Читаем La vie devant soi полностью

Après j'ai eu encore droit au mec qui prenait une dégelée de mitraillette dans le bide parce qu'il était peut-être caissier à la banque ou d'une bande rivale et qui gueulait «ne me tuez pas, ne me tuez pas!» comme un con, parce que ça sert à rien, il faut faire son métier. J'aime bien au ciné quand le mort dit «allez messieurs faites votre métier» avant de mourir, ça indique la compréhension, ça sert à rien de faire chier les gens en les prenant par les bons sentiments. Mais le mec trouvait pas le ton qu'il fallait pour plaire et ils ont dû le faire reculer encore pour remettre ça. D'abord il tendait les mains pour arrêter les balles et c'est là qu'il gueulait «non, non!» et «ne me tuez pas, ne me tuez pas!» avec la voix du mec dans la salle qui faisait ça au micro en toute sécurité. Ensuite il tombait en se tordant car ça fait toujours plaisir au cinéma et puis il ne bougeait plus. Les gangsters y mettaient encore un coup pour s'assurer qu'il n'était pas capable de leur nuire. Et alors que c'était déjà sans espoir, tout se remettait en marche à l'envers et le mec se soulevait dans les airs comme si c'était la main de Dieu qui le prenait et le remettait sur pied pour pouvoir encore s'en servir.

Après on a vu d'autres morceaux et il y en avait qu'il fallait faire reculer dix fois pour que tout soit comme il faut. Les mots se mettaient aussi en marche arrière et disaient les choses à l'envers et Ça faisait des sons mystérieux comme dans une langue que personne ne connaît et qui veut peut-être dire quelque chose.

Quand il n'y avait rien sur l'écran, je m'amusais à imaginer Madame Rosa heureuse, avec tous ses cheveux d'avant-guerre et qui n'était même pas obligée de se défendre parce que c'était le monde à l'envers.

La blonde m'a caressé la joue et il faut dire qu'elle était sympa et c'était dommage. Je pensais à ses deux mômes, ceux que j'avais vus et c'était dommage, quoi.

– Ça a vraiment l'air de te plaire beaucoup.

– Je me suis bien marré.

– Tu peux revenir quand tu veux.

– J'ai pas tellement le temps, je vous promets rien.

Elle m'a proposé d'aller manger une glace et j'ai pas dit non. Je lui plaisais aussi et quand je lui ai pris la main pour qu'on marche plus vite, elle a souri. J'ai pris une glace au chocolat fraise pistache mais après j'ai regretté, j'aurais dû prendre une de vanille.

– J'aime bien quand on peut tout faire reculer. J'habite chez une dame qui va bientôt mourir.

Elle ne touchait pas à sa glace et me regardait. Elle avait les cheveux tellement blonds que j'ai pas pu m'empêcher de lever la main et de les toucher et puis je me suis marré parce que c'était marrant.

– Tes parents ne sont pas à Paris?

J'ai pas su quoi lui dire et j'ai bouffé encore plus de glace, c'est peut-être ce que j'aime le plus au monde.

Elle a pas insisté. Je suis toujours emmerdé quand on me parle qu'est-ce qu'il fait ton papa ou elle est ta maman, c'est un truc qui me manque comme sujet de conversation.

Elle a pris une feuille de papier et un stylo et elle a écrit quelque chose qu'elle a souligné trois fois pour ne pas que je perde la feuille.

– Tiens, c'est mon nom et mon adresse. Tu peux venir quand tu veux. J'ai un ami qui s'occupe des enfants.

– Un psychiatre, j'ai dit. Là, ça l'a soufflée.

– Pourquoi dis-tu cela? Ce sont les pédiatres qui s'occupent des enfants.

– Seulement quand ils sont bébés. Après, c'est les psychiatres.

Elle se taisait et me regardait comme si je lui avais fait peur.

– Qui t'a appris cela?

– J'ai un copain, le Mahoute, qui connaît la question parce qu'il se fait désintoxiquer. C'est à Marmottan qu'on lui fait ça.

Elle a posé sa main sur la mienne et elle s'est penchée sur moi.

– Tu m'as dit que tu as dix ans, n'est-ce pas?

– Un peu, oui.

– Tu en sais des choses pour ton âge… Alors, c'est promis? Tu viendras nous voir?

J'ai léché ma glace. Je n'avais pas le moral et les bonnes choses sont encore mieux quand on a pas le moral. J'ai souvent remarqué ça. Quand on a envie de crever, le chocolat a encore meilleur goût que d'habitude.

– Vous avez déjà quelqu'un.

Elle ne me comprenait pas, à la façon qu'elle me regardait.

J'ai léché ma glace en la regardant droit dans les yeux, avec vengeance.

– Je vous aie vue, tout à l'heure, quand on a failli se rencontrer. Vous êtes revenue à la maison et vous avez déjà deux mômes. Ils sont blonds comme vous.

– Tu m'as suivie?

– Ben oui, vous m'avez fait semblant.

Je ne sais pas ce qu'elle a eu tout d'un coup, mais je vous jure qu'il y avait du monde dans la façon qu'elle me regardait. Vous savez, comme si elle avait quatre fois plus dans les yeux qu'avant.

– Ecoute-moi, mon petit Mohammed…

– On m'appelle plutôt Momo, parce que Mohammed, il y en a trop à dire.

– Écoute, mon chéri, tu as mon nom et adresse, ne les perds pas, viens me voir quand tu veux… Où est-ce que tu habites?

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