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Ensuite, dans un autre quart de tour à gauche, nous devions regagner le rang de ceux qui avaient prêté serment et qui, très émus, s’apprêtaient, tels des chevaliers chrétiens devant Jérusalem, à convertir les bolcheviks.
Pour moi, qui ne suis qu’à moitié allemand, la cérémonie prit encore plus d’importance. Malgré les épreuves qu’on nous avait imposées, ma vanité se sentait flattée d’avoir été, moi comme les autres, consacré Allemand et vraiment digne de porter les armes.
Puis, ô miracle ! Fink fit distribuer à chacun un gobelet d’un vin fort bon. Le digne hauptmann leva ensuite son verre avec nous au milieu des
Chapitre VI
Et ce fut Bielgorod
Nous nous retrouvâmes, par une chaude soirée de l’été 1943, dans les environs immédiats du front. Bielgorod était retombé récemment aux mains des rouges qui, depuis lors, avaient installé leurs avant-postes au-delà des faubourgs de la ville dans nos propres fortifications. Le calme du front était à peu près général, de Kharkov à Koursk, en passant par Bielgorod. Les Russes, après une épuisante campagne qui n’avait pratiquement pas cessé depuis que nous avions été obligés d’évacuer le triangle Bielgorod-Voronej-Kharkov, reprenaient leur souffle et relevaient leurs morts innombrables, avant de déborder une fois de plus nos positions en septembre. Kharkov demeurait entre nos mains à la suite du carnage de Slaviansk, et la percée du front de l’extrême sud avait enfin été stoppée dans un immense piétinement quelque part autour de Krémentchoug et de la mer d’Azov.
Les Soviets avaient repris du poil de la bête et obligé les troupes roumaines et allemandes à se retirer de la plaine des Kalmouks et du Caucase. Ils nous avaient rejetés au-delà du Donetz, mais la situation n’était pas encore entre leurs mains et des contre-attaques retentissantes pulvérisèrent souvent leurs efforts insensés. Dans l’histoire de ces contre-attaques de l’armée du Reich, figure celle de Bielgorod qui fait suite à celles de Kharkov et de Stalino. Soixante mille feldgrauen participaient à la bataille de Bielgorod à laquelle je fus mêlé. Dix-huit mille « Hitlerjugend » étaient venus tout spécialement depuis les casernements de Silésie pour recevoir leur baptême du feu dans cet inégal combat où le tiers d’entre eux fut massacré.
Je me souviens de leur arrivée en colonnes fringantes, prêts à tout.
Certaines unités arboraient des fanions où l’on pouvait lire, brodée en lettres d’or, l’inscription : « junge löwen » ou encore « le monde nous appartient. » On vit arriver des sections de mitrailleurs, des régiments d’infanterie aux poitrines bardées de cartouchières alourdies de grenades, des motorisés avec leurs lourds attelages. La plaine était couverte de feldgrauen, et pendant trois ou quatre jours il en arriva, il en arriva…
Puis tout se calma. Les régiments, les sections, les groupes furent dirigés sur des points précis. Et ce fut la pose, la veillée d’armes. Une fois de plus, je parle comme si nous avions été au courant de la future attaque. En fait, nous assistions à tous ces préparatifs comme s’il se fût simplement agi de l’agitation normale et quotidienne du front.
Avec mes compagnons, nous continuions à être employés régulièrement, comme par le passé, à trente-six mille corvées qui nous rappelaient un peu le temps de la Rollbahn. Il faisait une chaleur insupportable, et l’herbe jaunie et desséchée de la steppe ne parvenait pas à fixer les nuages de poussière que le moindre déplacement provoquait.
Le soir, nous nous réunissions autour de vastes feux de camp pour discuter ou chanter. Le front se trouvait à environ vingt-cinq kilomètres, et personne ne nous interdisait de faire du feu. À cette époque, j’eus l’occasion d’échanger un courrier abondant avec ma petite Paula que j’étais loin d’avoir oubliée.