Maintenant Marwan est mort, son corps noircit sous le soleil à Beyrouth près de l’aéroport, à cent kilomètres à peine du lieu de sa naissance.
Ahmad. La présence d’Ahmad aux côtés de Marwan trouble Intissar. Ahmad le cruel. Ahmad le lâche. Que faisaient-ils ensemble ? Depuis l’incident ils étaient uniquement unis par une cause commune et une haine froide. Pourtant la première fois qu’elle a vu Ahmad quelque chose en elle a tremblé. C’était sur la ligne de front, un an plus tôt, alors que quelques combattants revenaient du Sud. Ahmad était presque porté en triomphe. Il était beau, auréolé de victoire. Un groupe de fedayins s’était introduit dans la zone de sécurité, avait affronté une unité de l’armée israélienne et détruit un véhicule. Même Marwan était admiratif de leur courage. Intissar avait serré la main d’Ahmad et l’avait félicité. Les hommes changent. Les armes les transforment. Les armes et l’illusion qu’elles procurent. Le faux pouvoir qu’elles donnent. Ce qu’on pense pouvoir obtenir grâce à elles.
A quoi peut bien servir à présent la kalachnikov allongée sur ses cuisses comme un nouveau-né ? Que va-t-elle obtenir avec son fusil, trois oliviers et quatre pierres ? Un kilo d’oranges de Jaffa ? La vengeance. Elle va obtenir la paix de l’âme. Venger l’homme qu’elle aime. Puis la défaite sera consommée, la ville s’effondrera dans la mer, et tout disparaîtra.
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