— Nos frères terriens seront déçus, murmura le biologiste qui s’était rapproché du chef. Des millions de gens ont regardé Véga pendant des millénaires. Les nuits d’été, dans le nord, tous les jeunes rêveurs et amoureux contemplaient le ciel. En été, Véga, si claire, si bleue, scintille presque au zénith: comment ne pas l’admirer? Depuis des siècles, on savait pas mal de choses sur les étoiles. Mais, par une singulière aberration de l’esprit, on était loin de soupçonner que la plupart des astres à rotation lente et au champ magnétique puissant avaient des planètes, de même que la plupart des planètes ont des satellites. Les hommes ignoraient cette loi, mais dans leur solitude, ils rêvaient de confrères peuplant les autres mondes, en premier lieu celui de Véga, le Soleil Bleu. Je me rappelle les traductions de beaux vers en langue ancienne, consacrés à des demidieux d’une étoile bleue.
— J’ai rêvé de Véga après le communiqué de la
— Dans le désir de voir mon rêve réalisé, j’ai interprété le communiqué à ma guise. A présent il est clair que l’attrait millénaire des mondes lointains a aveuglé nombre de gens sérieux…
— Gomment déchiffrez-vous maintenant l’information de la
— Simplement: «Les quatre planètes de Véga sont inanimées. Il n’est rien de plus beau que notre Terre, quel bonheur de revenir!»
— Vous avez raison! s’écria le biologiste, que n’y avaiton songé avant?…
— On y a songé peut-être, mais pas nous, les astronautes, ni sans doute le Conseil. Cela nous fait néanmoins honneur, car c’est le rêve hardi, et non la désillusion sceptique, qui triomphe dans la vie!
Le survol de la planète était terminé sur l’écran. Vinrent les enregistrements de la station automatique lâchée pour analyser les conditions à la surface de la planète. Puis il y eut une violente détonation. C’était le lancement d’une bombe géologique. Un immense nuage de parcelles minérales projetées atteignit l’astronef. Les pompes mugirent, aspirant la poussière dans les filtres des canaux latéraux. Des échantillons de poudre provenant des sables et des montagnes de la planète brûlée remplirent plusieurs éprouvettes en silicolle; Pair des couches supérieures de l’atmosphère fut enfermé dans des ballons de quartz. Puis la
Personne n’avait envie de voir les films concernant le sort ultérieur de la
Erg Noor ne pensait plus à son rêve écroulé. Il tâchait d’anailyser les parcelles de savoir amer dont deux expéditions — celle de la
Erg Noor envisagea pour la première fois sa belle planète natale comme un inépuisable trésor d’âmes humaines, affinées et curieuses, libérées des soucis de la société primitive et des dangers de la nature. Les souffrances, les recherches, les échecs, les erreurs et les déceptions survivaient à l’époque de l’Anneau, mais ils» concernaient désormais une sphère supérieure de créations dans les sciences, les arts et l’édification… C’était seulement le savoir et le travail créateur qui avaient affranchi la Terre des horreurs de la famine, de la surpopulation, des maladies, des animaux malfaisants. Les hommes étaient sauvés de l’épuisement du combustible, du manque d’éléments chimiques utiles, de la faiblesse et de la mort prématurée. Et ce peu de savoir que rapportait la Tantra participerait, lui aussi, au grand courant de pensée qui progressait de décade en décade dans l’organisation de la société et la connaissance de la nature!
Erg Noor ouvrit le coffrefort du journal de la Tantra et sortit la boîte qui contenait le métal de l’astronef discoïde