De toute évidence - a clarifié Alba Lucinie, bien qu'impressionnée par cette révélation -, je crois qu'Helvidius a été victime d'une infâme calomnie.
Je ne dis pas le contraire - répondit son amie -, d'autant plus que Sabine, d'après ce que l'on dit, était une créature qui vivait entourée de nombreux soupirants...
L'épouse d'Helvidius ressentait une douleur immense en son for intérieur. Elle aurait voulu pleurer pour soulager les peines qui oppressaient son cœur mais sa force morale dépassait chez elle tous ses sentiments. Cependant, elle ne réussit pas à dissimuler sa souffrance devant la chère sœur spirituelle de sa jeunesse, laissant ainsi transparaître dans ses yeux larmoyants, sa tristesse et ses craintes.
Tullia Cevina l'a longuement embrassée en lui disant à demi-voix :
Chère Lucinie, moi aussi j'ai déjà souffert des angoisses que tu ressens actuellement, mais j'ai trouvé un remède efficace. Veux-tu l'essayer ?
Sans aucun doute. Où trouver un tel remède ?
Écoute-moi - lui dit son amie avec une bonté confiante, presque infantile -, tu as certainement déjà entendu parler de Lucile Veintus et de ses scandales à la Cour. Un beau jour, Maximin a laissé paraître ses penchants pour cette femme en arrivant même à sérieusement perturber notre bonheur domestique ; mais Salvia Subria m'a suggérée de me rendre à une réunion chrétienne où j'ai fait appel aux prières d'un vénérable ancien qui pontifie là en tant que prêtre. Depuis que j'ai utilisé de tels recours, mon mari est revenu à la douceur du foyer, augmentant notre bonheur conjugal.
Mais, as-tu été obligée d'engager ta parole ? - a interrogé Alba Lucinie fort intéressée par le sujet.
Aucunement.
Mais les chrétiens ont-ils jeté quelque sortilège en ta faveur ?
Non plus. Ils m'ont informée que la vertu de la prière se trouve dans le fait qu'elle est dirigée à un nouveau dieu que les croyants appellent Jésus de Nazareth.
Ah ! - lui fit Alba Lucinie se rappelant de la Judée et des convictions de sa fille - la doctrine chrétienne ne m'est pas étrangère mais mon mari ne la tolère pas, ses déclarations sont contraires à nos dieux. En conséquence, je pense qu'avant de prendre une résolution de cette nature, il conviendrait que j'en parle à ma mère pour suivre ses conseils.
Ça non.
Pourquoi ?
Parce qu'après que Salvia m'en ait parlé, je suis aussi allée voir ta mère pour lui demander son avis, mais son esprit sectaire et sa franchise intransigeante firent qu'elle s'est montrée hostile à mes idées, alléguant que la femme romaine dispense tous nouveaux dieux car elle est la matrone incorruptible devant la société et la famille. Malgré tout, j'ai décidé de faire appel à ces recours et j'ai obtenu les meilleurs résultats.
Ma mère doit avoir raison - dit Alba Lucinie convaincue. - De plus, je ne peux me résoudre à la promiscuité de ces rassemblements plébéiens.
Sincèrement désireuse de collaborer à la réédification du bonheur de son amie, Tullia écoutait ses pondérations et objecta délicatement :
Écoute Lucinie - je sais que ton tempérament n'apprécie pas les réunions de cette nature, mais si tu veux, j'irai à ta place comme j'y suis allée pour moi... À ces assemblées, préside un homme saint qui se nomme Polycarpe. Sa parole nous parle du nouveau dieu avec une foi si pure et une sincérité si grande qu'aucun cœur ne résiste à la beauté spirituelle de ses affirmations... Ses expressions ravissent notre âme et nous portent au royaume du bonheur éternel où Jésus nazaréen doit être face à tous nos dieux, à nous attendre au-delà de cette vie avec les bénédictions d'un bonheur éternel...
Je ne suis pas chrétienne, comme tu le sais, mais j'ai bénéficié de ces prières et, à. l'inverse de ce que l'on affirme, je suis témoin que les adeptes de Jésus sont pacifiques et bons!...
L'épouse d'Helvidius accueillait ces suggestions pleines d'affection avec beaucoup de sensibilité.
Et tu irais seule sans la protection d'un garde ? - a-t-elle demandé avec admiration.
Pourquoi cette question ? Les chrétiens sont victimes de mesures vexatoires de la part des autorités gouvernementales. Or, il s'agit de ton bonheur personnel, je vais donc les voir en toute confiance.
Tu as une si grande foi en une telle providence ?!... - demanda Lucinie avec intérêt et reconnaissance.
Une totale confiance.
Et faisant un geste expressif, comme si elle se souvenait d'un nouvel argument, elle
ajouta :
Écoute, ma chère : depuis que tu m'as parlé des prédilections de Célia pour cette doctrine, malgré notre secret familial sur le sujet, pourquoi ne me donnes-tu pas le plaisir de ta compagnie ? Ces réunions ont lieu dans les vieilles catacombes de la voie Nomentane, dans un endroit distant. Je suis sûre du succès de ces prières et il suffira d'une seule fois pour que la paix retrouve le chemin de ton foyer et de ton cœur.
Face à la douce perspective du bonheur domestique retrouvé, Alba Lucinie se sentait réconfortée par les promesses de son amie dont la foi était profonde et contagieuse, et ajouta :