Читаем Cinquante ans plus tard полностью

Et mélancoliquement, comme si elle discernait à l'avenir un chemin d'ombres s'ouvrant devant ses yeux spirituels, Célia a continué à parler le cœur attendri à son vieux grand-père qui l'idolâtrait :

Oui !... Dans mes rêves prophétiques, j'ai vu une croix que je devrai étreindre avec résignation et humilité !... Je sens dans mon cœur un poids énorme, grand-père !... Très souvent, j'aperçois devant moi de sinistres tableaux qui doivent venir de mes existences antérieures. Je pressens que je suis née en ce monde pour me racheter et me rédimer. Quand je prie et que je médite, les pondérations d'une âme anxieuse me viennent à l'esprit !... Je ne dois pas m'attendre à des printemps souriants, ni aux fleurs de l'illusion qui me feraient oublier l'âpre chemin de l'esprit destiné à la rédemption ; mais à des hivers de douleur et de rudes épreuves, des jours de luttes accablantes qui me conduiront à Jésus, par la divine clarté de l'expérience !...

Cneius Lucius avait les yeux pleins de larmes face aux paroles émouvantes de sa petite-fille qui depuis sa plus tendre enfance avait conquis toute son adoration.

Mon enfant - s'exclama-t-il avec bonté -, je ne peux comprendre tant de découragement dans un cœur aussi jeune. Le nom de notre famille ne permettra pas un tel abandon de toi-même...

Et pourtant, cher grand-père, je ne dédaignerai pas la pénible réalité du sacrifice, sachant d'avance que sa coupe m'est réservée...

Et tu n'attends rien sur terre en ce qui concerne un possible bonheur en ce monde ?!...

Le bonheur ne peut être là où nous le plaçons avec toute notre cécité terrestre, mais en comprenant la Volonté Divine qui saura le trouver pour nous de la façon la plus opportune.

Nous ne vivons pas une seule et unique vie. Nous en aurons beaucoup.

Le secret de la joie se trouve dans nos réalisations pour Dieu, à l'infini. Pas à pas, d'expérience en expérience, notre âme avance vers les gloires suprêmes de la spiritualité, comme si nous faisions la laborieuse ascension d'un escalier rude et long... Nous nous aimerons toujours, mon cher grand-père, à travers ces nombreuses existences. Elles seront comme les anneaux de la chaîne de notre union heureuse et indestructible. Alors, plus tard, vous verrez que votre petite-fille, dans sa réalité spirituelle, se trouvera avec vous, avec la même compréhension et avec le même amour impérissable dans les régions de la vraie félicité quand la mort nous ouvrira ses portes avec ses tombes de cendres d'amertume !...

Actuellement, à vos yeux, peut-être, serai-je toujours triste et malheureuse ; mais, au fond, je garde la certitude que mes douleurs sont le prix de ma rédemption qui mène à la lumière de l'éternité.

D'après ce que me disent les augures du cœur par leurs voix silencieuses et secrètes, je n'aurai pas un foyer à moi, pour mon salut dans cette vie !... Je vivrai Incomprise, le cœur lacéré sur l'amer chemin des larmes miséricordieuses ! Néanmoins, mon sacrifice sera doux parce que dans l'exaltation, je sens que je trouverai la route lumineuse du royaume de la vérité et de l'amour que Jésus promet à tous les cœurs qui confient en son nom et en sa miséricorde bénie !

Les yeux de Célia se sont levés vers le ciel comme si son esprit attendait là, auprès de son vieux grand-père, les grâces divines entrevues par sa croyance pleine de luminosité et d'espoir.

Cneius Lucius l'a doucement étreinte contre son cœur comme s'il s'agissait d'un enfant lui parlant avec une grande tendresse :

Mon enfant, tu es fatiguée ! Ne te justifie pas plus longtemps. Je parlerai avec Helvidius concernant tes plus intimes pensées, j'éluciderai ta situation face à sa manière de voir.

Et appelant Marcia, sa fille la plus âgée qui avait dans sa douce vieillesse le rôle d'un ange protecteur et aimant, le respectable patricien lui dit :

Marcia, notre petite Célia a besoin de tranquillité et de repos physique. Conduis-la dans sa chambre et fais en sorte qu'elle se repose.

Sa petite-fille l'a tendrement embrassé sur le front, se retirant avec sa tante aimable et généreuse qui la prit par le bras, la conduisant à l'intérieur.

La nuit était déjà bien avancée remplissant le ciel romain de capricieuses lueurs.

Cneius Lucius, absorbé par de profondes considérations, s'enfonça dans une mer de conjectures.

Son vieux cœur était fatigué de battre dans l'incompréhension des arcanes du monde. Lui aussi avait été jeune, lui aussi avait nourri des rêves. Dans sa lointaine jeunesse, tant de fois il avait annihilé ses aspirations les plus nobles et ses intentions les plus généreuses, au profit du tumultueux choc des passions matérialistes et violentes.

Seules les brises caressantes de la réflexion, à l'âge mûr, avaient tempéré ses conceptions spirituelles sur la voie d'une compréhension chaque fois plus grande de la vie et de ses lois profondes.

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