– J'ai trouvé quelqu'un ici, en attendant de me faire venir.
– De… quoi?
J'ai plus rien dit. Je m'étais fourré dans le vrai merdier et je ne savais plus comment m'en sortir.
Monsieur Waloumba et tous les siens étaient très contents car ils voyaient bien que j'avais tout arrangé. Moi j'étais assis par terre avec mon parapluie Arthur et je ne savais plus où j'en étais. Je ne savais plus et je n'avais même pas envie de savoir.
Le docteur Katz s'est levé.
– Eh bien, c'est une bonne nouvelle. Madame Rosa peut encore vivre pas mal de temps, même si elle ne le saura plus vraiment. Elle évolue très rapidement. Mais elle aura des moments de conscience et elle sera heureuse de regarder autour d'elle et de voir qu'elle est chez elle. Dis à sa famille de passer me voir, je ne bouge plus, tu sais.
Il me posa la main sur la tête. C'est dingue ce qu'il y a comme personnes qui me mettent la main sur la tête. Ça leur fait du bien.
– Si Madame Rosa reprend conscience avant son départ, tu lui diras que je la félicite.
– C'est ça, je lui dirai
Le docteur Katz me regarda avec fierté.
– Tu dois être le seul Arabe au monde à parler yiddish, mon petit Momo.
– Oui,
Au cas où vous sauriez pas le juif, chez eux ça veut dire; on peut pas se plaindre.
– N'oublie pas de dire à Madame Rosa combien je suis heureux pour elle, répéta le docteur Katz et c'est la dernière fois que je vous parle de lui parce que c'est la vie.
Monsieur Zaoum l'aîné l'attendait poliment à la porte pour le descendre. Monsieur Waloumba et ses tribuns ont couché Madame Rosa sur son lit bien propre et ils sont partis aussi. Moi, j'étais là avec mon parapluie Arthur et mon pardessus et je regardais Madame Rosa couchée sur le dos comme une grosse tortue qui était pas faite pour ça.
– Momo…
J'ai même pas levé la tête.
– Oui, Madame Rosa.
– J'ai tout entendu.
– Je sais, j'ai bien vu quand vous avez regardé.
– Alors, je vais partir en Israël?
Je disais rien. Je baissais la tête pour ne pas la voir car chaque fois qu'on se regardait on se faisait mal.
– Tu as bien fait, mon petit Momo. Tu vas m'aider.
– Bien sûr que je vais vous aider, Madame Rosa, mais encore pas tout de suite.
J'ai même chialé un peu.
Elle a eu une bonne journée et elle a bien dormi mais le lendemain soir ça s'est gâté encore plus quand le gérant est venu parce qu'on n'avait pas payé le loyer depuis des mois. Il nous a dit que c'était honteux de garder en appartement une vieille femme malade avec personne pour s'en occuper et qu'il fallait la mettre dans un asile pour raisons humanitaires. C'était un gros chauve avec des yeux comme des cafards et il est parti en disant qu'il allait téléphoner à l'hôpital de la Pitié pour Madame Rosa et à l'Assistance publique pour moi. Il avait aussi des grosses moustaches qui remuaient. J'ai dégringolé l'escalier et j'ai rattrapé le gérant alors qu'il était déjà dans le café de Monsieur Driss pour téléphoner. Je lui ai dit que la famille de Madame Rosa allait arriver le lendemain pour l'emmener en Israël et que j'allais partir avec elle. Il pourra récupérer l'appartement. J'ai eu une idée géniale et je lui ai dit que la famille de Madame Rosa allait lui payer les
C'était la première fois qu'on m'offrait à boire comme un homme. J'ai commandé un Coka, je leur ai dit salut et je suis remonté au sixième. Il n'y avait plus de temps à perdre.