À contrecœur, Caramon tendit la main et l’approcha de l’objet, les yeux fermés, les dents serrées dans l’attente du choc. Rien ne se passa.
Caramon ouvrit de grands yeux et saisit le bâton avec un sourire émerveillé.
— Voyez ! fit Raistlin. Seuls les êtres bons, dont le cœur est pur, peuvent le toucher. Cet objet a été fait pour guérir. Consacré par un dieu, il n’a rien de magique. Il n’y a pas d’objets magiques qui possèdent le pouvoir de guérir.
— Chut ! Voilà les gardes du Théocrate ! avertit Tass, qui guettait à la fenêtre.
Ils écoutèrent les gobelins aller et venir sur les passerelles.
— Ils fouillent toutes les habitations, dit Tanis, entendant frapper à la porte de la maison voisine.
— Ouvrez aux gardes des Questeurs ! cria quelqu’un. (Il y eut un silence, puis la voix s’éleva de nouveau :) Il n’y a personne. Faut-il enfoncer la porte ?
— Pas la peine, croassa une autre voix. Nous le dirons au Théocrate, et il l’enfoncera s’il veut. Si elle avait été ouverte, cela aurait été différent. Nous aurions pu perquisitionner.
Tanis regarda la porte qui lui faisait face. Il sentit un courant d’air. Il aurait juré qu’elle avait été barricadée… et pourtant elle était entrouverte !
— La porte ! chuchota-t-il. Caramon… !
Le guerrier s’était déjà levé. Il se colla le dos au mur à côté de l’huis.
— Ouvrez ! Nous sommes les gardes du Questeur !
Les gobelins flanquèrent des coups dans le battant, qui céda aussitôt.
— Il n’y a personne. Allons voir ailleurs.
— Tu manques d’imagination, Grum. C’est l’occasion de chiper quelques pièces…
La tête d’un gobelin apparut dans l’encadrement de la porte. Son regard tomba sur Raistlin, assis avec son bâton sur les genoux.
— Oh ! Regarde ce que nous avons trouvé ! Un bâton ! Donne-le-moi, dit-il en marchant sur Raistlin.
— Mais certainement.
Tandis qu’il tendait le bâton au gobelin, Raistlin souffla un mot de pouvoir : «
Les gobelins s’écroulèrent.
— Morts ? demanda Tanis à Caramon, qui examinait les corps à la lueur du bâton de Raistlin.
— Je le crains, soupira le grand gaillard. J’ai frappé trop fort.
— Cela change tout, dit Tanis gravement. Nous avons tué deux gardes de plus. Le Théocrate va mettre la ville à sac. Nous ne pouvons pas rester ici ! Quant à vous deux, vous feriez bien de venir avec nous.
— Où que nous finissions…, dit Flint avec irritation.
— Où aviez-vous l’intention d’aller ? demanda Tanis à Rivebise.
— À Haven, avoua à regret le barbare.
— Là-bas, il y a des sages, dit Lunedor. Nous espérions qu’ils nous expliqueraient la nature de ce bâton. Vous avez vu, la ballade que j’ai chantée disait la vérité : le bâton nous a sauvé la vie.
— Tu nous raconteras cela plus tard, l’interrompit Tanis. Quand on se sera aperçu de la disparition des deux gardes, les gobelins fourmilleront dans chaque arbre de Solace. Raistlin, éteins cette lumière.
Le mage prononça le mot «
— Qu’allons-nous faire des corps ? Et Tika ? Elle risque d’avoir des ennuis…, dit Caramon.
— Oublions les corps… et défonce la porte. Toi, Sturm, renverse quelques meubles. Il faut qu’ils croient que nous sommes tombés sur les gobelins et qu’une bataille s’en est suivie. Ainsi, Tika ne devrait pas avoir d’ennuis. C’est une fille avisée, elle s’en sortira.
— Il nous faut des provisions, constata Tass.
Il courut à la cuisine et bourra ses poches de tout ce qu’il put trouver. Flint se chargea d’une flasque de vin.
Debout devant le feu, les deux barbares regardaient Tanis avec incertitude.
— Alors, fit Sturm, où allons-nous maintenant ?
Tanis retourna plusieurs solutions dans sa tête. Si leur tribu avait réellement attenté à la vie des deux barbares des Plaines, ils ne voudraient pas retourner à l’est. Ils pourraient prendre la direction du sud, vers le royaume des elfes, mais Tanis éprouvait une réticence bizarre à revenir dans son pays. Il savait aussi que les elfes ne seraient pas ravis de voir débarquer tant d’étrangers dans leur cité secrète.
— Nous allons vers le nord, finit-il par déclarer. Nous escorterons ces deux-là jusqu’au croisement des routes, et nous déciderons ensuite ce que nous ferons. Eux pourront rejoindre Haven s’ils le désirent. Je projette de continuer vers le nord, pour vérifier si les rumeurs qui parlent d’une armée sont vraies.
— Et pour tomber peut-être sur Kitiara, murmura Raistlin.
Tanis rougit.
— Tout le monde est d’accord ?
— Bien que tu ne sois pas le plus âgé d’entre nous, tu es le plus sage, dit Sturm. Nous te suivrons, comme toujours.
Tanis sentit une pression sur son bras. Il se retourna, et rencontra les yeux bleus de la belle barbare.
— Nous vous sommes très reconnaissants, dit doucement Lunedor. Vous risquez vos vies pour nous, des étrangers.
Tanis sourit et frappa dans ses mains.