Читаем Le Comte de Monte-Cristo. Tome II полностью

– Peppino est un garçon de sens qui n’a pas le moindre amour-propre, et qui, contre l’habitude des hommes qui sont furieux lorsqu’on ne s’occupe pas d’eux, a été enchanté, lui, de voir que l’attention générale se portait sur son camarade; il a en conséquence profité de cette distraction pour se glisser dans la foule et disparaître, sans même remercier les dignes prêtres qui l’avaient accompagné. Décidément, l’homme est un animal fort ingrat et fort égoïste… Mais habillez-vous; tenez, vous voyez que M. de Morcerf vous donne l’exemple.»

En effet, Albert passait machinalement son pantalon de taffetas par-dessus son pantalon noir et ses bottes vernies.

«Eh bien! Albert, demanda Franz, êtes-vous bien en train de faire des folies? Voyons, répondez franchement.

– Non, dit-il, mais en vérité je suis aise maintenant d’avoir vu une pareille chose, et je comprends ce que disait M. le comte: c’est que, lorsqu’on a pu s’habituer une fois à un pareil spectacle, ce soit le seul qui donne encore des émotions.

– Sans compter que c’est en ce moment-là seulement qu’on peut faire des études de caractères, dit le comte; sur la première marche de l’échafaud, la mort arrache le masque qu’on a porté toute la vie, et le véritable visage apparaît. Il faut en convenir, celui d’Andrea n’était pas beau à voir… Le hideux coquin!… Habillons-nous, messieurs, habillons-nous!»

Il eût été ridicule à Franz de faire la petite maîtresse et de ne pas suivre l’exemple que lui donnaient ses deux compagnons. Il passa donc à son tour son costume et mit son masque, qui n’était certainement pas plus pâle que son visage.

La toilette achevée, on descendit. La voiture attendait à la porte, pleine de confetti et de bouquets.

On prit la file.

Il est difficile de se faire l’idée d’une opposition plus complète que celle qui venait de s’opérer. Au lieu de ce spectacle de mort sombre et silencieux, la place del Popolo présentait l’aspect d’une folle et bruyante orgie. Une foule de masques sortaient, débordant de tous les côtés, s’échappant par les portes, descendant par les fenêtres; les voitures débouchaient à tous des coins de rue, chargées de pierrots, d’arlequins, de dominos, de marquis, de Transtévères, de grotesques, de chevaliers, de paysans: tout cela criant, gesticulant, lançant des œufs pleins de farine, des confetti, des bouquets; attaquant de la parole et du projectile amis et étrangers, connus et inconnus, sans que personne ait le droit de s’en fâcher, sans que pas un fasse autre chose que d’en rire.

Franz et Albert étaient comme des hommes que, pour les distraire d’un violent chagrin, on conduirait dans une orgie, et qui, à mesure qu’ils boivent et qu’ils s’enivrent, sentent un voile s’épaissir entre le passé et le présent. Ils voyaient toujours, ou plutôt ils continuaient de sentir en eux le reflet de ce qu’ils avaient vu. Mais peu à peu l’ivresse générale les gagna: il leur sembla que leur raison chancelante allait les abandonner; ils éprouvaient un besoin étrange de prendre leur part de ce bruit, de ce mouvement, de ce vertige. Une poignée de confetti qui arriva à Morcerf d’une voiture voisine, et qui, en le couvrant de poussière, ainsi que ses deux compagnons, piqua son cou et toute la portion du visage que ne garantissait pas le masque, comme si on lui eût jeté un cent d’épingles, acheva de le pousser à la lutte générale dans laquelle étaient déjà engagés tous les masques qu’ils rencontraient. Il se leva à son tour dans la voiture, il puisa à pleines mains dans les sacs, et, avec toute la vigueur et l’adresse dont il était capable, il envoya à son tour œufs et dragées à ses voisins.

Dès lors, le combat était engagé. Le souvenir de ce qu’ils avaient vu une demi-heure auparavant s’effaça tout à fait de l’esprit des deux jeunes gens, tant le spectacle bariolé, mouvant, insensé, qu’ils avaient sous les yeux était venu leur faire diversion. Quant au comte de Monte-Cristo, il n’avait jamais, comme nous l’avons dit, paru impressionné un seul instant.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Отверженные
Отверженные

Великий французский писатель Виктор Гюго — один из самых ярких представителей прогрессивно-романтической литературы XIX века. Вот уже более ста лет во всем мире зачитываются его блестящими романами, со сцен театров не сходят его драмы. В данном томе представлен один из лучших романов Гюго — «Отверженные». Это громадная эпопея, представляющая целую энциклопедию французской жизни начала XIX века. Сюжет романа чрезвычайно увлекателен, судьбы его героев удивительно связаны между собой неожиданными и таинственными узами. Его основная идея — это путь от зла к добру, моральное совершенствование как средство преобразования жизни.Перевод под редакцией Анатолия Корнелиевича Виноградова (1931).

Виктор Гюго , Вячеслав Александрович Егоров , Джордж Оливер Смит , Лаванда Риз , Марина Колесова , Оксана Сергеевна Головина

Проза / Классическая проза / Классическая проза ХIX века / Историческая литература / Образование и наука
1984. Скотный двор
1984. Скотный двор

Роман «1984» об опасности тоталитаризма стал одной из самых известных антиутопий XX века, которая стоит в одном ряду с «Мы» Замятина, «О дивный новый мир» Хаксли и «451° по Фаренгейту» Брэдбери.Что будет, если в правящих кругах распространятся идеи фашизма и диктатуры? Каким станет общественный уклад, если власть потребует неуклонного подчинения? К какой катастрофе приведет подобный режим?Повесть-притча «Скотный двор» полна острого сарказма и политической сатиры. Обитатели фермы олицетворяют самые ужасные людские пороки, а сама ферма становится символом тоталитарного общества. Как будут существовать в таком обществе его обитатели – животные, которых поведут на бойню?

Джордж Оруэлл

Классический детектив / Классическая проза / Прочее / Социально-психологическая фантастика / Классическая литература