Harry éprouva une sensation sourde dans son ventre et l’impression de désespoir qui l’avait accablé tout au long de l’été le submergea à nouveau.
Le lendemain matin, son réveil le tirerait du sommeil à cinq heures pour payer le hibou qui lui apporterait
Avec un peu de chance, peut-être quelques hiboux lui apporteraient-ils des lettres de ses meilleurs amis, Ron et Hermione, bien qu’il eût depuis longtemps perdu espoir d’apprendre des nouvelles par leur intermédiaire.
« Bien entendu, nous ne pouvons pas dire grand-chose sur tu-sais-quoi… On nous a bien recommandé de ne rien écrire d’important, au cas où nos lettres se perdraient… Nous sommes très occupés mais je ne peux te donner aucun détail pour l’instant… Il se passe beaucoup de choses et nous te raconterons tout dès que nous te verrons… »
Mais quand donc le verraient-ils ? Personne ne semblait se préoccuper de fixer une date. Dans la carte qu’elle lui avait envoyée pour son anniversaire, Hermione écrivait : « Je pense que nous serons très bientôt réunis. » Mais que fallait-il entendre par « bientôt » ? Autant qu’il pouvait le deviner à partir des vagues indices que contenaient leurs lettres, Ron et Hermione se trouvaient au même endroit, probablement chez les parents de Ron. Harry avait beaucoup de mal à supporter l’idée que tous deux s’amusaient au Terrier pendant que lui-même restait coincé dans Privet Drive. En réalité, il était si furieux contre eux qu’il avait jeté sans les ouvrir les deux boîtes de chocolats de chez Honeydukes qu’ils lui avaient envoyées pour son anniversaire. Un geste qu’il eut tôt fait de regretter en voyant la salade fanée que la tante Pétunia lui avait servie ce soir-là en guise de dîner.
Et pourquoi donc Ron et Hermione étaient-ils si occupés ? Pourquoi n’était-il pas occupé, lui aussi ? N’avait-il pas apporté la preuve qu’il était capable d’accomplir beaucoup plus de choses qu’eux ? Oubliaient-ils tout ce qu’il avait fait ? N’était-ce pas
« Ne pense pas à tout ça », se répéta Harry d’un air sombre pour la centième fois depuis le début de l’été. Il était déjà suffisamment douloureux de revoir sans cesse ce cimetière dans ses cauchemars, inutile d’y revenir également lorsqu’il était éveillé.
Un peu plus loin, il tourna dans Magnolia Crescent. Parvenu à la moitié de la rue, il passa devant l’étroite allée où son parrain lui était apparu pour la première fois. Sirius, lui, semblait comprendre ce que Harry ressentait. Certes, ses lettres étaient tout aussi dépourvues de nouvelles importantes que celles de Ron et d’Hermione mais, au lieu de vagues allusions tout juste bonnes à exciter sa curiosité, elles contenaient au moins des mises en garde ou des mots de consolation : « Je sais à quel point tu dois te sentir frustré… Ne fourre pas ton nez là où tu ne dois pas et tout ira bien… Sois prudent, ne fais rien d’irréfléchi… »
Harry traversa Magnolia Crescent, tourna dans Magnolia Road et se dirigea vers le parc assombri par le crépuscule. Il avait suivi les conseils de Sirius, pensa-t-il – dans l’ensemble, en tout cas. Au moins avait-il résisté à la tentation d’accrocher sa grosse valise à son balai et de s’envoler tout seul en direction du Terrier des Weasley. En fait, Harry trouvait sa conduite irréprochable, compte tenu de l’exaspération et de la colère qu’il éprouvait à rester coincé si longtemps dans Privet Drive, où il était réduit à se cacher dans des massifs de fleurs en espérant entendre une nouvelle qui trahisse les activités de Lord Voldemort. Il n’en était pas moins irritant de se voir conseiller la prudence par un homme qui avait passé douze ans à Azkaban, la prison des sorciers, s’en était échappé, avait tenté de commettre le meurtre pour lequel on l’avait condamné à l’origine et s’était enfui sur le dos d’un hippogriffe volé.