Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome I полностью

Mais à peine cette porte fut-elle ouverte, à peine se trouva-t-il en face de la jeune fille sans que rien l’en séparât plus, qu’il comprit l’importance de l’action qu’il allait commettre; lui, Gilbert, lui, le fils d’un métayer et d’une paysanne, lui, le jeune homme timide, sinon respectueux, qui à peine, du fond de son obscurité, avait osé lever les yeux sur la fière et dédaigneuse jeune fille, il allait toucher de ses lèvres le bas de la robe ou le bout des doigts de cette majesté endormie, qui pouvait en se réveillant le foudroyer de son regard. À cette pensée, tous ces nuages d’enivrement qui avaient égaré son esprit et bouleversé son cerveau se dissipèrent. Il s’arrêta, se retenant au chambranle de la porte, car les jambes lui tremblaient si fort, qu’il lui semblait qu’il allait tomber.

Mais la méditation ou le sommeil d’Andrée était si profond, car Gilbert ne savait encore bien précisément si la jeune fille dormait ou méditait, qu’elle ne fit pas un seul mouvement, quoiqu’elle eût pu entendre les palpitations du cœur de Gilbert, que celui-ci essayait vainement de comprimer dans sa poitrine; il resta un moment debout, haletant; la jeune fille ne bougea point.

Elle était si belle ainsi, doucement appuyée sur sa main, avec ses longs cheveux sans poudre, épars sur son cou et sur ses épaules, que cette flamme assoupie, mais non pas éteinte par la terreur, se réveilla. Un nouveau vertige le prit; c’était comme une enivrante folie; c’était comme un dévorant besoin de toucher quelque chose qui la touchât elle-même; il fit de nouveau un pas vers elle.

Le plancher craqua sous son pied mal affermi; à ce bruit, une sueur froide perla au front du jeune homme, mais Andrée ne parut pas l’avoir entendu.

– Elle dort, murmura Gilbert. Oh! bonheur, elle dort!

Mais Gilbert, au bout de trois pas, s’arrêta de nouveau; une chose semblait l’épouvanter; c’était l’éclat inaccoutumé de la lampe qui, près de s’éteindre, lançait ses dernières lueurs, ces fulgurantes lueurs qui précèdent les ténèbres.

Du reste, pas un bruit, pas un souffle dans toute la maison; le vieux La Brie était couché et sans doute endormi; la lumière de Nicole était éteinte.

– Allons, dit-il.

Et il s’avança de nouveau.

Chose étrange, le parquet cria de nouveau, et Andrée ne remua point encore.

Gilbert s’étonna de cet étrange sommeil, il s’en effraya presque.

– Elle dort, répéta-t-il avec cette mobilité de la pensée qui fait chanceler vingt fois en une minute la résolution d’un amant ou d’un lâche. – Est lâche quiconque n’est plus maître de son cœur. – Elle dort, ô mon Dieu! mon Dieu!

Mais, au milieu de toutes ces fiévreuses alternatives de crainte et d’espérance, Gilbert, avançant toujours, se trouva à deux pas d’Andrée. Dès lors, ce fut comme une magie; il eût voulu fuir que la fuite lui eût été impossible; une fois entré dans le cercle d’attraction dont la jeune fille était le centre, il se sentait lié, garrotté, vaincu; il se laissa tomber sur ses deux genoux.

Andrée demeura immobile, muette: on eût dit une statue. Gilbert prit le bas de sa robe et la baisa.

Puis il releva la tête lentement, sans souffle, d’un mouvement égal: ses yeux cherchèrent les yeux d’Andrée.

Ils étaient tout grands ouverts, et cependant Andrée ne voyait pas.

Gilbert ne savait plus que penser, il était anéanti sous le poids de la surprise. Un moment il eut l’effroyable idée qu’elle était morte. Pour s’en assurer, il osa prendre sa main; elle était tiède et l’artère y battait doucement. Mais la main d’Andrée resta immobile dans la main de Gilbert. Alors Gilbert se figura, enivré sans doute par cette voluptueuse pression, qu’Andrée voyait, qu’elle sentait, qu’elle avait deviné son amour insensé; il crut, pauvre cœur aveuglé, qu’elle attendait sa visite, que son silence était un consentement, son immobilité une faveur.

Alors il souleva la main d’Andrée jusqu’à ses lèvres, et y imprima un long et fiévreux baiser.

Tout à coup Andrée frissonna, et Gilbert sentit qu’elle le repoussait.

– Oh! je suis perdu! murmura-t-il en abandonnant la main de la jeune fille et en frappant le parquet de son front.

Andrée se leva comme si un ressort l’eût dressée sur ses pieds; ses yeux ne s’abaissèrent pas même sur le plancher où gisait Gilbert à demi écrasé par la honte et la terreur, Gilbert qui n’avait pas seulement la force d’implorer un pardon sur lequel il ne comptait pas.

Mais Andrée, la tête haute, le cou tendu, comme si elle eût été entraînée par une force secrète vers un but invisible, effleura en passant l’épaule de Gilbert, passa outre, et commença de s’avancer vers la porte avec une démarche contrainte et pénible.

Gilbert, la sentant s’éloigner, se souleva sur une main, se retourna lentement et la suivit d’un regard étonné.

Andrée continua son chemin vers la porte, l’ouvrit, franchit l’antichambre et arriva au pied de l’escalier.

Gilbert, pâle et tremblant, la suivait en se traînant sur ses genoux.

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