Sa colère tomba. Rivebise s’est-il insurgé contre les années passées à chercher des solutions aux problèmes que d’autres lui posaient ? La seule chose qu’il eût trouvée était ce bâton, qui reste une énigme. Non, il ne s’est jamais emporté. En lui, la foi fut la plus forte. Moi, je suis faible. Rivebise a toujours été prêt à sacrifier son existence à sa quête. Il faut que j’aie la volonté de vivre, même sans lui.
Lunedor appuya la tête contre le métal froid des portes. Elle s’était décidée.
— Je ferai le pas en avant, mère, et j’entrerai dans le temple. Si Rivebise meurt, mon âme partira avec lui. Je demande une chose : s’il doit mourir, qu’il sache que je suivrai la voie qu’il a ouverte.
Appuyée sur le bâton, la princesse des Que-Shus poussa les portes d’or, qui se refermèrent sur elle au moment précis où le dragon sortait du puits.
Sous le dôme du sanctuaire, au milieu des dalles en mosaïque, s’élevait une statue de marbre d’une singulière beauté. Elle irradiait de lumière. Fascinée, Lunedor approcha. La statue figurait une femme, vêtue d’une robe flottant autour d’elle, dont le visage exprimait l’espoir et une sorte d’abnégation. Elle portait une étrange amulette suspendue à son cou.
— Voici Mishakal, déesse de la guérison, dont je suis la prêtresse, dit la voix de sa mère. Écoute ce qu’elle te dira, ma fille.
La statue était merveilleusement belle. Mais il lui manquait quelque chose. Lunedor réalisa que ses doigts étaient refermés sur un objet absent. Sans réfléchir, simplement pour parachever la perfection de l’œuvre, Lunedor glissa le bâton entre les mains de marbre.
Il s’irisa d’une douce lumière bleutée. Surprise, Lunedor recula. Le bâton s’illumina d’une clarté éblouissante. La jeune femme tomba à genoux. Un sentiment d’amour intense gonfla son cœur. Elle regretta amèrement de s’être emportée.
— N’aie pas honte des questions qui te tourmentent, chère disciple. Ce sont elles qui t’ont menée à nous, et c’est ta colère qui te soutiendra dans les épreuves qui t’attendent. Tu es venue chercher la vérité, et tu la trouveras.
« Les dieux ne se sont pas détournés des hommes, mais les hommes ont oublié les vrais dieux. Krynn va subir la plus grande épreuve de son existence. Plus que jamais, les hommes auront besoin de la vérité. C’est à toi, ma disciple, de les ramener au pouvoir des vrais dieux. Le temps est venu de rétablir l’équilibre de l’Univers. Le Démon a pris le dessus. Car les dieux du Bien se sont tournés vers les hommes, mais les dieux du Mal aussi, et ils œuvrent à asservir leurs âmes. La Déesse des Ténèbres est revenue ; elle cherche un moyen de prendre possession du pays. Les dragons, qui avaient été bannis dans le néant, sont de retour. »
Les dragons, pensa Lunedor. Elle ne parvenait pas à analyser les paroles qui pénétraient en elle, mais elle en comprendrait le sens plus tard. Jamais, elle ne les oublierait.
— Pour avoir la force de les vaincre, tu auras besoin de la vérité des dieux. C’est le cadeau le plus beau qu’on ait fait au monde. Sous ce temple, dans ces ruines hantées par les années de gloire révolue, reposent les Anneaux de Mishakal. Ce sont des disques de platine brillant. Si tu les trouves, tu pourras faire appel à mes pouvoirs, car je suis Mishakal, déesse de la guérison.