Le musée archéologique de Chersonèse, aux environs de Sébastopol est, lui aussi, installé dans une église 27. Les peintures murales y ont été respectées, sans doute en raison de leur provocante laideur. Des pancartes explicatives y sont jointes. Au-dessous d'une effigie du Christ, on peut lire: «Personnage légendaire qui n'a jamais existé».
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Je doute que l'U.R.S.S. ait été bien habile dans la conduite de cette guerre d'anti-religion. Il était loisible aux marxistes de ne s'attacher ici qu'à l'histoire, et, niant la divinité du Christ et jusqu'à son existence si l'on veut, rejetant les dogmes de l'Eglise, discréditant la Révélation, de considérer tout humainement et critiquement un enseignement qui, tout de même, apportait au monde une espérance nouvelle et le plus extraordinaire ferment révolutionnaire qui se pût alors. Il était loisible de dire en quoi l'Eglise même l'avait trahi; en quoi cette doctrine émancipatrice de l'Evangile pouvait, avec la connivence de l'Eglise hélas! prêter aux pires abus du pouvoir. Tout valait mieux que de passer sous silence, de nier. L'on ne peut faire que ceci n'ait point été, et l'ignorance où l'on maintient à ce sujet les peuples de l'U.R.S.S. les laisse sans défense critique et non vaccinés contre une épidémie mystique toujours à craindre.
Il y a plus, et j'ai présenté d'abord ma critique par son
côté le plus étroit, le pratique. L'ignorance, le déni de
l'Evangile et de tout ce qui en a découlé, ne va point sans
appauvrir l'humanité, la culture, d'une très lamentable
façon. Je ne voudrais point que l'on me suspectât ici et
flairât quelque relent d'une éducation et d'une conviction
premières. Je parlerais de même à l'égard des mythes grecs
que je crois, eux aussi, d'un enseignement profond,
permanent. Il me paraît absurde de
Et si maintenant j'entends dire que, par esprit d'accommodement, par tolérance, l'on refond des cloches, j'ai grand peur que ceci ne soit un commencement, que la baignoire ne s'emplisse à nouveau d'eau sale... l'enfant absent.
V
Je ne puis parler d'Ostrovski qu'avec le plus profond respect. Si nous n'étions en U.R.S.S. je dirais: c'est un saint. La religion n'a pas formé de figures plus belles. Qu'elle ne soit point seule à en façonner de pareilles, voici la preuve. Une ardente conviction y suffit et sans espoir de récompense future; sans autre récompense que cette satisfaction d'un austère devoir accompli.
A la suite d'un accident, Ostrovsky est resté aveugle et complètement paralysé... Il semble que, privée de presque tout contact avec le monde extérieur et ne pouvant trouver base où s'étendre, l'âme d'Ostrovski se soit développée toute en hauteur.
Nous nous empressons près du lit qu'il n'a pas quitté depuis longtemps. Je m'assieds à son chevet, lui tends une main, qu'il saisit, je devrais dire: dont il s'empare comme d'un rattachement à la vie; et, durant toute l'heure que durera notre visite, ses maigres doigts ne cesseront point de caresser les miens, de se nouer à eux, de me transmettre les effluves d'une sympathie frémissante.
Ostrovski n'y voit plus, mais il parle, il entend. Sa pensée est d'autant plus active et tendue que rien ne vient jamais la distraire, sinon peut-être la douleur physique. Mais il ne se plaint pas, et son beau visage émacié trouve encore le moyen de sourire, malgré cette lente agonie.