– J’ai crié jusqu’à ce que quelqu’un vienne, répondit le sorcier qui s’épongeait le front à l’aide du rideau accroché derrière lui. J’ai dit que j’avais entendu quelque chose bouger au bas des escaliers… Ils ne savaient pas s’ils devaient me croire ou non mais ils sont quand même descendus… Comme vous le savez, il n’y a pas de tableaux en bas, je ne pouvais donc pas aller voir moi-même. En tout cas, ils l’ont remonté quelques minutes plus tard. Il a l’air mal en point, avec du sang partout. J’ai couru dans la toile d’Elfrida Cragg pour voir de plus près au moment où ils l’emmenaient.
– Bien, dit Dumbledore, tandis que Ron était saisi d’un mouvement convulsif. Je pense que Dilys les aura vus arriver…
Quelques instants plus tard, en effet, la sorcière aux boucles argentées réapparut à son tour dans sa toile. Elle se laissa tomber dans son fauteuil, en proie à une quinte de toux, et annonça :
– Ils l’ont emmené à Ste Mangouste… je les ai vus passer devant mon portrait… Il est dans un triste état…
– Merci, dit Dumbledore.
Il se tourna vers le professeur McGonagall.
– Minerva, je voudrais que vous alliez réveiller les autres enfants Weasley.
– Bien sûr…
Elle se leva et se hâta en direction de la porte. Harry jeta un regard en biais à Ron qui paraissait terrifié.
– Et, heu… Dumbledore… En ce qui concerne Molly ? demanda le professeur McGonagall en s’arrêtant devant la porte.
– Ça, ce sera le travail de Fumseck quand il aura fini de faire le guet, répondit Dumbledore. Mais elle est peut-être déjà au courant… Grâce à sa merveilleuse horloge…
Harry connaissait cette horloge qui n’indiquait pas l’heure mais le lieu où se trouvaient les divers membres de la famille Weasley ainsi que leur état de santé. Avec un pincement au cœur, il pensa que l’aiguille qui représentait Mr Weasley avait dû s’arrêter sur « En danger de mort ». Mais il était très tard. Mrs Weasley dormait sûrement et ne regardait pas l’horloge. Harry éprouva une sensation glacée en se souvenant de l’Épouvantard qui, devant Mrs Weasley, avait pris l’apparence du cadavre de son mari, les lunettes de travers, le sang ruisselant sur son visage… Mais Mr Weasley ne mourrait pas… C’était impossible…
Dumbledore fouillait à présent dans un placard, derrière Harry et Ron. Il en sortit une vieille bouilloire noircie qu’il posa avec précaution sur son bureau. Il leva alors sa baguette et murmura :
–
Pendant un instant, la bouilloire trembla, luisant d’une étrange lumière bleue, puis redevint inerte et aussi noire qu’à l’ordinaire.
Dumbledore s’approcha d’un autre tableau qui représentait un sorcier au visage intelligent avec une barbe en pointe. Il portait les couleurs vert et argent de Serpentard et paraissait si profondément endormi qu’il n’entendait pas la voix de Dumbledore :
– Phineas.
Les portraits qui tapissaient les murs ne songeaient plus à dormir et changeaient de position dans leurs cadres pour mieux voir ce qui se passait. Lorsque le sorcier à la barbe en pointe continua de feindre le sommeil, certains se mirent eux aussi à crier son nom :
– Phineas !
Il ne put tricher plus longtemps. Dans un sursaut théâtral, il ouvrit grand les yeux.
– Quelqu’un m’a appelé ?
– J’ai besoin que vous vous rendiez dans votre autre portrait, Phineas, dit Dumbledore. J’ai encore un message.
– Me rendre dans mon autre portrait ? répondit Phineas d’une voix flûtée en faisant semblant de bâiller longuement (ses yeux balayèrent la pièce et s’arrêtèrent sur Harry). Oh, non, Dumbledore, pas ce soir, je suis trop fatigué.
La voix de Phineas avait quelque chose de familier aux oreilles de Harry. Où l’avait-il déjà entendue ? Mais avant d’avoir eu le temps d’y réfléchir, un tonnerre de protestations s’éleva des autres portraits accrochés aux murs :
– Insubordination, monsieur ! rugit un sorcier corpulent au nez rouge. Manquement au devoir !
– Nous devons nous mettre au service de l’actuel directeur de Poudlard, il y va de notre honneur ! s’écria un vieux sorcier à la silhouette gracile que Harry reconnut comme étant Armando Dippet, le prédécesseur de Dumbledore. Honte à vous, Phineas !
– Voulez-vous que j’emploie des arguments plus convaincants, Dumbledore ? demanda une sorcière aux yeux perçants en brandissant une baguette magique d’une taille si exceptionnelle qu’elle ressemblait plutôt à une cravache.
– Oh,
– Sirius sait bien qu’il doit conserver votre portrait, répliqua Dumbledore.
Harry sut alors où il avait déjà entendu la voix de Phineas : c’était celle qui s’élevait de la toile vide, dans la chambre du square Grimmaurd.
– Vous allez lui transmettre le message qu’Arthur Weasley a été grièvement blessé et que sa femme et ses enfants, ainsi que Harry Potter, arriveront très bientôt chez lui, reprit Dumbledore. Vous avez compris ?