Читаем Le Comte de Monte-Cristo. Tome III полностью

– Eh mon Dieu, oui, un télégraphe. J’ai vu parfois au bout d’un chemin, sur un tertre, par un beau soleil, se lever ces bras noirs et pliants pareils aux pattes d’un immense coléoptère, et jamais ce ne fut sans émotion, je vous jure, car je pensais que ces signes bizarres fendant l’air avec précision, et portant à trois cents lieues la volonté inconnue d’un homme assis devant une table, à un autre homme assis à l’extrémité de la ligne devant une autre table, se dessinaient sur le gris du nuage ou sur l’azur du ciel, par la seule force du vouloir de ce chef tout-puissant: je croyais alors aux génies, aux sylphes, aux gnomes, aux pouvoirs occultes enfin, et je riais. Or, jamais l’envie ne m’était venue de voir de près ces gros insectes au ventre blanc, aux pattes noires et maigres, car je craignais de trouver sous leurs ailes de pierre le petit génie humain, bien gourmé, bien pédant, bien bourré de science, de cabale ou de sorcellerie. Mais voilà qu’un beau matin j’ai appris que le moteur de chaque télégraphe était un pauvre diable d’employé à douze cents francs par an, occupé tout le jour à regarder, non pas le ciel comme l’astronome, non pas l’eau comme le pêcheur, non pas le paysage comme un cerveau vide, mais bien l’insecte au ventre blanc, aux pattes noires, son correspondant, placé à quelque quatre ou cinq lieues de lui. Alors je me suis senti pris d’un désir curieux de voir de près cette chrysalide vivante et d’assister à la comédie que du fond de sa coque elle donne à cette autre chrysalide, en tirant les uns après les autres quelques bouts de ficelle.

– Et vous allez là?

– J’y vais.

– À quel télégraphe? À celui du ministère de l’Intérieur ou de l’Observatoire?

– Oh! non pas, je trouverais là des gens qui voudraient me forcer de comprendre des choses que je veux ignorer, et qui m’expliqueraient malgré moi un mystère qu’ils ne connaissent pas. Peste! je veux garder les illusions que j’ai encore sur les insectes; c’est bien assez d’avoir déjà perdu celles que j’avais sur les hommes. Je n’irai donc ni au télégraphe du ministère de l’Intérieur, ni au télégraphe de l’Observatoire. Ce qu’il me faut, c’est le télégraphe en plein champ, pour y trouver le pur bonhomme pétrifié dans sa tour.

– Vous êtes un singulier grand seigneur, dit Villefort.

– Quelle ligne me conseillez-vous d’étudier?

– Mais la plus occupée à cette heure.

– Bon! celle d’Espagne, alors?

– Justement. Voulez-vous une lettre du ministre pour qu’on vous explique…

– Mais non, dit Monte-Cristo, puisque je vous dis, au contraire, que je n’y veux rien comprendre. Du moment où j’y comprendrai quelque chose, il n’y aura plus de télégraphe, il n’y aura plus qu’un signe de M. Duchâtel ou de M. de Montalivet, transmis au préfet de Bayonne et travesti en deux mots grecs: τήλε, γράφειν. C’est la bête aux pattes noires et le mot effrayant que je veux conserver dans toute leur pureté et dans toute ma vénération.

– Allez donc, car dans deux heures il fera nuit, et vous ne verrez plus rien.

– Diable, vous m’effrayez. Quel est le plus proche? Sur la route de Bayonne?

– Oui, va pour la route de Bayonne. C’est celui de Châtillon.

– Et après celui de Châtillon?

– Celui de la tour de Montlhéry, je crois.

– Merci, au revoir! Samedi je vous raconterai mes impressions.»

À la porte, le comte se trouva avec les deux notaires qui venaient de déshériter Valentine, et qui se retiraient enchantés d’avoir fait un acte qui ne pouvait manquer de leur faire grand honneur.

<p>LXI. Le moyen de délivrer un jardinier des loirs qui mangent ses pêches</p>

Non pas le même soir, comme il l’avait dit, mais le lendemain matin, le comte de Monte-Cristo sortit par la barrière d’Enfer, prit la route d’Orléans, dépassa le village de Linas sans s’arrêter au télégraphe qui, justement au moment où le comte passait, faisait mouvoir ses longs bras décharnés, et gagna la tour de Montlhéry, située, comme chacun sait, sur l’endroit le plus élevé de la plaine de ce nom.

Au pied de la colline, le comte mit pied à terre, et par un petit sentier circulaire, large de dix-huit pouces, commença de gravir la montagne; arrivé au sommet, il se trouva arrêté par une haie sur laquelle des fruits verts avaient succédé aux fleurs roses et blanches.

Monte-Cristo chercha la porte du petit enclos, et ne tarda point à la trouver. C’était une petite herse en bois, roulant sur des gonds d’osier et se fermant avec un clou et une ficelle. En un instant le comte fut au courant du mécanisme et la porte s’ouvrit.

Le comte se trouva alors dans un petit jardin de vingt pieds de long sur douze de large, borné d’un côté par la partie de la haie dans laquelle était encadrée l’ingénieuse machine que nous avons décrite sous le nom de porte, et de l’autre par la vieille tour ceinte de lierre, toute parsemée de ravenelles et de giroflées.

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