Читаем Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 полностью

Cette visite, qui rappelait le passé, lui faisait plaisir. Elle n'avait pas revu le moine du mont Beuvray depuis l'arrêt de bannissement qui l'avait frappé en même temps qu'Odette de Champdivers. L'ancienne favorite de Charles VI, Catherine l'avait appris peu après la naissance de son enfant, était morte à peine arrivée en Dauphiné. Les privations et les mauvais traitements endurés dans sa prison avaient eu raison de sa constitution délicate. Sa mère, Marie de Champdivers, l'avait suivie peu après dans la tombe, tuée par le chagrin.

Catherine avait ressenti une peine profonde de ces deux morts successives et, dans son esprit, le frère Étienne ne devait plus, lui non plus, appartenir à ce monde. Mais, quand il franchit le seuil de sa chambre, elle constata qu'il n'avait que très peu changé. Sa couronne de cheveux gris était presque blanche mais son visage était toujours aussi rond, ses yeux toujours aussi vifs.

— Mon frère ! s'écria la jeune femme en s'avançant vers lui les mains tendues, je n'espérais plus vous revoir en ce monde !

— J'ai bien failli le quitter, Madame, ayant été fort malade après mon séjour en prison. Mais les soins de mes frères et le bon air du Morvan m'ont rendu la santé, grâce à Dieu !

Catherine fit asseoir son visiteur auprès d'elle sur le long banc de bois surmonté d'un dais qui tenait tout un coin de la cheminée, ordonna que l'on apporte des rafraîchissements et de quoi nourrir le voyageur et aussi que l'on prépare une chambre.

— Ne vous mettez pas en peine pour moi, Madame, protesta le frère confus de cet accueil. Quand vous saurez pourquoi je viens, vous aurez peut-

être moins envie de me garder. C'est... en suppliant que j'arrive.

— Je ne vois pas bien ce que je peux faire pour vous, mon frère. Mais vous n'en êtes pas moins le très bien venu. Mangez, puis dites-moi ce que vous désirez...

Tout en faisant honneur au sanglier froid et au vin de Beaune qu'un valet lui servait, le frère Étienne s'expliqua. Depuis le 12 octobre de l'année précédente, les Anglais assiégeaient Orléans et c'était de la tragique situation de la grande ville que le moine venait parler. Bien que les effectifs anglais et bourguignons ne permissent pas un blocus total de la ville, qu'il fût encore possible d'y entrer par le nord- est, la situation des Orléanais devenait si critique qu'ils avaient envoyé Xaintrailles au duc de Bourgogne pour lui demander de prendre la ville en dépôt... mais ses troupes n'en continuaient pas moins à bloquer Orléans.

— Le duc oublie par trop qu'il est prince français, Madame, ajouta sévèrement le moine. On dit qu'il songe à fonder un ordre de chevalerie...

pourtant, il sait fort bien que le siège d'Orléans viole l'une des principales lois de chevalerie. On n'assiège pas une ville dont on tient le prince prisonnier sans manquer au droit féodal1 et le duc de Bourgogne le sait d'autant mieux que la ville payait tribut pour n'être point attaquée.

— Je sais tout cela ! fit Catherine qui se souvenait avoir déjà reproché à Philippe son attitude par trop anglaise.

Depuis le début du siège d'Orléans d'ailleurs, Ermengarde ne décolérait plus. Pour la comtesse, Philippe de Bourgogne n'était même plus digne de porter les éperons d'or de chevalier.

— Mais que puis-je faire ? ajouta la jeune femme.

Le visage de frère Etienne se chargea d'une

ardente prière. Il se pencha vers Catherine, saisit ses mains et les serra à les briser.

— Madame... il n'est pas un homme ou une femme en ce pays qui ne sache le grand amour que vous porte Monseigneur Philippe. Il vous faut aller vers lui, le supplier de retirer ses troupes d'Orléans. Vous ne savez pas ce que représente cette ville pour

1. Le duc Charles d'Orléans, le délicat poète, était prisonnier à Londres depuis Azincourt, c'est-à-dire depuis treize ans.

le roi Charles. Si Orléans tombe, c'en est fait de la France, c'en est fait du roi. L'Anglais qui règne à Paris l'emportera à tout jamais. Il ne restera rien de tout ce qui a fait la raison de vivre de ceux qui ont juré fidélité au roi, des efforts de Yolande d'Aragon, du sang versé en si grande abondance...

Le frère prit un temps puis ajouta, très doucement, à voix presque basse :

— Tant de chevaliers se sont dévoués corps et âme à la défense de la noble cité ! Orléans a rasé ses magnifiques faubourgs, Orléans se bat avec une foi désespérée mais admirable, ne songeant plus qu'à mourir si un miracle ne la délivre. Soyez ce miracle, Madame ! Des voix prophétiques disent partout qu'une femme, seule, pourra délivrer Orléans. Songez... que depuis cinq mois, enfermé dans la ville avec une poignée d'autres braves, le capitaine de Montsalvy se bat !

Le nom d'Arnaud, lancé à bout portant et sans que Catherine fût préparée à le recevoir, frappa la jeune femme comme un soufflet. Elle en perdit la respiration, rougit jusqu'à la racine de ses cheveux puis, le sang refluant vers son cœur, la laissa pâle et tremblante.

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