–" Moi, dit la cadette, je n'aurai que ma jupe ordinaire; mais par contre, je mettrai mon manteau `a fleurs d'or, et ma barri`ere de diamants, qui n'est pas des plus indiff'erentes."
On envoya chercher la bonne coiffeuse, pour dresser les cornettes `a deux rangs, et on fit acheter des mouches de la bonne faiseuse : elles appel`erent Cendrillon pour lui demander son avis, car elle avait bon go^ut. Cendrillon les conseilla le mieux du monde, et s'offrit m^eme `a les coiffer; ce qu'elles voulurent bien. En les coiffant, elles lui disaient :
–"Cendrillon, serais-tu bien aise d'aller au bal ?"
–" H'elas, mesdemoiselles, vous vous moquez de moi, ce n'est pas l`a ce qu'il me faut."
–" Tu as raison, on rirait bien si on voyait un Cendrillon aller au bal." Une autre que Cendrillon les aurait coiff'ees de travers; mais elle 'etait bonne, et elle les coiffa parfaitement bien. Elles furent pr`es de deux jours sans manger, tant elles 'etaient emplies de joie. On rompit plus de douze lacets `a force de les serrer pour leur rendre la taille plus menue, et elles 'etaient toujours devant leur miroir.
3. Lisez la 3e partie et faites le devoir !
Enfin l'heureux jour arriva, on partit, et Cendrillon les suivit des yeux le plus longtemps qu'elle put; lorsqu'elle ne les vit plus, elle se mit `a pleurer. Sa marraine, qui la vit tout en pleurs, lui demanda ce qu'elle avait :
–"Je voudrais bien… je voudrais bien…"
Elle pleurait si fort qu'elle ne put achever. Sa marraine, qui 'etait f'ee, lui dit:
–"Tu voudrais bien aller au bal, n'est-ce pas ?
–" H'elas oui" dit Cendrillon en soupirant.
–" H'e bien, seras-tu bonne fille ?" dit sa marraine, je t'y ferai aller. Elle la mena dans sa chambre, et lui dit :
–"Va dans le jardin et apporte-moi une citrouille."
Cendrillon alla aussit^ot cueillir la plus belle qu'elle put trouver, et la porta `a sa marraine, ne pouvant deviner comment cette citrouille pourrait la faire aller au bal. Sa marraine la creusa, et n'ayant laiss'e que l''ecorce, la frappa de sa baguette, et la citrouille fut aussit^ot chang'ee en un beau carrosse tout dor'e. Ensuite elle alla regarder dans sa sourici`ere, o`u elle trouva six souris toutes en vie ; elle dit `a Cendrillon de lever un peu la trappe de la sourici`ere, et `a chaque souris qui sortait, elle lui donnait un coup de sa baguette, et la souris 'etait aussit^ot chang'ee en un beau cheval; ce qui fit un bel attelage de six chevaux, d'un beau gris de souris pommel'e. Comme elle 'etait en peine de quoi elle ferait un cocher :
–"Je vais voir, dit Cendrillon, s'il n'y a point quelque rat dans la rati`ere, nous en ferons un cocher."
–" Tu as raison», dit sa marraine " va voir."
Cendrillon lui apporta la rati`ere, o`u il y avait trois gros rats. La f'ee en prit un d'entre les trois, `a cause de sa ma^itresse barbe, et l'ayant touch'e, il fut chang'e en un gros cocher, qui avait une des plus belles moustaches qu'on ait jamais vues. Ensuite elle lui dit :
–"Va dans le jardin, tu y trouveras six l'ezards derri`ere l'arrosoir, apporte- les-moi."
Elle ne les eut pas plus t^ot apport'es, que la marraine les changea en six laquais, qui mont`erent aussit^ot derri`ere le carrosse avec leurs habits chamarr'es, et qui s'y tenaient accroch'es, comme s'ils n'eussent fait autre chose toute leur vie. La f'ee dit alors `a
Cendrillon :
–"H'e bien, voil`a de quoi aller au bal, n'es-tu pas bien aise ?
–" Oui, mais est-ce que j'irai comme ca avec mes vilains habits ?"
Sa marraine ne fit que la toucher avec sa baguette, et en m^eme temps ses habits furent chang'es en des habits de drap d'or et d'argent tout chamarr'es de pierreries; elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de verre, les plus jolies du monde. Quand elle fut ainsi par'ee, elle monta en carrosse; mais sa marraine lui recommanda instamment de ne pas d'epasser minuit, l'avertissant que si elle demeurait au bal un moment de plus, son carrosse redeviendrait citrouille, ses chevaux des souris, ses laquais des l'ezards, et que ses vieux habits reprendraient leur premi`ere forme. Elle promit `a sa marraine qu'elle ne manquerait pas de sortir du bal avant minuit.
4. Lisez la 4e partie et faites le devoir !
Elle part, ne se sentant pas de joie. Le fils du roi, qu'on alla avertir qu'il venait d'arriver une grande princesse qu'on ne connaissait point, courut la recevoir; il lui donna la main `a la descente du carrosse, et la mena dans la salle o`u 'etait la compagnie. Il se fit alors un grand silence; on cessa de danser, et les violons ne jou`erent plus, tant on 'etait attentif `a contempler les grandes beaut'es de cette inconnue. On n'entendait qu'un bruit confus :
–"Ha, qu'elle est belle !"