Читаем Le compte de Monte-Cristo Tome III полностью

«À quoi avais-je pensé depuis que la connaissance m’était revenue? Toujours à la même chose, toujours à ce cadavre d’enfant qui, chaque nuit, dans mes rêves s’envolait du sein de la terre, et planait au-dessus de la fosse en me menaçant du regard et du geste. Aussi, à peine de retour à Paris, je m’informai; la maison n’avait pas été habitée depuis que nous en étions sortis, mais elle venait d’être louée pour neuf ans. J’allai trouver le locataire, je feignis d’avoir un grand désir de ne pas voir passer entre des mains étrangères cette maison qui appartenait au père et à la mère de ma femme; j’offris un dédommagement pour qu’on rompît le bail; on me demanda six mille francs: j’en eusse donné dix mille, j’en eusse donné vingt mille. Je les avais sur moi, je fis, séance tenante, signer la résiliation; puis, lorsque je tins cette cession tant désirée, je partis au galop pour Auteuil. Personne, depuis que j’en étais sorti, n’était entré dans la maison.

«Il était cinq heures de l’après-midi, je montai dans la chambre rouge et j’attendis la nuit.

«Là, tout ce que je me disais depuis un an dans mon agonie continuelle se représenta, bien plus menaçant que jamais, à ma pensée.

«Ce Corse qui m’avait déclaré la vendetta, qui m’avait suivi de Nîmes à Paris; ce Corse, qui était caché dans le jardin, qui m’avait frappé, m’avait vu creuser la fosse, il m’avait vu enterrer l’enfant; il pouvait en arriver à vous connaître; peut-être vous connaissait-il… Ne vous ferait-il pas payer un jour le secret de cette terrible affaire?… Ne serait-ce pas pour lui une bien douce vengeance, quand il apprendrait que je n’étais pas mort de son coup de poignard? Il était donc urgent qu’avant toute chose, et à tout hasard, je fisse disparaître les traces de ce passé, que j’en détruisisse tout vestige matériel; il n’y aurait toujours que trop de réalité dans mon souvenir.

«C’était pour cela que j’avais annulé le bail, c’était pour cela que j’étais venu, c’était pour cela que j’attendais.

«La nuit arriva, je la laissai bien s’épaissir; j’étais sans lumière dans cette chambre, où des souffles de vent faisaient trembler les portières derrière lesquelles je croyais toujours voir quelque espion embusqué; de temps en temps je tressaillais, il me semblait derrière moi, dans ce lit, entendre vos plaintes, et je n’osais me retourner. Mon cœur battait dans le silence, et je le sentais battre si violemment que je croyais que ma blessure allait se rouvrir, enfin, j’entendis s’éteindre, l’un après l’autre, tous ces bruits divers de la campagne. Je compris que je n’avais plus rien à craindre, que je ne pouvais être ni vu ni entendu, et je me décidai à descendre.

«Écoutez, Hermine, je me crois aussi brave qu’un autre homme, mais lorsque je retirai de ma poitrine cette petite clef de l’escalier, que nous chérissions tous deux, et que vous aviez voulu faire attacher à un anneau d’or, lorsque j’ouvris la porte, lorsque, à travers les fenêtres, je vis une lune pâle jeter, sur les degrés en spirale, une longue bande de lumière blanche pareille à un spectre, je me retins au mur et je fus près de crier; il me semblait que j’allais devenir fou.

«Enfin, je parvins à me rendre maître de moi-même. Je descendis l’escalier marche à marche; la seule chose que je n’avais pu vaincre, c’était un étrange tremblement dans les genoux. Je me cramponnai à la rampe; si je l’eusse lâchée un instant, je me fusse précipité.

«J’arrivai à la porte d’en bas; en dehors de cette porte, une bêche était posée contre le mur. Je m’étais muni d’une lanterne sourde; au milieu de la pelouse, je m’arrêtai pour l’allumer, puis je continuai mon chemin.

«Novembre finissait, toute la verdure du jardin avait disparu, les arbres n’étaient plus que des squelettes aux longs bras décharnés, et les feuilles mortes criaient avec le sable sous mes pas.

«L’effroi m’étreignait si fortement le cœur, qu’en approchant du massif je tirai un pistolet de ma poche et l’armai. Je croyais toujours voir apparaître à travers les branches la figure du Corse.

«J’éclairai le massif avec ma lanterne sourde; il était vide. Je jetai les yeux tout autour de moi; j’étais bien seul; aucun bruit ne troublait le silence de la nuit, si ce n’est le chant d’une chouette qui jetait son cri aigu et lugubre comme un appel aux fantômes de la nuit.

«J’attachai ma lanterne à une branche fourchue que j’avais déjà remarquée un an auparavant, à l’endroit même où je m’arrêtai pour creuser la fosse.

«L’herbe avait, pendant l’été, poussé bien épaisse à cet endroit, et, l’automne venu, personne ne s’était trouvé là pour la faucher. Cependant, une place moins garnie attira mon attention; il était évident que c’était là que j’avais retourné la terre. Je me mis à l’œuvre.

«J’en étais donc arrivé à cette heure que j’attendais depuis plus d’un an!

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