Читаем Le Comte de Monte-Cristo. Tome III полностью

On n’eût pas dit, à la voir ainsi ridée et fleurie comme une aïeule à qui ses petits-enfants viennent de souhaiter la fête, qu’elle pourrait raconter bien des drames terribles, si elle joignait une voix aux oreilles menaçantes qu’un vieux proverbe donne aux murailles.

On parcourait ce jardin en suivant une allée sablée de sable rouge, sur lequel mordait, avec des tons qui eussent réjoui l’œil de Delacroix, notre Rubens moderne, une bordure de gros buis, vieille de plusieurs années. Cette allée avait la forme d’un 8, et tournait en s’élançant, de manière à faire dans un jardin de vingt pieds une promenade de soixante. Jamais Flore, la riante et fraîche déesse des bons jardiniers latins, n’avait été honorée d’un culte aussi minutieux et aussi pur que l’était celui qu’on lui rendait dans ce petit enclos.

En effet, de vingt rosiers qui composaient le parterre, pas une feuille ne portait la trace de la mouche, pas un filet la petite grappe de pucerons verts qui désolent et rongent les plantes grandissant sur un terrain humide. Ce n’était cependant point l’humidité qui manquait à ce jardin: la terre noire comme de la suie, l’opaque feuillage des arbres, le disaient assez; d’ailleurs l’humidité factice eût promptement suppléé à l’humidité naturelle, grâce au tonneau plein d’eau croupissante qui creusait un des angles du jardin, et dans lequel stationnaient, sur une nappe verte, une grenouille et un crapaud qui, par incompatibilité d’humeur, sans doute, se tenaient toujours, en se tournant le dos, aux deux points opposés du cercle.

D’ailleurs, pas une herbe dans les allées, pas un rejeton parasite dans les plates-bandes; une petite-maîtresse polit et émonde avec moins de soin les géraniums, les cactus et les rhododendrons de sa jardinière de porcelaine que ne le faisait le maître jusqu’alors invisible du petit enclos.

Monte-Cristo arrêta après avoir refermé la porte en agrafant la ficelle à son clou, et embrassa d’un regard toute la propriété.

«Il paraît, dit-il, que l’homme du télégraphe a des jardiniers à l’année, ou se livre passionnément à l’agriculture.»

Tout à coup il se heurta à quelque chose, tapi derrière une brouette chargée de feuillage: ce quelque chose se redressa en laissant échapper une exclamation qui peignait son étonnement, et Monte-Cristo se trouva en face d’un bonhomme d’une cinquantaine d’années qui ramassait des fraises qu’il plaçait sur des feuilles de vigne.

Il y avait douze feuilles de vigne et presque autant de fraises.

Le bonhomme, en se relevant, faillit laisser choir fraises, feuilles et assiette.

«Vous faites votre récolte, monsieur? dit Monte-Cristo en souriant.

– Pardon, monsieur, répondit le bonhomme en portant la main à sa casquette, je ne suis pas là-haut c’est vrai, mais je viens d’en descendre à l’instant même.

– Que je ne vous gêne en rien, mon ami, dit le comte; cueillez vos fraises, si toutefois il vous en reste encore.

– J’en ai encore dix, dit l’homme, car en voici onze, et j’en avais vingt et une, cinq de plus que l’année dernière. Mais ce n’est pas étonnant, le printemps a été chaud cette année, et ce qu’il faut aux fraises, voyez-vous, monsieur, c’est la chaleur. Voilà pourquoi, au lieu de seize que j’ai eues l’année passée, j’en ai cette année, voyez-vous, onze déjà cueillies, douze, treize, quatorze, quinze, seize, dix-sept, dix-huit. Oh! mon Dieu! il m’en manque deux, elles y étaient encore hier, monsieur, elles y étaient, j’en suis sûr, je les ai comptées. Il faut que ce soit le fils de la mère Simon qui me les ait soufflées, je l’ai vu rôder par ici ce matin. Ah! le petit drôle, voler dans un enclos! il ne sait pas où cela peut le mener.

– En effet, dit Monte-Cristo, c’est grave, mais vous ferez la part de la jeunesse du délinquant et de sa gourmandise.

– Certainement, dit le jardinier; ce n’en est pas moins fort désagréable. Mais, encore une fois, pardon, monsieur: c’est peut-être un chef que je fais attendre ainsi?»

Et il interrogeait d’un regard craintif le comte et son habit bleu.

«Rassurez-vous, mon ami, dit le comte avec ce sourire qu’il faisait, à sa volonté, si terrible et si bienveillant, et qui cette fois n’exprimait que la bienveillance, je ne suis point un chef qui vient pour vous inspecter, mais un simple voyageur conduit par la curiosité et qui commence même à se reprocher sa visite en voyant qu’il vous fait perdre votre temps.

– Oh! mon temps n’est pas cher, répliqua le bonhomme avec un sourire mélancolique. Cependant c’est le temps du gouvernement, et je ne devrais pas le perdre, mais j’avais reçu le signal qui m’annonçait que je pouvais me reposer une heure (il jeta les yeux sur le cadran solaire, car il y avait de tout dans l’enclos de la tour de Montlhéry, même un cadran solaire), et, vous le voyez. J’avais encore dix minutes devant moi, puis mes fraises étaient mûres, et un jour de plus… D’ailleurs, croiriez-vous, monsieur, que les loirs me les mangent?

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