– Non, coupa Hermione d’un ton étrange.
Elle s’avança vers le réservoir et regarda à travers la paroi transparente.
– Ce sont des cerveaux.
–
– Oui… Je me demande ce qu’ils en font.
Harry la rejoignit et regarda à son tour. En effet, vu de près, on ne pouvait pas s’y tromper. Scintillant d’une lueur inquiétante, ils dérivaient lentement, apparaissant et disparaissant dans les profondeurs du liquide vert, comme des espèces de choux-fleurs visqueux.
– Sortons d’ici, dit Harry. Ce n’est pas par là, il faut essayer une autre porte.
– Ici aussi, il y a des portes, dit Ron en montrant les murs.
Harry sentit son cœur se serrer. Cet endroit était donc si vaste ?
– Dans mon rêve, je traversais la pièce sombre pour entrer dans l’autre salle. Je pense qu’il faut retourner là-bas et faire une nouvelle tentative.
Ils se hâtèrent de revenir dans la pièce circulaire. À présent, les lignes bleues qui s’étaient imprimées dans les yeux de Harry avaient fait place aux formes fantomatiques des cerveaux.
– Attends, dit brusquement Hermione alors que Luna s’apprêtait à refermer derrière eux la porte de la salle aux Cerveaux.
Avec sa baguette magique, elle dessina une croix dans les airs et un X enflammé apparut aussitôt sur la porte. À peine le panneau s’était-il refermé que le grondement sonore se déclencha à nouveau. Une fois de plus, le mur se mit à tourner rapidement sur lui-même mais à présent une lueur rouge s’était glissée parmi les traînées bleues, et lorsque tout redevint immobile, la croix flamboyante brûlait toujours, indiquant la porte qu’ils avaient déjà ouverte.
– C’était une bonne idée, dit Harry. Essayons celle-ci, maintenant.
À nouveau, il s’avança vers la porte qui lui faisait face et l’ouvrit, sa baguette magique toujours brandie, les autres sur ses talons.
Cette pièce-là, rectangulaire et faiblement éclairée, était plus vaste que la précédente. On distinguait au centre une grande fosse de pierre d’environ six mètres de profondeur. Ils se trouvaient au sommet d’une série de gradins formés de bancs de pierre qui faisaient tout le tour et descendaient en marches escarpées, comme un amphithéâtre ou la salle de tribunal dans laquelle Harry avait été jugé par le Magenmagot. Mais, au lieu d’un fauteuil à chaînes, se dressait au milieu de la fosse un socle de pierre sur lequel reposait une arcade, également en pierre, qui paraissait si antique, lézardée, croulante, que Harry fut étonné qu’elle puisse encore tenir debout. Isolée, sans aucun mur pour la soutenir, elle encadrait un rideau noir en lambeaux, ou plutôt un voile qui, malgré la totale immobilité de l’air, ondulait très légèrement, comme si quelqu’un venait de l’effleurer.
– Qui est là ? C’est toi, Sirius ? demanda Harry en sautant sur le banc de pierre qui se trouvait au-dessous.
Personne ne répondit mais le voile continua de bouger.
– Attention ! murmura Hermione.
Harry descendit les gradins un à un jusqu’au fond de la fosse. L’écho de ses pas résonna bruyamment lorsqu’il s’approcha du socle. L’arcade pointue paraissait beaucoup plus haute de l’endroit où il se tenait que vue d’en haut. Le voile se balançait doucement comme si quelqu’un venait de le traverser.
– Sirius ? appela à nouveau Harry, en parlant moins fort, maintenant qu’il était tout près.
Il avait l’impression très étrange que quelqu’un se tenait derrière le voile, de l’autre côté de l’arcade. Serrant étroitement sa baguette dans sa main, il contourna le socle de pierre mais il n’y avait personne derrière. On ne voyait que l’autre face du voile noir déchiré par endroits.
– Allons-nous-en, dit Hermione qui était descendue jusqu’au milieu des gradins. Il y a quelque chose de bizarre, ici, viens, Harry, partons.
Elle paraissait effrayée, plus encore que dans la salle aux Cerveaux. Harry, en revanche, trouvait que l’arcade, toute délabrée qu’elle fût, possédait une certaine beauté. Le voile qui ondulait doucement l’intriguait. Il avait très envie de grimper sur le socle et de traverser le rideau noir.
– Harry, allons-nous-en, d’accord ? répéta Hermione avec insistance.
– O.K., dit-il, mais il ne bougea pas.
Il venait d’entendre quelque chose. Un faible murmure s’élevait derrière le voile.
– Qu’est-ce que tu dis ? demanda-t-il à haute voix.
Ses paroles se répercutèrent en écho sur les gradins de pierre.
– Personne n’a rien dit, Harry ! répondit Hermione qui s’était rapprochée.
– On entend murmurer quelqu’un derrière ce rideau, assura-t-il en s’éloignant d’elle.
Il observa le voile, le visage tendu.
– C’est toi, Ron ?
– Je suis là, mon vieux, dit Ron en apparaissant à côté de l’arcade.
– Vous n’entendez pas ? demanda Harry.
Le murmure avait augmenté d’intensité.
Il s’aperçut qu’il avait posé sans le vouloir le pied sur le socle.
– Moi aussi, je les entends, dit Luna dans un souffle.
Elle les rejoignit à côté de l’arcade et contempla le voile qui ondulait toujours.
– Il y a des gens,