— Elle est surtout sale comme un peigne ! fit Landry goguenard. Si j'étais vous, je lui donnerais un peu de lait pour la remettre et puis je la récurerais consciencieusement.
— Je vais faire chauffer une marmite d'eau, approuva Pâquerette en décrochant un chaudron pour aller le remplir au puits du jardin.
Tandis que Catherine buvait son lait à petits coups et que Sara préparait tout pour la nettoyer, on en vint aux explications. Landry raconta comment, le surlendemain de l'enlèvement de Catherine, il avait rencontré Sara chez Jacquot-de-la-Mer où parfois le chevaucheur ducal allait passer la soirée.
Elle y était arrivée dans la journée, ayant laissé dans la forêt de Pasques la tribu de Stanko, le gitan qu'elle avait suivi et pour qui elle avait abandonné Catherine.
-— Elle n'osait pas aller chez toi, ajouta le jeune homme.
— J'avais honte, fit Sara franchement, et regrets aussi ! J'avais besoin de te revoir et pourtant je craignais de rencontrer ton regard. Mais Dijon m'attirait irrésistiblement. Alors, j'étais allée d'abord chez Jacquot, pour voir venir. Quand j'ai su que tu avais disparu, j'ai cru que je devenais folle... et aussi que Dieu me punissait d'avoir manqué à mes devoirs. J'ai supplié Landry de me laisser l'aider à te chercher.
Nous avons fait le guet ensemble, conclut Landry, l'un relayant l'autre. Tu connais la suite. Dans la nuit, après t'avoir quittée au château, je suis revenu à Dijon la chercher. Quant à Pâquerette...
Il attirait la jeune fille à lui, entourant familièrement sa taille de son bras, et posait sur son cou un baiser claquant.
— ... c'est aussi à la taverne de Jacquot que je l'ai connue, voici plus d'un an. Elle habitait Fontaine, avec sa mère, mais la vieille a été prise et brûlée comme sorcière. Pâquerette a dû se sauver. Elle s'est réfugiée chez Jacquot.
Seulement, à Dijon, elle ne pouvait pas respirer. Il lui fallait les champs, la campagne. Jacquot avait justement un cousin qui venait de mourir ici ; il a donné sa cabane à Pâquerette et voilà ! Elle n'a rien à craindre à Mâlain, sauf si le duc décidait d'envoyer une troupe pour détruire tout le village, et encore.
— Pourquoi donc ? demanda Catherine. Est-ce que cette terre est lieu d'asile ? Domaine d'église, peut-être ? Ne m'as-tu pas dit que le château appartenait à l'abbé de Saint-Seine ?
— Le château, oui, encore que le saint homme s'en désintéresse vertueusement, fit Landry en riant. Quant à être un lieu d'asile, c'en est un, en effet, mais pas comme tu l'entends. Ce serait même tout le contraire.
Mâlain est un village que l'on ne fréquente guère parce que presque tous ses habitants sont sorciers. La chose est bien connue... Aussi, une de plus une de moins ! Pâquerette y vit tranquille et ton époux savait ce qu'il faisait en t'enfermant dans ce vieux château. Les bons paysans des alentours ne s'approchent pas volontiers de ce coin-là. Le château passe pour hanté et le village est plus ou moins maudit...
Pendant ce temps, Sara avait rempli d'eau un grand baquet de bois qu'elle avait traîné devant le feu.
Assez parlé, maintenant, fit-elle en empoignant Landry par les épaules pour le mettre dehors. Va faire un tour ! Nous n'avons pas besoin d'un garçon pour baigner Catherine !
Avec, un soupir, Landry enfila la casaque de cuir qu'il avait récupérée, glissa une dague à sa ceinture et siffla le chien de Pâquerette.
— C'est bon, je vais faire un tour dans le bois ! J'y rencontrerai peut-être un gibier quelconque. La viande est rare, en hiver...
Lorsqu'il fut sorti, Sara aida Catherine à se lever, lui ôta sa chemise plus qu'à moitié déchirée et l'aida à s'accroupir au fond du baquet. Au contact de l'eau tiède, la jeune femme poussa un profond soupir de volupté. Après le repos dans un bon lit, la douceur de l'eau était ce qu'elle désirait le plus.
Jamais elle ne s'était sentie aussi sale, et, quand elle regardait sa peau ou ses cheveux, elle éprouvait à la fois de la honte et du dégoût. Certes, si elle avait dû rester plusieurs mois dans cette abominable prison, elle en fût sortie irrémédiablement flétrie !... Elle se laissa aller dans l'eau et, tandis que Sara nettoyait avec précaution son cou blessé avant de l'enduire de baume, elle regarda, à travers la fenêtre, Landry qui s'éloignait, le chien sur les talons.
Pâquerette était sortie avec lui pour l'accompagner et Catherine pouvait la voir s'appuyer tendrement sur l'épaule du jeune homme.
— Cette Pâquerette, demanda-t-elle à Sara, tu crois que c'est la bonne amie de Landry ?
— Elle est sa maîtresse et j'ai bien l'impression qu'elle est folle de lui.
Mais je ne saurais te dire ce que Landry en pense. L'aime-t-il ? C'est difficile à dire.
— Tu crois qu'elle est réellement sorcière ? Elle en a si peu l'air...
C'est une maladie qui se transmet de mère en fille, paraît-il. Même si elle ne l'est pas, personne ne voudrait le croire parce que c'est dans l'ordre des choses.
— Mais toi, tu le crois ?