Читаем Le compte de Monte-Cristo Tome III полностью

«Il y a un poison qui tue sans presque laisser de trace. Ce poison, je le connais bien: je l’ai étudié dans tous les accidents qu’il amène, dans tous les phénomènes qu’il produit. Ce poison, je l’ai reconnu tout à l’heure chez le pauvre Barrois, comme je l’avais reconnu chez Mme de Saint-Méran. Ce poison, il y a une manière de reconnaître sa présence: il rétablit la couleur bleue du papier de tournesol rougi par un acide, et il teint en vert le sirop de violettes. Nous n’avons pas de papier de tournesol; mais, tenez, voilà qu’on apporte le sirop de violettes que j’ai demandé.»

En effet, on entendait des pas dans le corridor, le docteur entrebâilla la porte, prit des mains de la femme de chambre un vase au fond duquel il y avait deux ou trois cuillerées de sirop, et referma la porte.

«Regardez, dit-il au procureur du roi, dont le cœur battait si fort qu’on eût pu l’entendre, voici dans cette tasse du sirop de violettes, et dans cette carafe le reste de la limonade dont M. Noirtier et Barrois ont bu une partie. Si la limonade est pure et inoffensive, le sirop va garder sa couleur; si la limonade est empoisonnée, le sirop va devenir vert. Regardez!»

Le docteur versa lentement quelques gouttes de limonade de la carafe dans la tasse, et l’on vit à l’instant même un nuage se former au fond de la tasse, ce nuage prit d’abord une nuance bleue; puis du saphir il passa à l’opale et de l’opale à l’émeraude.

Arrivé à cette dernière couleur, il s’y fixa, pour ainsi dire, l’expérience ne laissait aucun doute.

«Le malheureux Barrois a été empoisonné avec de la fausse angusture et de la noix de Saint-Ignace, dit d’Avrigny; maintenant j’en répondrais devant les hommes et devant Dieu.»

Villefort ne dit rien, lui, mais il leva les bras au ciel, ouvrit des yeux hagards, et tomba foudroyé sur un fauteuil.

<p id="_Toc113980144">LXXX. L’accusation.</p>

M d’Avrigny eut bientôt rappelé à lui le magistrat, qui semblait un second cadavre dans cette chambre funèbre.

«Oh! la mort est dans ma maison! s’écria Villefort.

– Dites le crime, répondit le docteur.

– Monsieur d’Avrigny! s’écria Villefort, je ne puis vous exprimer tout ce qui se passe en moi en ce moment; c’est de l’effroi, c’est de la douleur, c’est de la folie.

– Oui, dit M. d’Avrigny avec un calme imposant: mais je crois qu’il est temps que nous agissions; je crois qu’il est temps que nous opposions une digue à ce torrent de mortalité. Quant à moi, je ne me sens point capable de porter plus longtemps de pareils secrets, sans espoir d’en faire bientôt sortir la vengeance pour la société et les victimes.»

Villefort jeta autour de lui un sombre regard.

«Dans ma maison! murmura-t-il, dans ma maison!

– Voyons, magistrat, dit d’Avrigny, soyez homme; interprète de la loi, honorez-vous par une immolation complète.

– Vous me faites frémir, docteur, une immolation!

– J’ai dit le mot.

– Vous soupçonnez donc quelqu’un?

– Je ne soupçonne personne; la mort frappe à votre porte, elle entre, elle va, non pas aveugle, mais intelligente qu’elle est, de chambre en chambre. Eh bien, moi, je suis sa trace, je reconnais son passage, j’adopte la sagesse des anciens: je tâtonne; car mon amitié pour votre famille, car mon respect pour vous sont deux bandeaux appliqués sur mes yeux; eh bien…

– Oh! parlez, parlez, docteur, j’aurai du courage.

– Eh bien, monsieur, vous avez chez vous, dans le sein de votre maison, dans votre famille peut-être, un de ces affreux phénomènes comme chaque siècle en produit quelqu’un. Locuste et Agrippine, vivant en même temps, sont une exception qui prouve la fureur de la Providence à perdre l’empire romain, souillé par tant de crimes. Brunehaut et Frédégonde sont les résultats du travail pénible d’une civilisation à sa genèse, dans laquelle l’homme apprenait à dominer l’esprit, fût-ce par l’envoyé des ténèbres. Eh bien, toutes ces femmes avaient été ou étaient encore jeunes et belles. On avait vu fleurir sur leur front, ou sur leur front fleurissait encore, cette même fleur d’innocence que l’on retrouve aussi sur le front de la coupable qui est dans votre maison.»

Villefort poussa un cri, joignit les mains, et regarda le docteur avec un geste suppliant.

Mais celui-ci poursuivit sans pitié:

«Cherche à qui le crime profite, dit un axiome de jurisprudence…

– Docteur! s’écria Villefort, hélas! docteur, combien de fois la justice des hommes n’a-t-elle pas été trompée par ces funestes paroles! Je ne sais, mais il me semble que ce crime…

– Ah! vous avouez donc enfin que le crime existe?

– Oui, je le reconnais. Que voulez-vous? il le faut bien mais laissez-moi continuer. Il me semble, dis-je, que ce crime tombe sur moi seul et non sur les victimes. Je soupçonne quelque désastre pour moi sous tous ces désastres étranges.

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