Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome III полностью

– Vous vous trompez, ma bonne, dit Rousseau. Je vous dis qu’on me violente pour que j’aille à la cour. J’irai, parce que, après tout, je crains le scandale, comme tout honnête citoyen doit le craindre. D’ailleurs, je ne suis pas de ceux qui se refusent à reconnaître la suprématie d’un citoyen dans une république; mais, quant à faire des avances de courtisan, quant à faire frotter mon habit neuf contre les paillettes de ces messieurs de l’Œil-de-Bœuf, non, non! je n’en ferai rien, et, si vous m’y prenez, raillez-moi tout à l’aise.

– Ainsi, vous ne vous habillerez pas? dit Thérèse ironiquement.

– Non.

– Vous ne mettrez pas votre perruque neuve?

– Non.

– Vous ne clignerez pas vos petits veux?

– Je vous dis que j’irai là comme un homme libre, sans affectation et sans peur; j’irai à la cour comme j’irais au théâtre; et, que les comédiens me trouvent bien ou mal, je m’en moque.

– Oh! vous ferez bien au moins votre barbe, dit Thérèse; elle est longue d’un demi-pied.

– Je vous dis que je ne changerai rien à ma tenue.

Thérèse se mit à rire si bruyamment, que Rousseau en fut étourdi et passa dans l’autre chambre.

La ménagère n’était pas au bout de ses persécutions; elle en avait de toutes couleurs et de toute étoffe.

Elle tira de l’armoire les habits de cérémonie, le linge frais et les souliers cirés à l’œuf, avec un soin minutieux. Elle vint étaler toutes ces belles choses sur le lit et sur les chaises de Rousseau.

Mais celui-ci ne parut pas y prêter la moindre attention.

Thérèse lui dit alors:

– Voyons, il est temps que vous vous habilliez… C’est long, une toilette de cour… Vous n’aurez plus le loisir d’aller à Versailles pour l’heure indiquée.

– Je vous ai dit, Thérèse, répliqua Rousseau, que je me trouvais bien ainsi. C’est le costume avec lequel je me présente journellement devant mes concitoyens. Un roi n’est pas autre chose qu’un citoyen comme moi.

– Allons, allons, dit Thérèse pour le tenter et l’amener par insinuation à sa volonté, ne vous butez pas, Jacques, et ne faites pas une sottise… Vos habits sont là… votre rasoir est tout prêt; j’ai fait avertir le barbier, si vous avez vos nerfs aujourd’hui…

– Merci, ma bonne, répondit Rousseau, je me donnerai seulement un coup de brosse, et je prendrai mes souliers parce que l’on ne sort pas en pantoufles.

– Aurait-il de la volonté par hasard? se demanda Thérèse.

Et elle l’excita tantôt par la coquetterie, tantôt par la persuasion, tantôt par la violence de ses railleries. Mais Rousseau la connaissait; il voyait le piège; il sentait qu’aussitôt après avoir cédé, il serait impitoyablement honni et berné par sa gouvernante. Il ne voulut donc pas céder et s’abstint de regarder les beaux habits qui relevaient ce qu’il appelait sa bonne mine naturelle.

Thérèse le guettait. Elle n’avait plus qu’une ressource: c’était le coup d’œil que Rousseau ne négligeait jamais de donner au miroir en sortant, car le philosophe était propre à l’excès, si l’on peut trouver de l’excès dans la propreté.

Mais Rousseau continua de se tenir en garde, et, comme il avait surpris le regard anxieux de Thérèse, il tourna le dos au miroir. L’heure arriva; le philosophe s’était farci la tête de tout ce qu’il pourrait dire de désagréablement sentencieux au roi.

Il en récita quelques bribes tout en attachant les boucles de ses souliers, jeta son chapeau sous son bras, prit sa canne, et, profitant d’un moment où Thérèse ne pouvait le voir, il détira son habit et sa veste avec les deux mains pour en effacer les plis.

Thérèse rentra et lui offrit un mouchoir qu’il enfouit dans sa vaste poche, et le reconduisit jusqu’au palier en lui disant:

– Voyons, Jacques, soyez raisonnable; vous êtes affreux ainsi, vous avez l’air d’un faux-monnayeur.

– Adieu, dit Rousseau.

– Vous avez l’air d’un coquin, monsieur, dit Thérèse, prenez bien garde!

– Prenez garde au feu, répliqua Rousseau; ne touchez pas à mes papiers.

– Vous avez l’air d’un mouchard, je vous assure, dit Thérèse au désespoir.

Rousseau ne répliqua rien; il descendait les degrés en chantonnant, et, en profitant de l’obscurité, il brossait son chapeau avec sa manche, secouait son jabot de toile avec sa main gauche, et s’improvisait une rapide mais intelligente toilette.

En bas, il affronta la boue de la rue Plâtrière, mais sur la pointe de ses souliers, et gagna les Champs-Élysées, où stationnaient ces honnêtes voitures que, par purisme, nous nommerons des pataches, et qui voituraient ou plutôt assommaient encore il y a douze ans, de Paris à Versailles, les voyageurs réduits à l’économie.

<p id="_Toc103005785">Chapitre CX Les coulisses de Trianon</p>

Les circonstances du voyage sont indifférentes. Nécessairement Rousseau dut faire la route avec un Suisse, un commis aux aides, un bourgeois et un abbé.

Il arriva vers cinq heures et demie du soir. Déjà la cour était rassemblée à Trianon; l’on préludait en attendant le roi, car, pour l’auteur, il n’en était pas question le moins du monde.

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