Madame de La Motte allait donc – c’est elle-même qui le dit – oublier, dans la société de cette concierge et de ses connaissances, ses idées mélancoliques, et payait ainsi par sa belle humeur les complaisances qu’on avait pour elle. Ce jour-là, jour de la clôture de l’audience, quand Jeanne revint auprès de ces bonnes gens, elle les trouva soucieux et gênés.
Une nuance n’était pas indifférente à cette femme rusée: elle espérait avec rien, elle s’alarmait avec tout. En vain essayait-elle d’arracher la vérité à madame Hubert, celle-ci et les siens se renfermèrent dans des généralités banales.
Ce jour-là, disons-nous, Jeanne aperçut dans le coin de la cheminé un abbé, commensal intermittent de la maison. C’était un ancien secrétaire du précepteur de monsieur le comte de Provence; homme simple de façons, caustique avec mesure, sachant sa cour, et qui, depuis longtemps éloigné de la maison de madame Hubert, était redevenu assidu depuis l’arrivée de madame de La Motte à la Conciergerie.
Il y avait aussi deux ou trois des employés supérieurs du Palais; on regardait beaucoup madame de La Motte; on parlait peu.
Elle prit gaiement l’initiative.
– Je suis sûre, dit-elle, qu’on cause plus chaudement là-haut que nous ne parlons ici.
Un faible murmure d’assentiment, échappé au concierge et à sa femme, répondit seul à cette provocation.
– En haut? fit l’abbé, jouant l’ignorance. Où cela, madame la comtesse?
– Dans la salle où mes juges délibèrent, répliqua Jeanne.
– Oh! oui, oui, dit l’abbé.
Et le silence recommença.
– Je crois, dit-elle, que mon attitude d’aujourd’hui a fait bon effet. Vous devez déjà savoir cela, n’est-ce pas?
– Mais, oui, madame, dit timidement le concierge.
Et il se leva comme pour rompre l’entretien.
– Votre avis, monsieur l’abbé? reprit Jeanne. Est-ce que mon affaire ne se dessine pas bien? Songez qu’on n’articule aucune preuve.
– Il est vrai, madame, dit l’abbé. Aussi, avez-vous beaucoup à espérer.
– N’est-ce pas? s’écria-t-elle.
– Cependant, ajouta l’abbé, supposez que le roi…
– Eh bien! le roi, que fera-t-il? dit Jeanne avec véhémence.
– Eh! madame, le roi peut ne vouloir pas qu’on lui donne un démenti.
– Il ferait condamner monsieur de Rohan alors, c’est impossible.
– Il est vrai que cela est difficile, répondit-on de toutes parts.
– Or, se hâta de glisser Jeanne, dans cette cause, qui dit monsieur de Rohan, dit moi.
– Non pas, non pas, reprit l’abbé, vous vous faites illusion, madame. Il y aura un accusé absous… Moi, je pense que ce sera vous, et je l’espère, même. Mais il n’y en aura qu’un. Il faut un coupable au roi, autrement, que deviendrait la reine?
– C’est vrai, dit sourdement Jeanne, blessée d’être contredite, même sur une espérance qu’elle ne faisait qu’affecter. Il faut un coupable au roi. Eh bien! alors, monsieur de Rohan est aussi bon que moi pour cela.
Un silence effrayant pour la comtesse s’établit après ces paroles.
L’abbé le rompit le premier.
– Madame, dit-il, le roi n’a pas de rancune, et, sa première colère satisfaite, il ne songera plus au passé.
– Mais qu’appelez-vous une colère satisfaite? dit Jeanne avec ironie. Néron avait ses colères comme Titus avait les siennes.
– Une condamnation… quelconque, se hâta de dire l’abbé, c’est une satisfaction.
– Quelconque!… monsieur, s’écria Jeanne, voilà un affreux mot… Il est trop vague… Quelconque, c’est tout dire!
– Oh! je ne parle que d’une réclusion dans un couvent, répliqua froidement l’abbé; c’est l’idée que, d’après les bruits qui courent, le roi aurait adoptée le plus volontiers à votre égard.
Jeanne regarda cet homme avec une terreur qui fit place aussitôt à la plus furieuse exaltation.
– La réclusion dans un couvent!
dit-elle; c’est-à-dire une mort lente, ignominieuse par les
détails, une mort féroce qui paraîtra un acte de clémence!…
La réclusion dans l’
Et, sans écouter ni les représentations, ni les prières, sans souffrir qu’on l’arrêtât, repoussant le concierge, renversant l’abbé, écartant madame Hubert, elle courut à un dressoir pour y chercher un couteau.
Ces trois personnes réussirent à la détourner; elle prit sa course comme une panthère que les chasseurs ont inquiétée, non effrayée, et, poussant des hurlements d’une colère trop bruyante pour être naturelle, elle s’élança dans un cabinet attenant à la salle, et là, soulevant un énorme vase de faïence dans lequel végétait un rosier étiolé, elle s’en frappa la tête à plusieurs reprises.
Хаос в Ваантане нарастает, охватывая все новые и новые миры...
Александр Бирюк , Александр Сакибов , Белла Мэттьюз , Ларри Нивен , Михаил Сергеевич Ахманов , Родион Кораблев
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