— Vous ne trouvez pas bizarroïde qu'on bute votre masseur, et puis qu'on essaie de vous liquider aussi? Pour des gens sans ennemis, vous vous posez un peu là dans l'équipe du Fafatrin's paper !
— C'est un mystère ! grogne Méhunraillon.
— Vous connaissez La Meringue?
— Le gros guignol des biscuits?
— La police dijonnaise l'a arrêté parce qu'elle a découvert l'arme, ayant servi à tuer Brocation, dans la poche de son imperméable.
— Pas possible ! Ce gros poivrot n'a pas buté Hans ! C'était son meilleur copain !
— Moi je ne vous dis pas qu'il l'a buté, mais seulement qu'on l'a arrêté. Et je vais vous apprendre deux choses encore…
— Lesquelles? demande Jeannot en regardant sa montre en nickel jauni.
Vlà que ça le rechope la tourdefrançomanie. Je viens de lui révéler qu'on a voulu l'assassiner, mais déjà il s'inquiète de ses coursiers sur pneumatiques. Le jour où il canera, on mettra un guidon de vélo sur sa tombe en guise de croix.
— On a également essayé de buter La Meringue cette nuit !
— Et la deuxième nouvelle?
— La Meringue a essayé de se suicider dans sa cellule ce matin !
— Il est mort?
— Non.
— Alors c'est qu'il a la vie dure, conclut Jean Méhunraillon. Excusez-moi, faut que j'aille voir mon cheptel.
— Je vous accompagne.
L'équipe du papier hygiénique Fafatrin loge à l'
Les Fafatrin's ont droit à un étage. Lorsque nous débarquons, des cris terribles s'échappent d'une chambre. Jeannot et moi nous nous précipitons. Et nous découvrons Bicco Aisuzi, le champion d'Italie, (autre fleuron de l'équipe Fafatrin) entre les musculeuses pognes du Gros. Le coureur transalpin (de seigle) appelle sa
— Au plus tu gigoteras, mon Vieux Ravioli, au plus que tu sentiras ta douleur ! sermonne le Terrifie.
— Que se passe-t-il? demande Jeannot.
— C'est vot' rival qui veut pas se laisser soigner le furoncle ! dit cette rapporteuse de Béruchette. Monsieur préfère se cloquer un bifteck dans le kangourou plutôt que j'y cotérisasse les bubons ! Causez-y, boss !
Jeannot, il est intraitable, question turbin.
— Arrête de faire ton circus, Bicco ! ordonne-t-il.
Dompté par la voix de son maître, le Rital s'abandonne.
— Montre un peu ! fait Jeannot en écartant le masseur Mastar.
Docile, Aisuzi ouvre ses jambes musclées, nous démasquant une entrecôte d'une livre bloquée dans la raie de son fessier.
— Si c'est pas malheureux ! fulmine Béru, de la bidoche de premier choix ! Il a couru toute la journée avec ça dans le valseur et ça l'a tellement surmenée, c'te pauvre entrecôte qu'elle est quasiment cuite à point !
Il saisit la tranche de viande et y mord à belles dents !
— Au poil ! fait-il. Juste comme j'aime !
Méhunraillon regarde le furoncle de son équipier.
— Pas beau, dit-il. Tu vas te laisser soigner par Alexandre-Benoît comme il l'entend. C'est un crack cet homme-là. N'oublie pas que c'est à lui que Giro doit de porter le maillot jaune ce soir ! Vu?
En pleurant, Bicco Aisuzi promet d'être sage. Jeannot l'abandonne donc à la sagacité de mon honorable subordonné et continue la revue de ses troupes, tel un médecin-chef procédant à la visite du matin.
Bérurier achève d'engloutir l'entrecôte. Le rôle thérapeutique de celle-ci étant, selon lui, terminé, il est temps qu'elle retrouve son destin initialement prévu.
— J'avais l'estom' en portefeuille, s'excuse-t-il, un petit amuse-gueule avant la briffe, c'est réconfortant.
— Qu'est-ce que vous allez mé faire? s'inquiète Bicco.
— Te guérir sans que t'aies besoin de courir le Tour de France à cheval sur un bœuf, hé brise-miches !
Il expédie l'ultime bouchée et allume un cigare.
— Fous-toi à plat ventre, bébi, et tourne ton prose du côté de la Suisse !
Tandis que le geignard se place dans la position demandée, Béru tire quelques odorantes bouffées de son Henri Clay.
— Quand je te ferai signe, me dit-il, tu lui tiendras les cannes écartées. Faut me le déguiser en brouette pour que je pusse opérer.
Ayant dit, il s'assied à califourchon sur le coureur, face au pauvre derrière surmené de cet enrouleur de pédalier.
— Si t'as mal, crie un bon coup, mais surtout laisse-moi manœuvrer ! lui recommande-t-il. Quand j'aurai fini, t'auras un beau dargif tout neuf, c'est juré !