Mven Mas se rappelait avoir vu dans son enfance de magnifiques clichés de galaxies, obtenus par inversion électronique des images ou au moyen de radiotélescopes puissants qui pénétraient encore plus loin dans les profondeurs du Cosmos, tels que les télescopes du Pamir et de Patagonie, dont chacun mesurait 400 kilomètres de diamètre. Les galaxies, amas de centaines de milliards d’étoiles situés à des millions de parsecs les uns des autres, avaient toujours éveillé en lui le désir ardent de connaître les lois de leur structure, l’histoire de leur formation et leurs destinées. Et il s’intéressait particulièrement à la question qui préoccupait tout habitant de notre globe : la vie sur les innombrables systèmes planétaires de ces îles de l’Univers, les flammes de pensée et de savoir qui y brûlaient, les civilisations humaines dans les espaces infiniment lointains de l’Univers ...
Trois étoiles, nommées autrefois Sîrrhah, Mirrhah et Almah par les Arabes — alpha, bêta et gamma d’Andromède — disposées en ligne droite ascendante, apparurent sur l’écran. De part et d’autre de cette ligne, se trouvaient deux galaxies voisines : la Nébuleuse d’Andromède et la belle spirale M-33 dans la constellation du Triangle ... Mven Mas changea la pellicule.
Voici, dans la constellation des Lévriers, une galaxie connue dès l’antiquité, et qu’on appelait alors NGK 5194 ou M-51. Située à 800 mille parsecs, c’est l’une des rares galaxies qui se présente à nos yeux perpendiculairement au plan de la « roue ». Un noyau dense et brillant, composé de milliards d’étoiles, d’où partent deux bras en spirale, aussi denses à leur base. Leurs longues extrémités deviennent toujours plus ternes et plus floues et finissent par disparaître dans la nuit cosmique, allongées dans des sens opposés, sur des dizaines de milliers de parsecs. Entre ces branches principales, s’étendent de courtes traînées lumineuses, amas d’étoiles et nuages de gaz phosphorescent, incurvées comme les ailettes d’une turbine et alternant avec des paquets de matière opaque.
La vaste galaxie NGK 4565, dans la Chevelure de Bérénice, est de toute beauté. On l’apperçoit par la tranche à plusieurs millions de parsecs. Penchée de côté comme un oiseau planant, elle étale au loin son disque mince qui doit consister en branches spirales, tandis qu’au centre flamboie un noyau sphérique très écrasé, qui a l’air d’une masse lumineuse compacte. On voit nettement que ces îles stellaires sont plates : la galaxie peut se comparer à un rouage d’horlogerie. Ses bords s’estompent, comme s’ils se dissolvaient dans les ténèbres de l’infini. C’est à l’un des bords de notre Galaxie que se trouvent le Soleil et la Terre, grain de poussière microscopique, rattachée par le savoir à une multitude de mondes habités et déployant les ailes de la pensée humaine sur l’éternité du Cosmos !
Mven Mas projeta l’image de la galaxie NGK 4594 qui l’avait toujours intéressé plus que les autres. Vue également par la tranche, dans la constellation de la Vierge, et située à dix millions de parsecs, elle ressemblait à une grosse lentille rutilante, enveloppée de gaz lumineux. Une large bande noire — amas de matière opaque — la traversait suivant l’équateur. La galaxie luisait, telle une lanterne mystérieuse au fond d’un abîme.
Quels mondes se dissimulaient dans son rayonnement, plus intense que celui des autres galaxies et qui atteignait en moyenne la classe spectrale F ? Comprenait-elle de puissantes planètes habitées, où la pensée s’appliquait, comme chez nous, à percer les mystères de la nature ?
Le mutisme absolu des vastes îles stellaires faisait serrer les poings à Mven Mas. Il se rendait compte de la distance fantastique : la lumière mettait trente-deux millions d’années à parvenir jusqu’à cette galaxie ! L’échange de messages prendrait donc soixante-quatre millions d’années !