Читаем Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 полностью

— Frère Etienne, fit-elle d'une voix blanche, il n'est pas digne de vous ni de la robe que vous portez de réveiller un rêve impossible au fond d'un cœur qui souhaite seulement oublier. Je suis veuve, mon frère, j'ai perdu mon enfant et, si un jour, je vous ai prié de venir en aide au capitaine de Montsalvy prisonnier, je ne peux plus rien pour lui ! Puisque les prières de sa femme sont impuissantes à veiller sur lui, que pourrait une étrangère ?

— Sa femme ? fit le moine sincèrement surpris. Quelle femme ?

Le moine devenait-il fou ? Catherine le fixa dans les yeux, se demandant si la mémoire lui manquait subitement ou s'il se moquait d'elle.

— La dernière fois que j'ai entendu parler de messire de-Montsalvy, dit-elle lentement, en butant sur les mots qui passaient mal, c'était il y a plusieurs années. Il s'apprêtait à prendre pour épouse damoiselle Isabelle de Séverac, la fille du maréchal, et...

— Isabelle de Séverac est morte, Madame !... deux mois avant son mariage. Et messire Arnaud, qui d'ailleurs, à ce que l'on dit, n'était pas très chaud pour aliéner sa liberté, ne lui a point donné de remplaçante.

— Quoi ?

Les mains de Catherine, crispées sur le bord de son siège, s'étaient mises à trembler. Une brusque envie de pleurer monta de son cœur à ses yeux qui se brouillaient. Elle ne savait plus où elle en était... Pendant si longtemps, elle s'était interdit de songer à cet homme dont le seul nom la faisait défaillir encore de tendresse, chassant l'image trop chère comme un rêve impossible

!... Et voilà qu'elle apprenait, brusquement, de la manière la plus inattendue, qu'il était libre... libre autant qu'elle-même. C'était à en perdre la raison !

— Mon frère, dit-elle douloureusement, que n'êtes-vous venu plus tôt vers moi ? Pourquoi ne m'avez-vous rien dit ? Pourquoi m'avez-vous laissé croire pendant si longtemps qu'il était perdu pour moi ?

— Mais... Madame, fit le frère interloqué, je ne pouvais pas deviner que vous l'ignoriez. Les nouvelles passent, malgré la guerre, de la Cour du roi Charles à celle du duc de Bourgogne... et je vous rappelle que, banni, je ne pouvais venir vers vous. Mon prieur a obtenu que soit rapporté l'arrêt qui me frappait... et j'accours vers vous. Irez-vous prier le duc pour Orléans ?

Les yeux de Catherine, fixés dans le vague, brillaient comme des étoiles.

Frère Étienne sentit qu'elle lui échappait, qu'elle était déjà loin, partie rejoindre le rêve ancien qu'elle retrouvait avec délices.

— Madame... reprocha-t-il doucement, vous ne m'écoutez pas ? Irez-vous vers Monseigneur Philippe ?

Elle revint à lui, l'enveloppa d'un sourire si éblouissant qu'il suffoqua le moine. Devant ses yeux, cette femme morne se transformait à vue d'œil.

C'était comme si elle avait rejeté de ses épaules un manteau lourd et noir qui éteignait sa lumière intérieure. Catherine, en quelques instants, s'était transfigurée. Elle secoua la tête.

— Non, mon frère !... Jamais plus je n'irai vers Philippe de Bourgogne !

Ne me le demandez pas, je n'irai pas ! Sans vous en douter, vous venez de m'apporter le signe du destin que j'attendais. C'est fini...

— Mais Madame... Orléans...

— Orléans ? J'y vais !... Dès demain je partirai d'ici pour rejoindre la ville assiégée. Vous m'avez dit qu'il était toujours possible d'y entrer, j'y entrerai...

et j'y mourrai, s'il le faut !

— Votre mort n'aidera en rien la cité, Madame, fit le moine sévèrement.

Elle n'a aucun besoin d'un cadavre supplémentaire à ensevelir dans les ruines de ses murs. Elle a besoin que les Bourguignons s'en aillent.

J'ai déjà prié le duc de retirer ses troupes, au mois d'octobre. 11 n'en a rien fait. Pourquoi donc pensez-vous qu'il en serait autrement aujourd'hui ? Le duc va se remarier. Mon pouvoir va cesser. Tout ce que je peux faire, pour vous, c'est écrire au duc, lui apprendre que je vais m'enfermer dans la ville assiégée et que, s'il tient à ma vie, il doit retirer ses hommes... Peut-être cela vous sera-t-il utile... peut- être que non ! Mais je ne peux pas faire plus !

Elle s'était levée, frémissante de joie et déjà animée de. la hâte de se mettre en route. À pas rapides, elle se dirigea vers la porte, faisant voler derrière elle sa traîne de drap noir ourlée de renard.

— Poursuivez votre repas, mon frère, dit-elle. J'ai des dispositions à prendre...

Elle s'élança dans l'escalier pour rejoindre Ermengarde qui, justement, remontait. Les deux femmes se rencontrèrent à mi-hauteur. Incapable de se contenir plus longtemps, Catherine saisit son amie aux épaules et lui plaqua deux baisers retentissants sur les joues.

— Ermengarde... embrassez-moi. Je pars !

— Vous partez ? Mais pour où ?

— Pour Orléans... et pour mourir si besoin est ! Jamais je n'ai été plus heureuse !...

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