Читаем Les pistolets de Sans Atout полностью

Un coup d'œil au hublot. La Manche. Déjà! La côte française se dessinait, toute bleue, le long de la mer grise, et François admirait que les atlas fussent aussi exacts. Il aurait pu nommer le port qui brillait, là-bas, avec les verrières de ses usines, les dômes de ses réservoirs de pétrole, les rails de ses gares de triage. Mais une couche de nuages s'interposa bientôt entre l'avion et la terre. Le spectacle était fascinant. A perte de vue s'étendait la plaine de vapeurs; c'était une sorte de Beauce molle, à la surface irrégulière comme un labour, et d'une blancheur éclatante. Ça et là s'ouvraient des crevasses; d'autres nuages apparaissaient plus bas, reliés entre eux par des effilochements de fumée. Puis ce fut le brouillard. La Caravelle amorçait de loin sa descente et François fut repris par ses pensées.

Certes, il était content d'aller à Londres, mais, passées les premières surprises et les premières joies, est-ce qu'il n'allait pas s'ennuyer? M. Skinner était veuf et il travaillait toute la journée dans son atelier. Un mois en compagnie de Bob et de la gouvernante, la vieille Mrs. Humphrey, ce serait long! Les monuments, bien sûr…, les musées…, mais il avait déjà étudié les guides et il estimait en savoir assez. Si seulement les Skinner avaient habité en Ecosse! Il aurait tellement préféré courir les landes et traquer la truite! Et puis, à la campagne, il arrive toujours quelque chose d'imprévu, et François, depuis ses aventures précédentes*, souhaitait d'avoir quelque redoutable mystère à résoudre. Mais le mystère, le vrai, n'existe que dans les livres, hélas! Resteraient, heureusement, les automates de M. Skinner!

* Voir Sans-Atout et le cheval fantôme et Sans-Atout contre l'homme à la dague.

François avait appris de son père que l'ingénieur avait découvert un procédé permettant à des machines d'obéir à la voix. Plus exactement, il avait perfectionné à l'extrême un procédé déjà connu, et avait construit des modèles miniaturisés à partir desquels il avait l'intention de créer des jouets «intelligents» promis à un immense succès. Mais M. Robion n'en savait pas plus. Il pensait que M. Skinner aurait du mal à commercialiser son invention qui nécessiterait de gros investissements. François essaierait de se faire expliquer le mécanisme de ces jouets. Il était extrêmement adroit et avait déjà construit des modèles réduits qui avaient été remarqués. Avec un peu de chance, il pourrait peut-être apporter à l'ingénieur une aide non négligeable.

Doucement! Ce n'était pas le moment de laisser courir son imagination, mais de reboucler sa ceinture, car une voix de femme annonçait l'arrivée à Heathrow, tandis que s'allumait une inscription invitant les voyageurs à cesser de fumer. La Caravelle sortit des nuages et la pluie ruissela sur le hublot. François devina, tout près, et défilant à toute vitesse, des champs, des villages, une campagne identique à la Normandie. L'Angleterre!

«Eh bien, oui, quoi, pensa François. C'est l'Angleterre! Qu'est-ce que j'attendais?» L'avion rasait la piste. Il y eut une légère secousse quand il toucha terre. Voilà! C'était déjà fini. Ce voyage dont François s'était fait une telle joie s'achevait dans la banalité.

L'appareil roulait lourdement comme un vulgaire autobus sur un ciment inégal, et venait se ranger au bout d'une sorte de passerelle couverte. On avait l'impression, quand on sortait de l'avion, de pénétrer dans un couloir du métro. En somme, c'était Paris qui continuait, avec une différence, cependant. La foule qui encombrait l'aérogare était plus silencieuse, plus disciplinée qu'à Orly. Elle paraissait moins pressée. Elle était peut-être encore plus bigarrée, car il y avait ici des gens de toutes races; mais elle s'écoulait paisiblement par les escalators, sous la surveillance nonchalante d'employés dont les uniformes portaient des galons d'officiers de marine.

François, muni de son passeport, accomplit les formalités d'usage. Il tendait l'oreille, essayant de surprendre des conversations pour vérifier son anglais. Il avait beaucoup pratiqué la méthode «Assimil» et possédait assez bien la langue, mais pas au point de comprendre au vol les phrases qu'il entendait autour de lui, et cela l'inquiétait un peu. Il redoutait le jugement de M. Skinner. Mais il oublia ses craintes, quand il aperçut la silhouette dodue de Bob. Pendant un instant, ce fut une complète confusion, les Skinner parlant en français et François en anglais, dans le brouhaha de la sortie des voyageurs. Enfin, ils prirent le temps de se regarder et ils éclatèrent de rire tous les trois.

– Puisque vous êtes venu pour vous perfectionner en anglais, dit M. Skinner, convenons de n'utiliser le français que dans les grandes occasions. Soyez donc le bienvenu à Londres.

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