes étaient alignés que le clair de lune arrosait de ses tons pâles.
Au fur et à mesure qu'elles approchaient du lieu de culte, elles observaient un nombre chaque fois plus grand de pèlerins qui s'aventuraient sur les mêmes sentiers à des uns identiques. C'étaient des ombres couvertes de longues tuniques foncées, qui passaient à leurs côtés, le pas pressé ou lent, certains silencieux, d'autres discutaient presque imperceptiblement.
Beaucoup tenaient de minuscules lanternes aidant leurs compagnons à voir là où la faible clarté de l'astre nocturne ne réussissait pas à dissiper les ombres épaisses.
Les deux patriciennes, habillées avec une extrême simplicité et portant de lourds manteaux, ne pouvaient être reconnues par les compagnons qui allaient dans la même direction. Ils les considéraient chrétiennes comme eux, tous unis dans leur foi et dans le même idéalisme.
Devant les parois boueuses qui entouraient de grands monuments en ruine, Tullia s'est assurée qu'il s'agissait bien du lieu qui donnait accès à l'enceinte, faisant un signe de croix caractéristique à deux chrétiens qui, sous le porche, recevaient le mot de passe de tous les prosélytes, mot de passe qui était ce signe tracé avec la main ouverte d'une façon toute spéciale mais très facile à imiter. Elles sont alors entrées à l'intérieur de la nécropole sans la moindre difficulté.
Une fois dans l'enceinte, la foule était installée sur des bancs improvisés et on pouvait noter qu'en général, ils gardaient tous leur capuche sur la tête dissimulant leur visage, quelques-uns craignant le froid intense de la nuit, d'autres redoutant les loups de la trahison qui pouvaient se trouver là cachés sous le masque des moutons.
À la clarté lunaire qui baignait l'atmosphère venait s'ajouter la lumière des torches et des lanternes qui se trouvaient principalement autour d'un tas de ruines funèbres d'où l'apôtre de ce groupe de partisans du Christ devait parler.
Ici et là, quelqu'un balbutiait une prière, tout bas, comme s'il parlait à l'Agneau du Ciel du plus profond de son cœur ; mais du centre de la masse s'élevaient des hymnes pleins d'une exaltation religieuse sublime. C'étaient des cantiques d'espoir, marqués par un singulier découragement du monde, qui extériorisaient le rêve chrétien d'un royaume merveilleux au- delà des nuages. Dans chaque vers et dans chaque son émis conjointement prédominaient les notes d'une pénible tristesse, de ceux qui avaient abandonné toutes les illusions et les fantaisies terrestres, se livrant à la résignation de tous les plaisirs, de tous les biens de la vie, pour attendre les récompenses lumineuses de Jésus dans les gloires célestes...
Sur des bancs improvisés en bois brut ou des pierres oubliées là, des centaines de personnes étaient installées concentrées en un recueillement absolu.
Un silence profond régnait parmi eux quand une estrade usée fut transportée sur les lieux où presque toutes les lumières étaient concentrées.
Célia et Tullia prirent place, là où cela leur sembla le plus commode. Peu après un nouveau cantique s'élevait à l'infini en des vibrations d'une beauté indéfinissable... C'était un hymne de remerciements au Seigneur pour sa miséricorde inépuisable ; chaque strophe parlait des exemples et des martyres de Jésus avec des sentiments teintés de la plus haute inspiration.