Читаем Le Serment des limbes полностью

Je m’approchai sans répondre. Il était presque aussi grand que moi. Sa blouse ouverte était tachée et il avait une curieuse façon de saisir sa cigarette, près des lèvres, en se voilant la moitié du visage, Jusqu’ici, les bobards ne m’avaient pas porté chance. Je la jouai franco :

— Docteur, je n’ai aucune autorité sur ce territoire. La juge Magnan m’a viré et le capitaine Sarrazin m’a carrément menacé. Pourtant, je ne quitterai pas cette ville avant d’en savoir davantage sur le corps de Sylvie Simonis.

— Pourquoi ?

— Cette affaire passionnait un ami à moi. Un collègue.

— Comment s’appelle-t-il ?

— Luc Soubeyras.

— Jamais entendu ce nom.

Valleret baissa sa main. Même à découvert, ses traits paraissaient fuyants, dissimulés. Un visage en cavale, pensai-je. Je repris :

— Je peux vous poser quelques questions ?

— Non, évidemment. La porte est derrière vous.

— Je me suis renseigné sur vous. Clinique d’Albert. 1999.

— Ah bon ? fit-il en souriant. Vous voulez effrayer mes patients ?

— Besançon est une petite ville. Votre image pourrait en prendre un coup si je…

Il éclata de rire :

— Mon image ? (Il écrasa sa cigarette sur le sol.) Vous manquez de flair, mon vieux.

Son rire s’éteignit. Il parut réfléchir, presque rêveur :

— Mon image ? Cela fait longtemps que je n’ai pas considéré cette notion…

Un coup d’instinct : ce type jouait au cynique désespéré mais il était encore à fleur de peau. Peut-être que la pure franchise pouvait le toucher, faire sauter un verrou :

— Luc Soubeyras est mon meilleur ami, dis-je un ton plus haut. Il est actuellement dans le coma, après avoir tenté de se suicider. Il était catholique et son acte est doublement incompréhensible. Ces derniers mois, il enquêtait sur l’affaire Simonis. C’est peut-être ce dossier qui l’a poussé au désespoir.

— Il y aurait de quoi.

Je tressaillis. C’était la première fois qu’on apportait du crédit à mon idée « d’affaire qui tue ». Valleret se redressa. Il allait parler, mais je devais encore le pousser un peu — juste une chiquenaude.

— Selon vous, Sylvie Simonis s’est suicidée ?

— Suicidée ? (Il me lança un regard de biais.) Non. Je ne pense pas qu’elle aurait pu s’infliger ce qu’elle a subi.

— C’est donc un meurtre ?

D’un geste, il poussa la porte et me fit signe de passer :

— Le plus fou, le plus raffiné jamais commis au monde.

<p>29</p>

Dix clichés étaient disposés sur la surface d’acier poli. Perpendiculaires à la rigole centrale de la table de dissection.

Valleret avait dit :

— Je veux que vous sachiez de quoi nous parlons. Exactement.

Je n’étais déjà plus sûr de vouloir savoir. Les images racontaient, l’une après l’autre, la genèse d’une décomposition humaine. Le premier tirage était un plan d’ensemble. Une clairière en pente, circonscrite par des sapins, s’ouvrant sur une falaise. Une femme nue était roulée sur le côté, de dos, comme si elle dormait. Le corps avait l’aspect d’un pantin désarticulé, construit à l’aide de fragments disparates. La tête, rentrée dans les épaules, et le buste, arc-bouté, présentaient des proportions normales mais les hanches et les jambes ne cessaient de s’amenuiser jusqu’aux os des pieds, comme la queue d’une sirène de cauchemar.

Le second cliché était un gros plan des tarses et métatarses joints seulement par des filaments de chair noircie. Le troisième s’arrêtait sur les cuisses, verdâtres, parcheminées. Sur le quatrième, les hanches et le sexe grouillaient de vers, soulevant des plaques de pupes et de fibres. Puis le ventre, putride, violacé, gonflé, animé lui aussi par les profanateurs…

On remontait ainsi, de photo en photo, jusqu’au buste, moins rongé, quoique creusé par le travail des larves, et aux épaules, seulement marbrées. La tête, enfin, était intacte, mais terrifiante dans la souffrance qu’elle traduisait. Le visage n’était qu’une bouche, grande ouverte, figée sur un cri d’éternité.

— Tout ce que vous voyez est l’œuvre du tueur, dit Valleret, de l’autre côté de la table. Ce cadavre présente tous les stades de décomposition. Simultanément. Des pieds à la tête, on peut remonter le processus de la putréfaction.

— Comment c’est possible ?

— Ce n’est pas possible. Le tueur a organisé l’impossible.

« Comme si la femme était morte plusieurs fois », avait dit Shapiro. Ce pourrissement par étapes était donc le fruit d’un travail, d’un soin particulier…

— Au début, reprit le toubib, quand les pompiers et les gars du SAMU ont découvert le corps, ils ont pensé que les conditions météorologiques avaient favorisé ces différences. C’est ce que j’ai raconté moi aussi, pour calmer les esprits. Mais vous le savez sans doute, ce sont des conneries. Dans des conditions ordinaires, une décomposition totale n’intervient qu’au bout de trois années. Comment, en moins d’une semaine, la partie inférieure avait-elle pu se dégrader à ce point ? Le tueur a provoqué ce phénomène. Il a conçu et créé chaque stade de la dégénérescence.

Je baissai encore les yeux sur les clichés pendant que Valleret récitait, à mi-voix :

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