Les arbres bruissèrent et quatre ou cinq autres centaures apparurent derrière Magorian. Harry reconnut le corps noir et le visage barbu de Bane qu’il avait déjà vu quatre ans auparavant, la même nuit où il avait rencontré Firenze pour la première fois. Bane ne manifesta aucun signe indiquant qu’il reconnaissait Harry.
– Eh bien voilà, dit-il d’un ton mauvais avant de se tourner vers Magorian. Nous étions tombés d’accord, je crois, sur ce que nous ferions à cet humain si jamais il remettait les pieds dans la forêt ?
– Alors, maintenant, je suis « cet humain » ? répliqua Hagrid avec mauvaise humeur. Simplement parce que je vous ai empêchés de commettre un meurtre ?
– Tu n’aurais pas dû te mêler de nos affaires, Hagrid, reprit Magorian. Nos mœurs ne sont pas les vôtres, nos lois non plus. Firenze nous a trahis et déshonorés.
– Je ne sais pas où vous avez été chercher ça, répondit Hagrid, irrité. Il n’a rien fait d’autre que d’aider Dumbledore…
– Firenze a accepté de vivre dans la servitude imposée par les humains, dit un centaure gris au visage dur, creusé de rides profondes.
–
– Il colporte notre savoir et nos secrets auprès des humains, dit Magorian à mi-voix. On ne peut pardonner une telle disgrâce.
– Si c’est toi qui le dis, répliqua Hagrid en haussant les épaules. Mais personnellement, je crois que vous faites une grosse erreur…
– Toi aussi, l’humain, lança Bane, tu fais une grosse erreur en revenant dans la forêt alors que nous t’avions averti…
– Bon, maintenant, écoutez-moi, vous tous, dit Hagrid avec colère. Si ça ne vous ennuie pas, j’aimerais bien que vous arrêtiez un peu cette histoire de « notre » forêt. Ce n’est pas à vous de décider qui a le droit ou pas de venir ici…
– Ce n’est pas à toi non plus, Hagrid, dit Magorian d’une voix paisible. Je te laisserai passer aujourd’hui parce que tu es accompagné de tes jeunes…
– Ce ne sont pas les siens ! l’interrompit Bane avec mépris. Ce sont des élèves de l’école, Magorian ! Ils ont sans doute déjà profité des enseignements du traître Firenze.
– Quoi qu’il en soit, poursuivit Magorian toujours très calme, tuer des poulains est un crime horrible ; nous ne touchons jamais aux innocents. Aujourd’hui, Hagrid, tu peux passer. Mais à l’avenir, ne viens plus ici. Tu as renoncé à l’amitié des centaures lorsque tu as aidé le traître Firenze à nous échapper.
– Ce n’est pas une bande de vieilles mules dans votre genre qui m’empêchera d’aller dans la forêt ! répliqua Hagrid en haussant le ton.
– Hagrid ! s’exclama Hermione d’une voix aiguë et terrifiée, tandis que Bane et le centaure gris frappaient le sol de leurs sabots. Allons-nous-en, s’il vous plaît, allons-nous-en !
Hagrid reprit son chemin, mais son arbalète était toujours levée et ses yeux fixaient Magorian d’un air menaçant.
– Nous savons très bien ce que tu caches dans cette forêt, Hagrid ! leur cria Magorian alors que les centaures disparaissaient de leur champ de vision. Et notre tolérance a des limites !
Hagrid se retourna en ayant l’air de vouloir foncer droit sur Magorian.
– Vous le tolérerez aussi longtemps qu’il sera là. C’est autant sa forêt que la vôtre ! s’exclama-t-il.
Harry et Hermione le repoussaient de toutes leurs forces, les mains sur son gilet en peau de taupe, pour essayer de l’empêcher d’avancer. Toujours furieux, il baissa les yeux et son visage exprima soudain une légère surprise lorsqu’il les vit arc-boutés contre lui. Il semblait n’avoir rien remarqué.
– Calmez-vous, tous les deux, dit-il en faisant demi-tour pour repartir.
La respiration haletante, ils reprirent leur marche à ses côtés.
– Ce sont vraiment d’horribles vieilles mules !
– Hagrid, dit Hermione, le souffle court, en contournant les orties devant lesquelles ils étaient déjà passés en arrivant, si les centaures ne veulent pas d’humains dans la forêt, je ne vois pas comment Harry et moi nous pourrions…
– Oh, tu as entendu ce qu’ils ont dit, ils ne tuent pas les poulains, enfin, les enfants. De toute façon, on ne va pas se laisser impressionner par cette bande-là, répondit Hagrid avec dédain.
– Bien essayé, murmura Harry à Hermione qui paraissait déconfite.
Ils rejoignirent enfin le sentier et, dix minutes plus tard, les feuillages des arbres commencèrent à s’éclaircir. Des taches de ciel bleu apparaissaient à nouveau au-dessus de leurs têtes et ils entendirent au loin des cris et des acclamations.
– C’était un autre but ? demanda Hagrid en s’arrêtant un instant à l’abri des arbres alors que le stade venait d’apparaître au loin. Ou vous croyez que le match est fini ?
– Je ne sais pas, répondit Hermione, accablée.
Harry vit qu’elle n’était pas en très bon état. Ses cheveux étaient pleins de feuilles et de brindilles, sa robe déchirée en plusieurs endroits et elle avait de nombreuses égratignures un peu partout sur le visage et les bras. Lui-même, songea-t-il, ne devait pas paraître plus reluisant.