Читаем Le Serment des limbes полностью

— Je croyais que tu étais plutôt de l’école orientale, persiflai-je. Ou New Age, je ne sais plus.

Elle hocha lentement la tête, me regardant en coin. Ses yeux clairs, dans son visage mat, étaient encore d’une séduction impressionnante.

— Ça te fait rire, hein ?

— Non.

— Ta voix est sarcastique. Tout ton être est sarcastique.

— Pas du tout.

— Tu ne t’en rends même pas compte. Toujours cette distance, cette hauteur…

— Pourquoi une confession ? Tu veux m’en parler ?

— Surtout pas à toi. Tu as un nom à me conseiller ? Quelqu’un à qui je pourrais me confier. Quelqu’un qui aurait aussi des réponses…

Ma mère, en pleine crise mystique. Ce n’était décidément pas une journée comme les autres. Elle murmura, alors que la pluie reprenait :

— Ça doit être l’âge. Je ne sais pas. Mais je veux trouver une… conscience supérieure.

J’attrapai un stylo et déchirai une feuille de mon agenda. Sans réfléchir, j’inscrivis le nom et l’adresse d’un père que je voyais souvent. Les prêtres ne sont pas comme les psys : on peut les partager en famille. Je lui tendis les coordonnées.

— Merci.

Elle se leva dans un sillage de parfum. Je l’imitai.

— Tu veux entrer ?

— Je suis déjà en retard. Je t’appelle.

Elle disparut dans l’escalier. Sa silhouette de daim et d’étoffe collait parfaitement à la brillance des feuilles, à la blancheur de la peinture. C’était la même fraîcheur, la même netteté. D’un coup, ce fut moi qui me sentis vieux. Je fis volte-face vers le couloir où luisait ma porte vert émeraude.

<p>5</p>

En quatre ans, je n’avais toujours pas fini d’emménager. Les cartons de livres et de CD encombraient encore le vestibule et faisaient maintenant partie du décor. Je posai dessus mon arme, laissai tomber mon imperméable et ôtai mes chaussures — mes éternels mocassins Sebago, le même modèle depuis l’adolescence.

J’allumai la salle de bains, croisant mon reflet dans le miroir. Silhouette familière : costume sombre, de marque, usé jusqu’à la trame ; chemise claire et cravate gris foncé, élimées aussi. J’avais plutôt l’air d’un avocat que d’un flic de terrain. Un avocat à la dérive, qui aurait trop longtemps frayé avec des voyous.

Je m’approchai de la glace. Mon visage évoquait une lande tourmentée, une forêt secouée de vent — un paysage à la Turner. Une tête de fanatique, avec des yeux clairs enfoncés et des boucles brunes fissurant le front. Je passai ma figure sous l’eau, méditant encore l’étrange coïncidence de la soirée. Le coma de Luc et la visite de ma mère.

Dans la cuisine, je me servis une tasse de thé vert — le Thermos était prêt depuis le matin. Puis je plaçai au micro-ondes un bol du riz que je cuisinais le week-end pour toute la semaine. En matière d’ascétisme, j’avais opté pour la tendance zen. Je détestais les odeurs organiques — ni viandes, ni fruits, ni cuisson. Tout mon appartement baignait dans les fumées d’encens que je brûlais en permanence. Mais surtout, le riz me permettait de manger avec des baguettes de bois. Je ne supportais ni le bruit ni le contact des couverts en métal. Pour cette raison, je n’étais pas vraiment client des restaurants ni des dîners en ville.

Ce soir, impossible de manger. Au bout de deux bouchées, je balançai le contenu du bol à la poubelle et me servis un café, provenant d’un deuxième Thermos.

Mon appartement se distribuait en un salon, une chambre, un bureau. Le triptyque classique du célibataire parisien. Tout était blanc, sauf les sols, en parquet noir, et le plafond du salon aux poutres apparentes. Sans allumer, je passai directement dans ma chambre et m’allongeai, laissant libre cours à mes pensées.

Luc, bien sûr.

Mais plutôt que de réfléchir à son état — une impasse — ou à la raison de son acte — une autre impasse —, je choisis un souvenir. Un de ceux qui reflétaient l’un des traits les plus étranges de mon ami.

Sa passion pour le diable.

Octobre 1989.

Vingt-deux ans, Institut Catholique de Paris.

Après quatre années à la Sorbonne, je venais d’achever une maîtrise — « Le dépassement du manichéisme chez Saint-Augustin » — et continuais sur ma lancée. J’étais en route pour m’inscrire à l’Institut. Je visais un doctorat canonique en théologie. Le sujet de ma thèse, « La formation du christianisme à travers les premiers auteurs chrétiens latins », allait me permettre de vivre plusieurs années auprès de mes auteurs préférés : Tertullien, Minucius Felix, Cyprien…

À cette époque, j’observais déjà les trois vœux monastiques : obéissance, pauvreté, chasteté. Autant dire que je ne coûtais pas grand-chose à mes parents. Mon père désapprouvait mon attitude. « La consommation, c’est la religion de l’homme moderne ! » clamait-il, citant sans doute Jacques Séguéla. Mais ma rigueur forçait son respect. Quant à ma mère, elle faisait mine de comprendre ma vocation qui flattait, en définitive, son snobisme. Dans les années quatre-vingt, il était plus original d’annoncer que son fils préparait le séminaire plutôt qu’il partageait son temps entre les Bains-Douches et la cocaïne.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Утес чайки
Утес чайки

В МИРЕ ПРОДАНО БОЛЕЕ 30 МИЛЛИОНОВ ЭКЗЕМПЛЯРОВ КНИГ ШАРЛОТТЫ ЛИНК.НАЦИОНАЛЬНЫЙ БЕСТСЕЛЛЕР ГЕРМАНИИ № 1.Шарлотта Линк – самый успешный современный автор Германии. Все ее книги, переведенные почти на 30 языков, стали национальными и международными бестселлерами. В 1999–2023 гг. снято более двух десятков фильмов и сериалов по мотивам ее романов.Несколько пропавших девушек, мертвое тело у горных болот – и ни единого следа… Этот роман – беспощадный, коварный, загадочный – продолжение мирового бестселлера Шарлотты Линк «Обманутая».Тело 14-летней Саскии Моррис, бесследно исчезнувшей год назад на севере Англии, обнаружено на пустоши у горных болот. Вскоре после этого пропадает еще одна девушка, по имени Амели. Полиция Скарборо поднята по тревоге. Что это – дело рук одного и того же серийного преступника? Становится известно еще об одном исчезновении девушки, еще раньше, – ее так и не нашли. СМИ тут же заговорили об Убийце с пустошей, что усилило давление на полицейских.Сержант Кейт Линвилл из Скотланд-Ярда также находится в этом районе, но не по службе – пытается продать дом своих родителей. Случайно она знакомится с отчаявшейся семьей Амели – и, не в силах остаться в стороне, начинает независимое расследование. Но Кейт еще не представляет, с какой жутью ей предстоит столкнуться. Под угрозой ее рассудок – и сама жизнь…«Линк вновь позволяет нам заглянуть глубоко в человеческие бездны». – Kronen Zeitung«И снова настоящий восторг из-под пера королевы криминального жанра Шарлотты Линк». – Hannoversche Allgemeine Zeitung«Шарлотта Линк – одна из немногих мировых литературных звезд из Германии». – Berliner Zeitung«Отличный, коварный, глубокий, сложный роман». – Brigitte«Шарлотте Линк снова удалось выстроить очень сложную, но связную историю, которая едва ли может быть превзойдена по уровню напряжения». – Hamburger Morgenpost«Королева саспенса». – BUNTE«Потрясающий тембр авторского голоса Линк одновременно чарует и заставляет стыть кровь». – The New York Times«Пробирает до дрожи». – People«Одна из лучших писательниц нашего времени». – Journal für die Frau«Мощные психологические хитросплетения». – Focus

Шарлотта Линк

Детективы / Триллер
Агент на месте
Агент на месте

Вернувшись на свою первую миссию в ЦРУ, придворный Джентри получает то, что кажется простым контрактом: группа эмигрантов в Париже нанимает его похитить любовницу сирийского диктатора Ахмеда Аззама, чтобы получить информацию, которая могла бы дестабилизировать режим Аззама. Суд передает Бьянку Медину повстанцам, но на этом его работа не заканчивается. Вскоре она обнаруживает, что родила сына, единственного наследника правления Аззама — и серьезную угрозу для могущественной жены сирийского президента. Теперь, чтобы заручиться сотрудничеством Бьянки, Суд должен вывезти ее сына из Сирии живым. Пока часы в жизни Бьянки тикают, он скрывается в зоне свободной торговли на Ближнем Востоке — и оказывается в нужном месте в нужное время, чтобы сделать попытку положить конец одной из самых жестоких диктатур на земле…

Марк Грени

Триллер