Au lit, nous combinâmes un plan pour le lendemain, mais à ma surprise et pour ma plus grande inquiétude, Queequeg me donna alors à entendre qu’il avait sérieusement consulté Yoyo – ainsi s’appelait son petit dieu noir – que Yoyo lui avait répondu par deux ou trois fois, et fortement insisté de toutes les manières possibles, pour qu’au lieu d’aller ensemble au port et choisir d’un commun accord parmi la flottille des baleiniers le navire sur lequel nous embarquerions, au lieu de cela, dis-je, Yoyo ordonnait instamment que j’assumasse l’entière responsabilité de ce choix, attendu que Yoyo se proposait de nous protéger et qu’à cette fin il avait d’ores et déjà choisi lui-même ce navire que, livré à moi-même, moi Ismaël, je trouverai comme par hasard mais infailliblement, comme si la chance l’avait amené là exprès; je devais m’engager aussitôt sur ce navire, indépendamment de Queequeg pour le moment.
J’ai oublié de dire que, en bien des cas, Queequeg accordait une grande confiance à la valeur des jugements de Yoyo et à l’étonnante sûreté de ses prédictions. Il tenait Yoyo en considérable estime, comme un dieu plutôt bon de nature aux intentions généralement amicales, mais dont les bienveillants desseins ne réussissaient pas toujours.
Cette décision de Queequeg, ou plutôt de Yoyo, je ne l’appréciai à aucun degré. Je m’en étais presque absolument remis à la perspicacité de Queequeg pour élire le mieux qualifié pour nous transporter sûrement, nous et notre sort. Mais toutes mes protestations restant sans effet, je fus contraint de céder et, en conséquence, je me préparai à prendre l’affaire en main avec une hâte décidée, une énergie vigoureuse, propre à bâcler promptement cette question futile. Le lendemain matin de bonne heure, je quittai Queequeg enfermé avec Yoyo dans notre petite chambre, car il semblait que ce fût le jour d’une espèce de carême ou de ramadan, ou un jour de jeûne, de mortification et de prières entre Queequeg et Yoyo. Ce qu’il en était précisément, je ne pus jamais le découvrir car bien que je me sois appliqué maintes fois à méditer sa liturgie et ses XXXIX Articles, je ne pus jamais en venir à bout; dès lors, abandonnant Queequeg jeûnant avec son tomahawk, et Yoyo se chauffant au feu sacrificatoire des copeaux, je me mis en route parmi les bateaux. Après des déambulations interminables, des renseignements demandés à tort et à travers, j’appris que trois navires étaient en partance pour des voyages de trois ans: le