Читаем Le Comte de Monte-Cristo. Tome IV полностью

– Oui, si je suis tué, dit en riant Morcerf, mais je t’assure, bonne mère, que je suis au contraire dans l’intention de défendre cruellement ma peau; je ne me suis jamais senti si bonne envie de vivre que maintenant.

– Mon Dieu! mon Dieu! fit Mercédès.

– D’ailleurs, pourquoi donc voulez-vous que je sois tué, ma mère?

«Est-ce que Lamoricière, cet autre Ney du Midi, a été tué?

«Est-ce que Changarnier a été tué?

«Est-ce que Bedeau a été tué?

«Est-ce que Morrel, que nous connaissons, a été tué?

«Songez donc à votre joie, ma mère, lorsque vous me verrez revenir avec mon uniforme brodé!

«Je vous déclare que je compte être superbe là-dessous, et que j’ai choisi ce régiment-là par coquetterie.»

Mercédès soupira, tout en essayant de sourire; elle comprenait, cette sainte mère, qu’il était mal à elle de laisser porter à son enfant tout le poids du sacrifice.

«Eh bien, donc! reprit Albert, vous comprenez, ma mère, voilà déjà plus de quatre mille francs assurés pour vous: avec ces quatre mille francs vous vivrez deux bonnes années.

– Crois-tu?» dit Mercédès.

Ces mots étaient échappés à la comtesse, et avec une douleur si vraie que leur véritable sens n’échappa point à Albert; il sentit son cœur se serrer, et, prenant la main de sa mère, qu’il pressa tendrement dans les siennes:

«Oui, vous vivrez! dit-il.

– Je vivrai! s’écria Mercédès, mais tu ne partiras point, n’est-ce pas, mon fils?

– Ma mère, je partirai, dit Albert d’une voix calme et ferme, vous m’aimez trop pour me laisser près de vous oisif et inutile; d’ailleurs j’ai signé.

– Tu feras selon ta volonté, mon fils; moi, je ferai selon celle de Dieu.

– Non pas selon ma volonté, ma mère, mais selon la raison, selon la nécessité. Nous sommes deux créatures désespérées, n’est-ce pas? Qu’est-ce que la vie pour vous aujourd’hui? rien. Qu’est-ce que la vie pour moi? oh! bien peu de chose sans vous, ma mère, croyez-le; car sans vous cette vie, je vous le jure, eût cessé du jour où j’ai douté de mon père et renié son nom! Enfin, je vis, si vous me promettez d’espérer encore; si vous me laissez le soin de votre bonheur à venir, vous doublez ma force. Alors je vais trouver là-bas le gouverneur de l’Algérie, c’est un cœur loyal et surtout essentiellement soldat; je lui comte ma lugubre histoire: je le prie de tourner de temps en temps les yeux du côté où je serai, et s’il me tient parole, s’il me regarde faire, avant six mois je suis officier ou mort. Si je suis officier, votre sort est assuré, ma mère, car j’aurai de l’argent pour vous et pour moi, de plus un nouveau nom dont nous serons fiers tous deux, puisque ce sera votre vrai nom. Si je suis tué… eh bien, si je suis tué, alors, chère mère, vous mourrez, s’il vous plaît, et alors nos malheurs auront leur terme dans leur excès même.

– C’est bien, répondit Mercédès avec son noble et éloquent regard; tu as raison, mon fils: prouvons à certaines gens qui nous regardent et qui attendent nos actes pour nous juger, prouvons-leur que nous sommes au moins dignes d’être plaints.

– Mais pas de funèbres idées, chère mère! s’écria le jeune homme; je vous jure que nous sommes, ou du moins que nous pouvons être très heureux. Vous êtes à la fois une femme pleine d’esprit et de résignation; moi, je suis devenu simple de goût et sans passion, je l’espère. Une fois au service, me voilà riche; une fois dans la maison de M. Dantès, vous voilà tranquille. Essayons! je vous en prie, ma mère, essayons.

– Oui, essayons, mon fils, car tu dois vivre, car tu dois être heureux, répondit Mercédès.

– Ainsi, ma mère, voilà notre partage fait, ajouta le jeune homme en affectant une grande aisance. Nous pouvons aujourd’hui même partir. Allons, je retiens, comme il est dit, votre place.

– Mais la tienne, mon fils?

– Moi, je dois rester deux ou trois jours encore, ma mère; c’est un commencement de séparation, et nous avons besoin de nous y habituer. J’ai besoin de quelques recommandations, de quelques renseignements sur l’Afrique, je vous rejoindrai à Marseille.

– Eh bien, soit, partons! dit Mercédès en s’enveloppant dans le seul châle qu’elle eût emporté, et qui se trouvait par hasard être un cachemire noir d’un grand prix; partons!»

Albert recueillit à la hâte ses papiers, sonna pour payer les trente francs qu’il devait au maître de l’hôtel, et, offrant son bras à sa mère, il descendit l’escalier.

Quelqu’un descendait devant eux; ce quelqu’un, entendant le frôlement d’une robe de soie sur la rampe, se retourna.

«Debray! murmura Albert.

– Vous, Morcerf!» répondit le secrétaire du ministre en s’arrêtant sur la marche où il se trouvait.

La curiosité l’emporta chez Debray sur le désir de garder l’incognito; d’ailleurs il était reconnu.

Il semblait piquant, en effet, de retrouver dans cet hôtel ignoré le jeune homme dont la malheureuse aventure venait de faire un si grand éclat dans Paris.

«Morcerf!» répéta Debray.

Puis, apercevant dans la demi-obscurité la tournure jeune encore et le voile noir de Mme de Morcerf.

«Oh! pardon, ajouta-t-il avec un sourire, je vous laisse, Albert.»

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