Читаем Le Serment des limbes полностью

Je traversai la rue et frappai à la fenêtre des gars en planque devant chez moi. Depuis notre arrivée à Paris, j’avais réquisitionné une équipe pour surveiller mon immeuble et les déplacements de Manon. La vitre s’abaissa. Odeurs de MacDo et de café froid.

— Je suis de retour dans une heure ou deux. Ouvrez l’œil.

Un flic au teint de papier mâché acquiesça, sans même user sa salive.

Je filai vers ma voiture. Machinalement, je levai les yeux vers mes fenêtres. Soudain, il me parut distinguer une forme, agile, rapide, qui bondissait derrière les rideaux de la chambre. J’observai les plis de toile en fronçant les sourcils. Manon s’était-elle réveillée ou était-ce un reflet ? Le passage de phares ?

J’attendis une bonne minute. Rien ne se passa. Je me remis en route, n’étant même plus sûr de ce que j’avais aperçu.

22 heures.

Circulation fluide, chaussée brillante. J’allumai une cigarette. Le goût de vodka s’évaporait, ma lucidité revenait. Cette sortie imprévue avait des airs de fête.

Pourtant, quand je pénétrai dans la morgue, le malaise me tomba dessus aussi sec. Svendsen m’attendait avec deux machettes posées devant lui, sur une table d’autopsie. Le Rwanda me remonta dans la gorge. Une brûlure acide, chargée de vodka et de terreur. Je m’appuyai contre une table roulante.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

Ma voix était altérée. Le Suédois sourit :

— Ta solution. Démonstration.

Il attrapa un pot de glu industrielle puis en badigeonna une des lames. Ensuite, il attrapa une poignée de morceaux de verre qu’il répandit sur la colle. Enfin, il écrasa la deuxième machette sur l’ensemble, comme une tranche de pain sur le jambon d’un sandwich.

— Et voilà.

— Voilà quoi ?

Il entoura les deux manches de ruban adhésif jusqu’à les souder en une seule garde. Puis il se tourna vers une forme sous un drap. Sans hésiter, il dénuda le buste d’un vieil homme aux traits bouffis. Il leva son arme et l’abattit violemment sur le torse. J’étais sidéré. Svendsen était parfois incontrôlable.

Avec effort, il extirpa les crocs de verre de la chair puis ordonna :

— Approche.

Je ne bougeai pas.

— Approche, je te dis. T’en fais pas. Ce corps est ici depuis une semaine. Un SDF. Personne ne viendra se plaindre du préjudice.

À contrecœur, je fis un pas et observai la blessure. Elle simulait parfaitement des traces de morsures. Du moins : de « mes » morsures. Hyène ou fauve, déchaîné contre le cadavre de Sylvie Simonis.

— Tu as compris ?

Il brandissait avec fierté son double râtelier. Autour de nous, les murs d’acier brillaient faiblement sous les rampes d’éclairage.

— Et encore, reprit-il, si j’avais eu le temps de trouver de vraies dents de fauve, l’illusion aurait été parfaite.

La crête d’éclats de verre étincelait dans la lumière argentée. Le Rwanda s’effaça au profit d’autres horreurs. La double lame qui s’abat sur Sylvie Simonis. Les bruits mats des coups. Le ahan ! du tueur, à court de souffle. Les chairs de Sylvie meurtries, déchiquetées.

— D’où t’est venue cette idée ?

— Un règlement de comptes entre Blacks, à République. La forme des mutilations m’a incité à passer quelques coups de fil. Des toubibs, qui s’étaient farci les conflits récents. Rwanda, Sierra Leone, Soudan…

— Personne n’utilisait cette technique au Rwanda.

Il releva la tête :

— C’est vrai : tu connais. En fait, je te parle de la Sierra Leone. Je me suis renseigné. Les années quatre-vingt-dix. Les milices de Foday Sankoh. Certains groupes usaient de cette méthode pour faire croire aux populations qu’ils s’étaient adjoint l’aide des animaux de la forêt. T’es allé dans ces coins-là, je te fais pas un dessin.

J’ignorais tout de la Sierra Leone mais je me souvenais que les hommes de ces milices s’affublaient de masques effrayants. Images célèbres : des soldats bardés de cartouchières, brandissant des fusils automatiques, arborant des faciès et des postiches abominables.

J’observai encore la double machette de Svendsen. Cette arme abjecte me réconfortait. Elle donnait corps à mes hypothèses pragmatiques.

Un seul et même tueur.

En Estonie, en Italie, en France, utilisant chaque fois ce « machin » bricolé.

C’était aussi un nouveau signe en direction de l’Afrique. Mon visiteur avait vécu là-bas. Il avait fait ses armes sur le continent noir. Il avait traversé des conflits, étudié les insectes, la botanique de ces pays.

Un homme bien réel se rapprochait.

Et Pazuzu sortait du cadre.

Je félicitai Svendsen et partis au pas de course. Plus que jamais, je devais reprendre l’enquête sur des bases concrètes. Le Visiteur s’était donné beaucoup de mal pour ressembler au diable et faire croire à une existence supraréelle. Mais chaque détail de sa technique se dévoilait et j’allais remonter le cauchemar jusqu’à sa source.

<p>102</p>

Je consultai ma messagerie. Corine Magnan m’avait appelé. Enfin. Je composai son numéro dans la cour de la morgue, sous une fine bruine.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Утес чайки
Утес чайки

В МИРЕ ПРОДАНО БОЛЕЕ 30 МИЛЛИОНОВ ЭКЗЕМПЛЯРОВ КНИГ ШАРЛОТТЫ ЛИНК.НАЦИОНАЛЬНЫЙ БЕСТСЕЛЛЕР ГЕРМАНИИ № 1.Шарлотта Линк – самый успешный современный автор Германии. Все ее книги, переведенные почти на 30 языков, стали национальными и международными бестселлерами. В 1999–2023 гг. снято более двух десятков фильмов и сериалов по мотивам ее романов.Несколько пропавших девушек, мертвое тело у горных болот – и ни единого следа… Этот роман – беспощадный, коварный, загадочный – продолжение мирового бестселлера Шарлотты Линк «Обманутая».Тело 14-летней Саскии Моррис, бесследно исчезнувшей год назад на севере Англии, обнаружено на пустоши у горных болот. Вскоре после этого пропадает еще одна девушка, по имени Амели. Полиция Скарборо поднята по тревоге. Что это – дело рук одного и того же серийного преступника? Становится известно еще об одном исчезновении девушки, еще раньше, – ее так и не нашли. СМИ тут же заговорили об Убийце с пустошей, что усилило давление на полицейских.Сержант Кейт Линвилл из Скотланд-Ярда также находится в этом районе, но не по службе – пытается продать дом своих родителей. Случайно она знакомится с отчаявшейся семьей Амели – и, не в силах остаться в стороне, начинает независимое расследование. Но Кейт еще не представляет, с какой жутью ей предстоит столкнуться. Под угрозой ее рассудок – и сама жизнь…«Линк вновь позволяет нам заглянуть глубоко в человеческие бездны». – Kronen Zeitung«И снова настоящий восторг из-под пера королевы криминального жанра Шарлотты Линк». – Hannoversche Allgemeine Zeitung«Шарлотта Линк – одна из немногих мировых литературных звезд из Германии». – Berliner Zeitung«Отличный, коварный, глубокий, сложный роман». – Brigitte«Шарлотте Линк снова удалось выстроить очень сложную, но связную историю, которая едва ли может быть превзойдена по уровню напряжения». – Hamburger Morgenpost«Королева саспенса». – BUNTE«Потрясающий тембр авторского голоса Линк одновременно чарует и заставляет стыть кровь». – The New York Times«Пробирает до дрожи». – People«Одна из лучших писательниц нашего времени». – Journal für die Frau«Мощные психологические хитросплетения». – Focus

Шарлотта Линк

Детективы / Триллер
Агент на месте
Агент на месте

Вернувшись на свою первую миссию в ЦРУ, придворный Джентри получает то, что кажется простым контрактом: группа эмигрантов в Париже нанимает его похитить любовницу сирийского диктатора Ахмеда Аззама, чтобы получить информацию, которая могла бы дестабилизировать режим Аззама. Суд передает Бьянку Медину повстанцам, но на этом его работа не заканчивается. Вскоре она обнаруживает, что родила сына, единственного наследника правления Аззама — и серьезную угрозу для могущественной жены сирийского президента. Теперь, чтобы заручиться сотрудничеством Бьянки, Суд должен вывезти ее сына из Сирии живым. Пока часы в жизни Бьянки тикают, он скрывается в зоне свободной торговли на Ближнем Востоке — и оказывается в нужном месте в нужное время, чтобы сделать попытку положить конец одной из самых жестоких диктатур на земле…

Марк Грени

Триллер