Читаем Le Comte de Monte-Cristo. Tome IV полностью

«Vous avez raison de me rappeler à moi-même, Maximilien, dit-il, vous revoir était un bonheur pour moi, et j’oubliais que tout bonheur est passager.

– Oh! non, non, comte! s’écria Morrel en saisissant de nouveau les deux mains de son ami; riez au contraire, soyez heureux, vous, et prouvez-moi par votre indifférence que la vie n’est mauvaise qu’à ceux qui souffrent. Oh! vous êtes charitable; vous êtes bon, vous êtes grand, mon ami, et c’est pour me donner du courage que vous affectez cette gaieté.

– Vous vous trompez, Morrel, dit Monte-Cristo, c’est qu’en effet j’étais heureux.

– Alors vous m’oubliez moi-même; tant mieux!

– Comment cela?

– Oui, car vous le savez, ami, comme disait le gladiateur entrant dans le cirque au sublime empereur, je vous dis à vous: «Celui qui va mourir te salue.»

– Vous n’êtes pas consolé? demanda Monte-Cristo avec un regard étrange.

– Oh! fit Morrel avec un regard plein d’amertume, avez-vous cru réellement que je pouvais l’être?

– Écoutez, dit le comte, vous entendez bien mes paroles, n’est-ce pas, Maximilien? Vous ne me prenez pas pour un homme vulgaire, pour une crécelle qui émet des sons vagues et vides de sens. Quand je vous demande si vous êtes consolé, je vous parle en homme pour qui le cœur humain n’a plus de secret. Eh bien, Morrel, descendons ensemble au fond de votre cœur et sondons-le. Est-ce encore cette impatience fougueuse de douleur qui fait bondir le corps comme bondit le lion piqué par le moustique? Est-ce toujours cette soif dévorante qui ne s’éteint que dans la tombe? Est-ce cette idéalité du regret qui lance le vivant hors de la vie à la poursuite du mort? ou bien est-ce seulement la prostration du courage épuisé, l’ennui qui étouffe le rayon d’espoir qui voudrait luire? est-ce la perte de la mémoire, amenant l’impuissance des larmes? Oh! mon cher ami, si c’est cela, si vous ne pouvez plus pleurer, si vous croyez mort votre cœur engourdi, si vous n’avez plus de force qu’en Dieu, de regards que pour le ciel, ami, laissons de côté les mots trop étroits pour le sens que leur donne notre âme. Maximilien, vous êtes consolé, ne vous plaignez plus.

– Comte, dit Morrel de sa voix douce et ferme en même temps; comte, écoutez-moi, comme on écoute un homme qui parle le doigt étendu vers la terre, les yeux levés au ciel: je suis venu près de vous pour mourir dans les bras d’un ami. Certes, il est des gens que j’aime: j’aime ma sœur Julie, j’aime son mari Emmanuel; mais j’ai besoin qu’on m’ouvre des bras forts et qu’on me sourie à mes derniers instants; ma sœur fondrait en larmes et s’évanouirait; je la verrais souffrir, et j’ai assez souffert; Emmanuel m’arracherait l’arme des mains et remplirait la maison de ses cris. Vous, comte, dont j’ai la parole, vous qui êtes plus qu’un homme, vous que j’appellerais un dieu si vous n’étiez mortel, vous, vous me conduirez doucement et avec tendresse, n’est-ce pas, jusqu’aux portes de la mort?

– Ami, dit le comte, il me reste encore un doute: auriez-vous si peu de force, que vous mettiez de l’orgueil à étaler votre douleur?

– Non, voyez, je suis simple, dit Morrel en tendant la main au comte, et mon pouls ne bat ni plus fort ni plus lentement que d’habitude. Non, je me sens au bout de la route; non, je n’irai pas plus loin. Vous m’avez parlé d’attendre et d’espérer; savez-vous ce que vous avez fait, malheureux sage que vous êtes? J’ai attendu un mois, c’est-à-dire que j’ai souffert un mois! J’ai espéré (l’homme est une pauvre et misérable créature), j’ai espéré, quoi? je n’en sais rien, quelque chose d’inconnu, d’absurde, d’insensé! un miracle… lequel? Dieu seul peut le dire, lui qui a mêlé à notre raison cette folie que l’on nomme espérance. Oui, j’ai attendu; oui, j’ai espéré, comte, et depuis un quart d’heure que nous parlons vous m’avez cent fois, sans le savoir, brisé, torturé le cœur, car chacune de vos paroles m’a prouvé qu’il n’y a plus d’espoir pour moi. Ô comte! que je reposerai doucement et voluptueusement dans la mort!»

Morrel prononça ces derniers mots avec une explosion d’énergie qui fit tressaillir le comte.

«Mon ami, continua Morrel, voyant que le comte se taisait, vous m’avez désigné le 5 octobre comme le terme du sursis que vous me demandiez… mon ami, c’est aujourd’hui le 5 octobre…»

Morrel tira sa montre.

«Il est neuf heures, j’ai encore trois heures à vivre.

– Soit, répondit Monte-Cristo, venez.»

Morrel suivit machinalement le comte, et ils étaient déjà dans la grotte que Maximilien ne s’en était pas encore aperçu.

Il trouva des tapis sous ses pieds, une porte s’ouvrit, des parfums l’enveloppèrent, une vive lumière frappa ses yeux.

Morrel s’arrêta, hésitant à avancer; il se défiait des énervantes délices qui l’entouraient.

Monte-Cristo l’attira doucement.

«Ne convient-il pas, dit-il, que nous employions les trois heures qui nous restent comme ces anciens Romains qui, condamnés par Néron, leur empereur et leur héritier, se mettaient à table couronnés de fleurs, et aspiraient la mort avec le parfum des héliotropes et des roses?»

Перейти на страницу:

Похожие книги

Отверженные
Отверженные

Великий французский писатель Виктор Гюго — один из самых ярких представителей прогрессивно-романтической литературы XIX века. Вот уже более ста лет во всем мире зачитываются его блестящими романами, со сцен театров не сходят его драмы. В данном томе представлен один из лучших романов Гюго — «Отверженные». Это громадная эпопея, представляющая целую энциклопедию французской жизни начала XIX века. Сюжет романа чрезвычайно увлекателен, судьбы его героев удивительно связаны между собой неожиданными и таинственными узами. Его основная идея — это путь от зла к добру, моральное совершенствование как средство преобразования жизни.Перевод под редакцией Анатолия Корнелиевича Виноградова (1931).

Виктор Гюго , Вячеслав Александрович Егоров , Джордж Оливер Смит , Лаванда Риз , Марина Колесова , Оксана Сергеевна Головина

Проза / Классическая проза / Классическая проза ХIX века / Историческая литература / Образование и наука
1984. Скотный двор
1984. Скотный двор

Роман «1984» об опасности тоталитаризма стал одной из самых известных антиутопий XX века, которая стоит в одном ряду с «Мы» Замятина, «О дивный новый мир» Хаксли и «451° по Фаренгейту» Брэдбери.Что будет, если в правящих кругах распространятся идеи фашизма и диктатуры? Каким станет общественный уклад, если власть потребует неуклонного подчинения? К какой катастрофе приведет подобный режим?Повесть-притча «Скотный двор» полна острого сарказма и политической сатиры. Обитатели фермы олицетворяют самые ужасные людские пороки, а сама ферма становится символом тоталитарного общества. Как будут существовать в таком обществе его обитатели – животные, которых поведут на бойню?

Джордж Оруэлл

Классический детектив / Классическая проза / Прочее / Социально-психологическая фантастика / Классическая литература