Читаем La vie devant soi полностью

– Je veux savoir. Il y a des choses qu'on n'a pas le droit de faire à un mensch. Je sais qu'il y a des jours que je n'ai plus ma tête à moi.

– C'est rien, Madame Rosa, on peut très bien vivre comme ça.

– Comment, comme ça?

J'ai pas pu tenir. J'avais des larmes qui m'étouffaient à l'intérieur. Je me suis jeté sur elle, elle m'a pris dans ses bras et j'ai gueulé:

– Comme un légume, Madame Rosa, comme un légume! Ils veulent vous faire vivre comme un légume!

Elle n'a rien dit. Elle a seulement transpiré un peu.

– Quand est-ce qu'ils vont venir me chercher?

– Je ne sais pas, dans un jour ou deux, le docteur Katz vous aime bien, Madame Rosa. Il m'a dit qu'il nous séparera seulement le couteau sur la gorge.

– Je n'irai pas, dit Madame Rosa.

– Je ne sais plus quoi faire, Madame Rosa. C'est tout des salauds. Ils ne veulent pas vous avorter.

Elle paraissait très calme. Elle a seulement demandé à se laver parce qu'elle avait pissé sous elle.

Je trouve qu'elle était très belle, maintenant que j'y pense. Ça dépend comment on pense à quelqu'un.

– C'est la Gestapo, dit-elle.

Et puis elle n'a plus rien dit.

La nuit j'ai eu froid, je me suis levé et je suis allé lui mettre une deuxième couverture.

Je me suis réveillé content le lendemain. Lorsque je me réveille je pense d'abord à rien et j'ai ainsi du bon temps. Madame Rosa était vivante et elle m'a même fait un beau sourire pour montrer que tout allait bien, elle avait seulement mal au foie qui chez elle était hépatique et au rein gauche que le docteur Katz voyait d'un très mauvais œil, elle avait aussi d'autres détails qui ne marchaient pas mais ce n'est pas à moi de vous dire ce que c'était, je n'y connais rien. Il y avait du soleil dehors et j'en ai profité pour tirer les rideaux, mais elle n'a pas aimé ça parce qu'avec la lumière, elle se voyait trop et ça lui faisait de la peine. Elle a pris le miroir et elle a dit seulement:

– Qu'est-ce que je suis devenue moche, Momo.

Je me suis mis en colère, parce qu'on n'a pas le droit de dire du mal d'une femme qui est vieille et malade. Je trouve qu'on ne peut pas juger tout d'un même œil, comme les hippopotames ou les tortues qui ne sont pas comme tout le monde.

Elle a fermé les yeux et elle a eu des larmes qui ont coulé mais je ne sais pas si c'était parce qu'elle pleurait ou si c'étaient les muscles qui se relâchaient.

– Je suis monstrueuse, je le sais très bien.

– Madame Rosa, c'est seulement parce que vous ressemblez pas aux autres.

Elle m'a regardé.

– Quand est-ce qu'ils viennent me chercher?

– Le docteur Katz…

– Je ne veux pas entendre parler du docteur Katz. C'est un brave homme mais il ne connaît pas les femmes. J'ai été belle, Momo. J'avais la meilleure clientèle, rue de Provence. Combien il nous reste d'argent?

– Madame Lola m'a laissé cent francs. Elle nous en donnera encore. Elle se défend très bien.

– Moi j'aurais jamais travaillé au bois de Boulogne. Il n'y a rien pour se laver. Aux Halles, on avait des hôtels de bonne catégorie, avec l'hygiène. Et au bois de Boulogne, c'est même dangereux, à cause des maniaques.

– Les maniaques, Madame Lola leur casse leur gueule, vous savez bien qu'elle a été champion de boxe.

– C'est une sainte. Je ne sais pas ce qu'on serait devenu sans elle.

Après elle a voulu réciter une prière juive comme sa mère lui avait appris. J'ai eu très peur, je croyais qu'elle retombait en enfance mais j'ai pas voulu la contrarier. Seulement, elle n'arrivait pas à se rappeler les paroles à cause du mou dans sa tête. Elle avait appris la prière à Moïse et je l'avais apprise aussi parce que ça me faisait chier quand ils se faisaient des trucs à part. J'ai récité;

– Shma Israël adenoï eloheïnou adenoï ekhot bouroukh shein kweit malhoussé loëilem boët…

Elle a répété ça avec moi et après je suis allé aux W.-C. et j'ai craché tfou tfou tfou comme font les Juifs parce que ce n'était pas ma religion. Elle m'a demandé à s'habiller mais je ne pouvais pas l'aider tout seul et je suis allé au foyer noir où j'ai trouvé Monsieur Waloumba, Monsieur Sokoro Monsieur Tané et d'autres dont je ne peux pas vous dire les noms car ils sont tous gentils là-bas.

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